Quatre ans après le déclenchement de la guerre civile, la Syrie est le théâtre d’une confrontation impliquant plusieurs acteurs régionaux et internationaux, dont les intérêts se chevauchent et s’interfèrent. La scène syrienne est au coeur d’un duel entre les Etats-Unis et la Russie. Contrairement à Moscou, Washington a toujours été hostile au régime syrien jugé « répressif » et « dictatorial », sans jamais intervenir directement contre ce régime, de peur de favoriser l’Etat islamique et d’autres groupes djihadistes qui opèrent sur la scène syrienne. Les Américains préfèrent accorder leur soutien à l’opposition syrienne modérée et laïque, bien que celle-ci, extrêmement faible, ne paraisse pas en mesure de faire face au régime syrien, et encore moins aux groupes terroristes.
Mais cette politique américaine est mise à mal par la Russie, qui soutient Bachar Al-Assad et est hostile à l’opposition syrienne.
Au cours des dernières semaines, les deux superpuissances se sont livrées à un véritable bras de fer en Syrie. En déployant sa marine dans l’Est de la Méditerranée, et en livrant des armes à la Syrie, la Russie envoie un message fort aux Américains et leurs alliés occidentaux, affirmant ainsi qu’elle existe sur la scène et qu’elle se pose comme un acteur incontournable de la crise syrienne. La Russie est parvenue en outre à détourner les regards de la crise ukrainienne, qui l’oppose aux Occidentaux.
Les Russes, qui gardent encore une mentalité héritée de la guerre froide, et possèdent un sentiment d’insécurité face à l’Occident, veulent à tout prix maintenir l’une de leurs dernières zones d’influence au Proche-Orient. Ils possèdent en Syrie leur seule base navale en Méditerranée. Malgré leurs divergences, Russes et Américains partagent une hostilité face aux groupes djihadistes qui combattent le régime de Damas.
Les Européens sont le troisième grand acteur opérant sur la scène syrienne. Ils partagent avec Washington une hostilité claire face au régime de Damas et, avec la Russie, la crainte d’une extension des djihadistes. Ils soutiennent l’opposition modérée. Mais leur implication dans le conflit (notamment à travers les frappes aériennes qu’ils mènent au côté de Washington), est aussi motivée par des intérêts directs. Les Européens s’inquiètent, en effet, de l’amplification de la crise des réfugiés syriens en Europe, qui risque de favoriser une montée en puissance de l’extrême droite. Ceci sans parler de la pression économique que représente cette crise pour de nombreux pays du Vieux Continent. Ils tentent à présent de pousser une solution à la crise, quitte à accepter que Bachar Al-Assad en fasse partie.
Au niveau régional, la Syrie est devenue le théâtre d’un conflit sunnite-chiite. Le duel principal oppose l’Arabie saoudite et ses alliés du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) à l’Iran et à son allié le Hezbollah libanais. Riyad et ses alliés sont opposés au régime alaouite de Damas, grand allié de l’Iran, dont ils craignent l’influence. Ils soutiennent les factions djihadistes sunnites qu’ils financent et arment, ainsi que l’opposition modérée.
De l’autre côté, l’Iran fait tout pour éviter la chute de Bachar Al-Assad. La Syrie est d’un grand intérêt pour l’Iran, lui garantissant notamment un accès territorial au Hezbollah libanais. Les Iraniens dépensent des milliards de dollars chaque année pour éviter une chute du régime syrien, à qui Téhéran fournit des armes et des combattants.
La Turquie est la dernière force en présence sur la scène syrienne. Ankara est hostile au régime de Damas, et soutient, elle aussi, certaines factions djihadistes en guerre contre le régime de Bachar Al-Assad. Mais elle est surtout hostile aux Kurdes du PKK en Syrie, qui ne combattent pas le régime de Bachar, mais les djihadistes.
Quatre ans après le déclenchement du conflit, la Syrie est témoin d’une véritable mêlée aussi bien régionale qu’internationale. Et c’est la population syrienne qui en paie le prix .
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