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Le coup de maître de Poutine

Dimanche, 25 octobre 2015

En intervenant militairement en Syrie, et en orchestrant cette semaine à Vienne une réunion quadripartite (Etats-Unis, Russie, Turquie et Arabie saoudite) sur ce pays, la Russie se pose à nouveau comme un acteur incontournable tant sur la scène syrienne qu’internationale. Moscou peut déjà se targuer d’avoir enrayé la progression des groupes djiha­distes en Syrie, comme l’Etat Islamique (EI) ou l’Armée de la Conquête (qui comprend notamment le Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaëda, Ndlr), ce que les Américains et leurs alliés n’ont pas pu faire en un an de frappes aériennes. En soutenant à outrance son allié syrien, le président russe, Vladimir Poutine, a montré une fois de plus qu’il était déterminé à défendre jusqu’au bout ses intérêts stratégiques dans la région, et qu’il n’était aucunement disposé à lâcher du terrain aux Occidentaux. Depuis le début du conflit en Syrie, le maître du Kremlin a âprement défendu son allié syrien, au Conseil de sécurité de l’Onu tout d’abord où Moscou a empêché toute résolution condamnant le régime de Damas. Sur le plan poli­tique, la Russie est intervenue à plu­sieurs reprises pour « sauver » Bachar Al-Assad. A l’été 2013, et face au spectre d’une intervention armée des Américains, Poutine avait notamment proposé un démantèlement négocié des armes chimiques syriennes, sauvant ainsi le régime syrien.

Le soutien russe à la Syrie s’explique par des considérations d’ordre straté­gique. Moscou veut garder son dernier allié dans la région du Proche-Orient avec qui il entretient des relations stra­tégiques depuis la guerre froide. Le maintien de liens rapprochés avec Damas garantit à la Russie un accès aux mers chaudes à travers la base navale de Tartous, sur la côte syrienne. Celle-ci est essentielle pour la présence russe en Méditerranée orientale. Depuis l’accord de 1971, cette base sert de point de ravi­taillement et de base logistique.

En dépit des sanctions occidentales dues à l’engagement en Ukraine et d’un certain isolement diplomatique, Poutine est parvenu à reprendre l’initia­tive. En prononçant tout d’abord un discours hautement symbolique devant le Conseil de sécurité de l’Onu, le pre­mier depuis 10 ans, où il a appelé à former une coalition internationale contre le terrorisme, et surtout en inter­venant militairement aux côtés des forces de Bachar Al-Assad, le chef du Kremlin a su mettre à profit les fai­blesses du camp occidental, inconsis­tant et sans stratégie claire. Confrontés au problème des réfugiés, les Occidentaux, qui exigeaient au départ l’exclusion de Bachar Al-Assad comme condition préalable à tout règlement en Syrie, ont fini par mettre de l’eau dans leur vin et sont aujourd’hui prêts à négocier une solution dont Assad ferait partie. Faute de s’être donné les moyens de renverser Assad en aidant l’opposi­tion modérée, les Occidentaux se retrouvent aujourd’hui dans l’impasse. Or, Poutine sait ce qu’il veut : le main­tien à tout prix du régime syrien. Le numéro un russe est d’autant plus incontournable qu’il est le seul à s’adresser à toutes les parties, aussi bien avec le régime syrien qu’avec l’Iran, considéré par tous depuis l’accord sur le nucléaire comme l'un des éléments de la solution, mais aussi avec les monar­chies arabes du Golfe et Israël. L’intervention russe en Syrie apparaît comme un coup de maître du numéro un russe.

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