Dans son discours prononcé devant le Conseil consultatif, après la ratification de la Constitution, le président Mohamad Morsi a évoqué la question de l’Etat moderne. La société doit comprendre que l’objectif à atteindre au cours de la prochaine période est la fondation d’un Etat moderne avec des bases solides. Le président de la République a parlé de trois fondements essentiels de l’Etat moderne, à savoir un Etat de droit, des médias responsables et une société civile active en matière de développement durable.
En réalité, établir un Etat moderne nécessite d’autres facteurs que le président Morsi n’a pas abordés. Certes, il n’était pas censé énumérer tous les aspects de cet Etat, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas parlé en détail des trois fondements-clés susmentionnées, surtout au lendemain de la révolution du 25 janvier et des événements qui en ont découlé.
Le chef de l’Etat a parlé de la primauté de l’Etat de droit au sein d’un Etat moderne. Les politologues ont depuis bien longtemps insisté sur ce point dans le modèle démocratique. En effet, l’Etat moderne et l’Etat de droit sont deux facettes d’une même monnaie. On ne peut pas fonder un Etat moderne sans la primauté de la loi, c’est-à-dire sans l’indépendance de la magistrature et la séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Le président aurait dû, dans son discours, commenter certaines pratiques étatiques qui ont eu lieu sous son mandat et qui constituent un empiétement clair sur les prérogatives du pouvoir judiciaire. Je veux parler de certaines décisions prises par le président comme le limogeage du procureur général et la limitation des prérogatives de la Haute Cour constitutionnelle. Le président aurait dû apporter des explications valables à ces mesures, surtout que nous sommes en une période de passage de l’étape transitoire à celle de l’instauration des institutions étatiques. Il aurait été préférable que le président Morsi s’adonne à une autocritique un peu comme les dirigeants politiques dans les pays démocratiques.
L’une des pratiques dangereuses ayant le plus terni l’image des Frères musulmans est cette offensive sauvage menée contre la Haute Cour constitutionnelle, allant jusqu’à l’assiéger et interdire son accès aux juges. Ce qui a contraint ces derniers à suspendre leurs séances sine die. Ces pratiques malsaines avaient pour objectif d’empêcher la Cour de prononcer ses verdicts, qu’il s’agisse des verdicts relatifs au Conseil consultatif ou ceux se rapportant à l’assemblée constituante. Ces pratiques étaient le fruit d’ordres directs donnés par les leaders de l’aile politique de la confrérie, le Parti Liberté et justice. D’ailleurs, l’un de ses leaders a déclaré ouvertement que les ordres donnés aux militants de la confrérie étaient « d’encercler seulement le bâtiment et de ne pas recourir à la violence ». Comme si le siège imposé à la prestigieuse Cour n’était pas en soi une agression flagrante contre le pouvoir judiciaire.
Le président Morsi a en outre parlé de l’importance des médias au sein de l’Etat moderne, et il avait raison de condamner dans ce contexte les médias corrompus. En effet, beaucoup de critiques ont été adressées aux médias égyptiens au lendemain de la révolution du 25 janvier, notamment aux talk-shows. D’innombrables chaînes ont cherché à soulever les foules en amplifiant la signification de certains accidents isolés. Ces médias ont également porté atteinte à certaines institutions fondamentales de l’Etat, comme la police, la magistrature et les Forces armées. Ils ont également utilisé un langage inadéquat pour mobiliser et provoquer les foules. Ce comportement immoral est allé jusqu’à monter de toutes pièces des événements et des faits. Et les choses ne se sont pas arrêtées là. Certains médias ont refusé de démentir certaines informations incorrectes qu’ils avaient diffusées. Il s’avère que nous avons grand besoin d’établir un code de déontologie pour tous les médias avec des sanctions professionnelles. Les syndicats, avec à leur tête celui des Journalistes, devraient avoir la charge de rédiger ces codes déontologiques et de les faire appliquer.
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