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Accord nucléaire et élections en Iran

Dimanche, 08 novembre 2015

A quelques mois des élections législatives, prévues en février prochain en Iran, la tension monte entre le camp modéré du président Hassan Rohani, favorable à un rapprochement avec l’Occident, et celui des conservateurs. Tandis que la population iranienne a accueilli avec soulagement l’accord nucléaire conclu le 14 juillet dernier avec les Occidentaux, qui permet une levée progressive des sanctions internationales imposées à l’Iran depuis des années en échange d’une limitation du programme nucléaire iranien, les conservateurs, proches du guide suprême, l’Ayatollah Khamenei, ne semblent pas disposés à laisser Rohani recueillir les dividendes politiques de cet accord. Une victoire du président Rohani aux élections de février lui permettrait en effet de réconforter son pouvoir face aux conservateurs à un an des présidentielles de 2017. Depuis la signature de l’accord nucléaire, 5 journalistes jugés proches de Rohani ont été arrêtés par les Gardiens de la révolution, de même que plusieurs hommes d’affaires favorables à un rapprochement avec l’Occident, dont Siamak Namazi, un Irano-américain qui prône des relations plus solides avec Washington. Et lors d’un récent prêche du guide spirituel à Téhéran en présence de Rohani, ce dernier a été hué par des centaines de conservateurs. Un acte hautement symbolique qui vise sans doute à intimider le président à quelques mois des élections.

Le camp modéré table sur l’accord nucléaire conclu avec les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, France, Chine, Allemagne et Grande-Bretagne) censé mettre fin à la crise économique dont souffre l’Iran, pour remporter une victoire aux législatives. Or, les conservateurs veulent couper court à un tel scénario. Suite à une lettre du guide suprême datant du 21 octobre et adressée au président Rohani, le ministère iranien de l’Industrie et du Commerce a interdit cette semaine l’entrée en Iran de tous les produits de consommation américains. Le guide souligne dans sa lettre la « nécessité de renforcer la production nationale et d’empêcher les importations sans limite, en particulier l’entrée de tout produit de consommation en provenance des Etats-Unis ».

La directive du guide suprême a été annoncée au lendemain de manifestations en Iran pour marquer le 36e anniversaire de la prise de l’ambassade américaine par des étudiants islamistes en 1979, ce qui a provoqué la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Trente-six ans après, Téhéran et Washington n’ont toujours pas rétabli leurs relations. Les manifestants ont crié « Mort à l’Amérique » et brûlé des drapeaux américains et israéliens. Face au discours des modérés qui prônent un rapprochement avec l’Occident, les conservateurs multiplient les gestes de contre-propagande. Un restaurant imitant la chaîne de restaurants américaine KFC a été fermé cette semaine. Et l’Ayatollah Khamenei, qui a le dernier mot dans les affaires stratégiques du pays, a mis en garde contre toute tentative de rapprochement avec Washington et « d’infiltration politique et culturelle des Etats-Unis », plus dangereuse encore que « l’infiltration économique et sécuritaire », selon lui. Devant des milliers d’étudiants, Khamenei a appelé à la « vigilance » face aux Etats-Unis qui chercheront, selon lui, à « planter un couteau dans le dos de l’Iran à la première occasion ». Le bras de fer entre les modérés et les conservateurs n’est pas près de prendre fin.

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