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L'absence d'électeurs aux législatives

Dimanche, 25 octobre 2015

Les Frères musulmans ont tort de croire que c’est à cause d’eux que les Egyptiens se sont abstenus de participer aux élections parlementaires. La réalité est que les Frères musulmans n’ont plus d’in­fluence dans la rue égyptienne et que l’abstention de vote est une décision individuelle prise par chaque citoyen. Et il s’avère important de connaître les rai­sons de cette abstention.

D’abord, l’absence quasi totale des jeunes est l’aspect le plus dangereux de ces élec­tions, alors que la majorité des électeurs étaient des personnes âgées ou des femmes. Cela signifie que de nouveaux hori­zons de dialogue doivent être ouverts entre les jeunes et le pouvoir. La réalité est que per­sonne ne leur a tendu la main, ni ceux qui détiennent le pou­voir ni les forces civiles repré­sentées par les partis politiques. Les jeunes se sentent donc en position d’autodéfense face à des partis « artificiels », à des forces destructives dirigées par des mains et des fonds vicieux, à un pouvoir qui s’est éloigné d’eux, bien que ce pouvoir soit le fruit d’une révolution que les jeunes ont faite eux-mêmes. L’abstention des jeunes n’est donc pas chose curieuse, c’est une réaction tout à fait natu­relle, surtout que les jeunes de la révolution ont été accusés de trahison et du fait d’oeuvrer pour des agendas étrangers.

Par ailleurs, les jeunes ont réa­lisé que les tentacules et les hommes de l’ancien régime occupaient le devant de la scène, en ce qui concerne les positions de responsabilité et de prise de décision. Et le plus dangereux est que les symboles de l’ancien régime sont réapparus sur la scène politique, en déposant leur candidature aux élections parle­mentaires actuelles. Ceci signifie que les jeunes, qui ont pris en charge de renverser 2 régimes et de destituer 2 présidents, ont été marginalisés et écartés de la scène politique, et même empri­sonnés. Cette génération qui a impressionné le monde entier est aujourd’hui considérée comme coupable. Elle a donc voulu lan­cer un message en s’abstenant de voter.

Ensuite, il va sans dire que le peuple égyptien espérait une amélioration de ses conditions de vie. On ne peut nier que l’Etat a réalisé des projets colossaux comme le Nouveau Canal de Suez et l’amélioration du réseau routier. Il s’est engagé dans une guerre sans merci contre le terrorisme et a réussi à rétablir la sécurité et la stabilité dans les rues du pays. Mais pour ce qui est des familles pauvres, la situation n’a pas changé. Les jeunes sont sans travail, sans revenus, sans espoir. Et même les familles des martyrs de la révolution de 2011 n’ont trouvé aucune estime de la part de l’Etat. Les classes pauvres de la société ne sont pas intéressées par des questions comme le par­lement, la démocratie, les liber­tés et autres. Elles aspirent à une vie descente et un avenir prometteur pour leurs enfants. Les classes pauvres savent que jusqu’à aujourd’hui les emplois sont réservés aux fils des res­ponsables, sans prise en consi­dération de la dimension sociale, éthique et tout reste encore géré par le favoritisme. Les pauvres d’Egypte se sont donc trouvés en marge de la vie de la société, sans aucune éga­lité ni équité de chances. Et si les pauvres d’Egypte étaient absents de la scène politique, c’est également parce qu’il existe 27 millions d’Egyptiens analphabètes. Leur absence est tout à fait normale.

De plus, il faut reconnaître que le gouvernement a commis plusieurs erreurs consécutives, comme les défauts de la nou­velle loi électorale. Et aussi en négligeant le processus électo­ral et laissant le public se préoc­cuper par d’autres questions sans aucune importance, comme les matchs de football et les scandales des danseuses et des hommes d’affaires, au lieu de diriger l’opinion publique vers la politique.

Enfin, le citoyen égyptien s’est trouvé confus face à des noms de candidats qu’il ne connaît pas, des bureaux de vote relocalisés ou des partis méconnus. Et surtout face à des médias incompétents qui n’ont pas aidé les électeurs à voter.

Il faut reconnaître que nous sommes face à une crise, surtout en ce qui concerne la relation entre le pouvoir et les jeunes, ainsi que l’intérêt accordé aux classes marginalisées. Et surtout que les Egyptiens ressentent que rien n’a changé : les hommes de l’ancien régime seront prochai­nement présents sous la coupole, tandis que les jeunes sont en prison. Et le nouveau parlement protégera les intérêts d’une couche qui a usurpé les biens du peuple, alors que le citoyen a besoin de trouver de quoi man­ger, un habitat, une assurance médicale et des lois qui protè­gent ses droits et sa dignité.

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