Le processus de paix engagé entre le gouvernement turc de Recep Tayyip Erdogan et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en janvier 2013, est désormais rompu. Erdogan a jugé cette semaine « impossible » toute poursuite de ce processus avec les séparatistes kurdes. « Il est impossible pour nous de poursuivre le processus de paix avec ceux qui menacent notre unité nationale », a martelé le président turc, qui a préconisé que les responsables politiques liés à des « groupes terroristes » soient privés de leur immunité et poursuivis en justice. Erdogan faisait ainsi référence aux leaders du HDP (parti d’opposition pro-kurde) accusés par le chef du gouvernement turc de liens avec le PKK, de « terrorisme » et « d’incitation à la violence ». D’ailleurs, les assistants de M. Erdogan ont engagé une procédure la semaine dernière pour tenter d’interdire le HDP. Et une investigation est actuellement en cours par le procureur général avec l’un des leaders du parti, Selahattin Dermirtas, accusé d’incitation à la violence et de soutien au terrorisme.
Ces développements interviennent au moment où l’armée turque a entamé le 20 juillet dernier des frappes aériennes contre des positions du PKK dans la province de Sirnak, dans le sud-est du pays, près de la frontière iraqienne. Depuis l’attentat suicide imputé au groupe Etat Islamique (EI) qui a fait 32 morts le 20 juillet à Suruç, la Turquie a lancé des raids contre l’EI en Syrie et les camps du PKK en Iraq, car les séparatistes kurdes ont lancé après l’attentat plusieurs attaques de représailles contre des policiers accusés de collaboration avec l’EI. Le PKK estime désormais que la trêve qu’il observe depuis mars 2013 pour permettre des négociations de paix est vide de sens.
L’attaque lancée contre les policiers turcs par des Kurdes nécessitait-elle une riposte d’une telle ampleur de la part de la Turquie ? En réalité, la volte-face d’Erdogan dans la question kurde s’explique avant tout par des considérations de politique interne. Lors des élections législatives du 7 juin, Erdogan a vu son parti l’AKP (Parti de la justice et du développement), perdre sa majorité absolue. Or, le HDP a réalisé une percée remarquable aux élections obtenant 13 % des voix. Le chef de l’exécutif turc veut à présent affaiblir le HDP et organiser des élections législatives anticipées qui permettraient de récupérer une majorité absolue nécessaire pour achever la transformation de la Turquie en régime présidentiel. En cherchant un conflit ouvert avec le PKK, Erdogan cherche en outre à raviver la flamme du nationalisme turc et à regagner la confiance des électeurs. Les Kurdes représentent environ 20 % des 77 millions de Turcs. Le gouvernement d’Erdogan mène depuis quelque temps une vague d’arrestations contre des rebelles du PKK et des militants d’extrême-gauche. 900 personnes auraient été arrêtées fin juillet en une semaine.
Mais ce n’est pas tout. Les succès réalisés par les combattants kurdes contre l’organisation EI en Syrie et en Iraq sont mal ressentis par le gouvernement turc qui craint la constitution d’une région autonome kurde. D’où les frappes aériennes contre les positions du PKK en Iraq.
Mais la guerre d’Erdogan contre les Kurdes est avant tout une guerre électorale .
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