Alors que des négociations de paix sont prévues le 14 juin à Genève, avec pour la première fois la participation du gouvernement yéménite et des rebelles houthis, les combats se poursuivent au Yémen ainsi que la campagne militaire « Tempête décisive » de la coalition menée par l’Arabie saoudite.
Les Etats-Unis, qui font partie de cette coalition, ont préféré y jouer un rôle secondaire, laissant aux protagonistes régionaux l’action principale. Ainsi, Washington se contente d’apporter une aide logistique, de reconnaissance, de localisation d’objectifs à frapper et de renseignement, sans participation directe dans les bombardements. Ce choix s’accommode bien de la vision du président américain, Barack Obama, en faveur d’un désengagement militaire américain des conflits du monde arabe et du Moyen-Orient. Il encourage par conséquent ses alliés régionaux à prendre une part plus importante dans le règlement de ces conflits et dans la défense de leurs intérêts, tout en leur apportant un soutien militaire de second plan.
Cette vision n’est cependant pas dénuée d’ambiguïtés et de divergences de vue avec les alliés régionaux de Washington, en l’occurrence l’Arabie saoudite qui, dans le cas de la crise au Yémen, joue le rôle principal. A commencer par les objectifs de l’opération « Tempête décisive ». Alors que des responsables américains ont indiqué qu’elle visait à imposer une solution politique, les responsables saoudiens ainsi que le président yéménite, internationalement reconnu, Abd-Rabbo Mansour Hadi, ont souligné qu’elle cherchait à restaurer l’autorité de ce dernier ainsi que le désarmement de la rébellion houthie. Autrement dit, la défaite de celle-ci.
Les Etats-Unis ont également pressé l’Arabie saoudite de terminer rapidement la campagne de bombardements aériens et de chercher, sans délai, une solution politique. Washington s’inquiète des conséquences d’un conflit armé prolongé sur l’expansion de l’organisation terroriste, Al-Qaëda, dans la péninsule arabique. Celle-ci, la branche la plus active et la plus dangereuse dans le monde arabe, a élu son siège au Yémen, profitant de la faiblesse de l’Etat, des divisions tribales et d’une géographie escarpée. Alors que l’Arabie saoudite estime que les Houthis, de la secte zaïdite, une branche du chiisme, sont les ennemis les plus dangereux, en raison de leurs liens avec l’Iran chiite, soupçonné par Riyad de visées hégémoniques dans le monde arabe, les Etats-Unis jugent qu’Al-Qaëda, avec son idéologie radicale prônant la violence comme moyen d’action, est la plus dangereuse, qui mérite d’être combattue en premier. Son ennemi juré au Yémen est la mouvance houthie.
D’où la volonté de Washington, contrairement à Riyad, de parvenir à un règlement négocié avec elle, afin de pouvoir combattre plus efficacement Al-Qaëda. Celle-ci, dont le fief est à Hadramaout, au sud du Yémen, étend son influence et territoire grâce à la guerre civile au Yémen. Elle contrôle une région adossée à la frontière sud de l’Arabie saoudite.
Riyad estime à l’inverse que Washington conçoit avec « naïveté » le danger que représente la République islamique d’Iran et ses alliés houthis. Les Saoudiens s’alarment de l’extension de l’influence iranienne chez les voisins arabes de Riyad : Iraq, Syrie, Liban et Yémen. Ils considèrent qu’elle est de nature à exacerber les tensions sectaires entre sunnites et chiites dans les pays arabes. Les Etats-Unis jugent, en revanche, que la priorité doit aller, non pas à l’endiguement de l’influence de l’Iran dans la région, mais à la limitation de ses capacités nucléaires car, pour eux, un Iran doté de l’arme nucléaire serait beaucoup plus dangereux pour ses voisins.
D’où l’accord-cadre, conclu le 2 avril par Téhéran et le groupe des grandes puissances, 5+1, sur son programme nucléaire. Pour Washington, empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, ou du moins en retarder au maximum l’échéance, est une priorité absolue, car cela éviterait une course à l’arme atomique dans la région. La Maison Blanche n’écarte pas dans cette perspective l’engagement d’une certaine coopération avec Téhéran, dans l’espoir d’apaiser les conflits dans la région. Une éventualité que Riyad voit d’un mauvais oeil .
Lien court: