Historique. Après 12 ans de négociations ardues, l’Iran et ses interlocuteurs occidentaux (Etats-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne, France et Allemagne) sont enfin parvenus à un accord qui prévoit un contrôle des activités nucléaires de Téhéran en échange d’une levée progressive des sanctions internationales. Perçu comme « une victoire » par les Occidentaux, l’accord de Vienne alimente une série d’interrogations. Va-t-il changer le rapport des forces au Moyen-Orient ?
L’accord marque le grand retour de l’Iran sur la scène internationale. Isolé du reste du monde depuis la Révolution islamique de 1979, et durement sanctionné par le Conseil de sécurité de l’Onu sous la présidence de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) en raison de son présumé programme nucléaire, l’Iran entame aujourd’hui la normalisation de ses relations avec la communauté internationale. Avec la levée progressive des sanctions imposées à son encontre, Téhéran réintégrera les systèmes bancaires internationaux, reprendra ses ventes de pétrole à l’étranger et obtiendra le dégel de ses avoirs bloqués en Occident, estimés à 120 milliards de dollars. Cette somme considérable permettra à l’Iran, qui possède les secondes réserves mondiales en gaz et les quatrièmes en pétrole, de rattraper rapidement son retard sur ses voisins régionaux.
Mais cette situation inquiète fortement les pays du Golfe qui voient d’un mauvais oeil les ambitions régionales de l’Iran. Ils craignent surtout que le régime iranien n’utilise ces fonds pour accroître son soutien financier au régime de Bachar Al-Assad en Syrie (auquel l’Arabie saoudite est opposée) ainsi qu’au Hezbollah libanais, au Hamas ou au Djihad islamique palestinien. Si la majeure partie de ces 120 milliards de dollars gelés, notamment en Asie, que Téhéran devrait récupérer progressivement, sera consacrée à la relance d’une économie asphyxiée par des années de sanctions, une partie de cette somme profitera sans doute aux relais de l’Iran hors de ses frontières. Une situation qui hante les pays du Golfe. L’Iran fournissait une aide financière au régime de Bachar Al-Assad de l’ordre de 6 milliards de dollars. Celle-ci a été ramenée à 1 milliard seulement en raison des sanctions internationales. Or, la levée des sanctions va encourager le régime iranien à étendre ses ambitions régionales.
« Les craintes des pays du Golfe vont sans doute pousser ces derniers, surtout l’Arabie saoudite, à développer un potentiel nucléaire et à rechercher de nouvelles alliances. On pourrait ainsi assister à une course à l’armement nucléaire dans la région », notait cette semaine un analyste arabe. Riyad pourrait chercher à nouer une alliance avec une puissance sunnite comme le Pakistan qui possède un arsenal nucléaire, même si ce pays a refusé récemment une demande saoudienne d’intervenir au Yémen aux côtés de la coalition internationale, menée par Riyad. « Les pays du Golfe pourraient de même chercher à bâtir l’infrastructure nécessaire à la fabrication d’armes nucléaires. Assurément, nous sommes face à une course à l’armement dans la région », expliquait l’analyste cité par le Financial Times.
L’accord de Vienne a peut-être freiné les ambitions nucléaires de Téhéran, mais il va sans doute relancer les rivalités chiites-sunnites dans la région et déclencher une éventuelle course à l’armement.
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