Après 8 jours d’âpres négociations à Lausanne, en Suisse, l’Iran et le groupe 5+1 ont fini par conclure un accord-cadre sur le dossier nucléaire iranien. Le texte final devrait en principe voir le jour d’ici le 30 juin. En vertu de l’accord en question, l’Iran s’engage à réduire de deux tiers le nombre de ses centrifugeuses et à ne pas construire de nouvelles installations d’enrichissement d’uranium pendant une durée de 15 ans. La capacité d’enrichissement de l’Iran, son niveau d’enrichissement et ses stocks seront limités. L’accord prévoit en outre que l’énorme site de Natanz deviendra l’unique installation d’enrichissement du pays. Quant au réacteur d’Arak à eau lourde, son coeur, qui peut produire du plutonium, sera soit détruit, ou placé en dehors du territoire iranien. Le réacteur, lui, sera reconstruit pour se limiter à la recherche et à la production médicale. Enfin, l’Agence internationale de l’énergie atomique contrôlera régulièrement les sites nucléaires iraniens.
Mais au-delà des détails de l’accord qui réduit de manière significative les capacités de l’Iran à se doter de l’arme nucléaire, ce sont ses implications politiques qui retiennent en premier lieu l’attention. En effet, s’il se confirme, l’accord entre l’Iran et les 5+1 devrait ouvrir la voie à des transformations importantes tant sur la scène régionale qu’internationale. Avec la levée des sanctions qui pèsent sur son économie et la normalisation de ses relations avec les pays occidentaux, gelées depuis 35 ans, Téhéran apparaîtrait comme le grand gagnant de cet accord, se poserait désormais comme un acteur incontournable dans la région et gagnerait en influence. D’autant plus qu’un règlement du conflit en Syrie ne peut avoir lieu sans sa participation. La levée des sanctions permettra à la République islamique de vendre son pétrole sur les marchés internationaux et d’établir des liens commerciaux avec les pays occidentaux, boostant ainsi son économie.
Les Etats-Unis sont l’autre grand gagnant de cet accord s’il se confirme au mois de juin. Ce dernier permet, en effet, à Washington de procéder à un rééquilibrage de ses alliances dans la région. Les Américains ont, en effet, besoin de l’Iran pour la lutte contre Daech. En « neutralisant » son grand ennemi d’hier, Washington veut éviter de s’impliquer dans un éventuel nouveau conflit au Proche-Orient. Il a désormais les mains libres pour agir ailleurs, notamment en Asie. Au prix toutefois de mécontenter ses alliés dans la région, à savoir Israël et l’Arabie saoudite. Riyad voit déjà d’un mauvais oeil le rapprochement entre Washington et la République islamique, qui pourrait « soutenir les ambitions expansionnistes du régime iranien » à l’heure où le conflit sunnite-chiite est à son comble dans la région. Outre son rôle dans le conflit syrien en faveur de Bachar Al-Assad, l’Iran soutient les rebelles houthis au Yémen. Et pour les pays du Golfe, l’Iran est la menace stratégique numéro un dans la région, loin devant les djihadistes de l’Etat islamique. Barack Obama aura sans doute besoin d’autant de ténacité pour rassurer ses alliés qu’il en a manifesté pour arriver au document de Lausanne.
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