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Pourquoi l’EI progresse ?

Dimanche, 31 mai 2015

Près de dix mois après le lancement des frappes aériennes contre le groupe Etat Islamique (EI) en Iraq et en Syrie, l’organisation djihadiste poursuit sa progression. En Iraq tout d’abord, après la chute de Ramadi, le 17 mai, que les forces gouvernementales tentent de récupérer, l’EI s’est emparé cette semaine d’Al-Oualid, un point de pas­sage important à la frontière syrienne. En Syrie, après la chute de Palmyre, les djihadistes de l’EI se sont emparés du poste-frontière de Tanaf, privant ainsi le régime de Bachar Al-Assad de tout point de contrôle le long de ses fron­tières terrestres, à l’exception des frontières avec le Liban. Samedi, les dji­hadistes ont attaqué la périphérie de la ville syrienne d’Hassaké, à la frontière turque. Et en Libye, l’EI a pris le contrôle de la ville libyenne, Syrte. Outre l’Iraq et la Syrie, l’EI s’est implan­té en Libye l’an dernier en profitant du chaos ambiant. Le groupe revendique épisodiquement des attentats-suicides dans ce pays. Depuis février, il contrôle de larges zones dans la région de Syrte, notamment la localité de Noufliyeh, devenue son fief local.

Le groupe djihadiste continue donc à s’implanter. Il contrôle aujourd’hui un vaste territoire à cheval sur la Syrie et l’Iraq, riche en pétrole, ce qui a rap­porté des millions de dollars aux djiha­distes.

Comment une telle progression a-t-elle été possible ? Faut-il parler aujourd’hui d’un échec de la stratégie américaine de lutte contre l’EI ? Sans doute que oui. L’idée des frappes aériennes, lancées par les Etats-Unis et leurs alliés, était d’affaiblir le groupe djihadiste et de préparer ainsi la voie à l’engagement de troupes au sol. Mais quelles troupes ? Les 5 000 combat­tants de l’opposition syrienne que les Etats-Unis s’étaient engagés à former sont loin de posséder l’expérience nécessaire à une telle intervention. Ils feraient pâle figure face aux djihadistes de l’EI. En l’absence de troupes au sol, les frappes aériennes ont rapidement montré leurs limites.

Malgré leur courage et l’appui aérien occidental, les Kurdes qui combattent l’EI au nord de l’Iraq ne possèdent ni l’expérience de leurs aïeuls qui avaient combattu le régime de Saddam Hussein, ni les armes lourdes que les djihadistes de l’EI ont volées à l’armée iraqienne. L’EI possède en effet une force de frappe blindée non négligeable et un commandement coordonné.

En Iraq, la progression de Daech a été favorisée par la polarisation com­munautaire dans ce pays. En raison de la politique sectaire de l’ancien premier ministre iraqien Nouri Al-Maliki, les sunnites ont été exclus de l’armée ira­qienne et des administrations gouver­nementales. Cette exclusion des sun­nites a fait que ces derniers ne se sont pas opposés aux combattants de l’EI, qui se définissent, eux, comme un groupe sunnite. Ceci au moment où les pays du Golfe, qui perçoivent le gou­vernement chiite iraqien comme un ami de l’Iran, ne fournissent aucune aide à Bagdad dans sa lutte contre l’EI.

En Syrie enfin, l’EI a bénéficié de l’af­faiblissement de l’armée régulière syrienne, aux prises avec plusieurs autres factions djihadistes. Face à la progression de l’EI, l’administration Obama a indiqué que la lutte contre le groupe djihadiste serait longue et qu’elle comporterait « des avancées » et « des reculs ». Un moyen sans doute de justifier son échec.

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