Les attentats qui ont ensanglanté Paris vendredi dernier n’ont laissé personne indifférent. Tout le monde s’est montré compatissant. Tous les dirigeants se sont montrés solidaires. Mais une fois le choc et les messages d'émotion passés, l’heure est à la polémique. Polémique sur la guerre contre le terrorisme et surtout sur son efficacité. Polémique sur la crise syrienne que la communauté internationale a laissé traîner durant plus de quatre ans et dont les conséquences commencent à se faire voir partout dans le monde. Car nul ne peut le nier : les deux événements sont intrinsèquement liés. Et bien plus. Tout cela a aussi affaire à l’Iraq, on l’oublie souvent. C’est en effet en Iraq qu’est né Daech, l’Etat Islamique (EI). L’Iraq, que l’ancien président américain, Georges W. Bush, avait envahi en mars 2003, dans le cadre du concept de guerre préventive développé par l'Administration Bush. Il était alors question de parer à la menace des armes de destruction massive dont Washington affirmait à tort détenir la preuve que l'Iraq en possède, dans un rapport présenté au Conseil de sécurité de l'Onu en septembre 2002. Mais « l’opération liberté iraqienne » a viré au cauchemar, et plutôt que de « libérer » le pays d’un tyran, la guerre américaine a donné lieu au chaos, laissant derrière elle un Etat corrompu, affaibli, miné par les conflits confessionnels entre chiites et sunnites. Tout cela a profité à l’EI. Tout comme ce qui se passe en Syrie depuis plus de quatre ans.
Né entre 2004 et 2006, l’Etat Islamique en Iraq et au Levant (EIIL) n’a éclaté à la face du monde que depuis un peu plus d’un an seulement. Plus précisément depuis la chute de la ville iraqienne de Mossoul, en juin 2014. Quelques semaines plus tard, son chef, Abou-Bakr Al-Baghdadi, proclamait la création d’un nouveau califat à cheval entre la Syrie et l’Iraq qui amenait logiquement à un changement d’appellation : l’EIIL devenait l’Etat Islamique (EI).
Depuis lors, le monde assiste, quasiment impuissant, à l’ascension fulgurante du mouvement, couplée à ses méthodes d’extrême brutalité. Pire encore, à une extension géographique qui laisse craindre le pire. Depuis lors également, Daech continue à se financer notamment grâce au trafic du pétrole iraqien. Et cela aussi, on semble l’oublier, ou feindre de l’oublier. Car ce pétrole a bien des preneurs ...
Pourtant, cela fait plus d’un an aussi qu’a été créée la coalition arabo-occidentale anti-EI, oeuvrant depuis août 2014. Ces interventions militaires, principalement aériennes et américaines — et depuis un peu plus d’un mois, russes —, étaient à l’origine censées contrer l’expansion de Daech qui avait conquis en 2014 plusieurs grandes villes iraqiennes et qui commençait à s’implanter sérieusement en Syrie. Mais depuis, cette expansion ne cesse de prendre de l’ampleur bien au-delà des frontières iraqiennes et syriennes. Les dernières attaques de Paris — et celle de Beyrouth — en témoignent. De quoi susciter de nombreuses interrogations sur la « guerre contre le terrorisme ». De quoi susciter une interrogation en particulier : pourquoi ne s’attaque-t-on pas aux racines du mal ? .
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