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Penser la ville durable

Elza Goffaux , Jeudi, 31 mars 2022

La conférence internationale « Face au changement climatique, faire la ville durable », organisée cette semaine à l’Institut français du Caire, s’est penchée sur l’impact du réchauffement climatique sur la ville et les solutions possibles. Focus.

Penser la ville durable
Un des panels de la conférence, intitulé « Métropoles insoutenables, les pratiques urbaines du changement climatique ».

La conférence « Face au changement climatique, faire la ville durable », tenue les 26 et 27 mars à l’Institut français en collaboration avec le Centre des Etudes et de Documentation Economiques, Juridiques et sociales (CEDEJ), a réuni un panel de chercheurs et de professionnels égyptiens et internationaux qui a analysé les liens entre le changement climatique et la ville. La question des archipels de chaleur urbains dans la ville du Caire s’est imposée pour comprendre les enjeux climatiques et l’impact des politiques de planification urbaine.

Le dernier rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), publié fin février, avertit une fois de plus des impacts du changement climatique et propose des méthodes d’adaptation pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. A l’ouverture de la conférence à l’Institut français d’Egypte, A.K.M. Saiful Islam, l’un des scientifiques rédacteurs du rapport du GIEC, a alerté sur l’intensification des extrêmes climatiques, sur « les vagues de chaleur plus fréquentes » comme conséquence du dérèglement climatique.

Très impacté par les fortes températures, Le Caire est sujet à la formation d’îlots de chaleur, ce que Ahmed Al-Dorghamy, coordinateur des programmes à ONU-Habitat, définit comme la répartition inégale des vagues de chaleur dans la ville. Il explique que ce phénomène résulte du remplacement des espaces verts par de l’asphalte, dans une ville déjà dense et compacte. Alors que les villes sont les principales émettrices de CO2, comparées aux autres territoires, les habitants du Caire et des métropoles égyptiennes sont directement impactés. En 2019, 90 000 décès enregistrés étaient dus à la pollution atmosphérique. Ceci amène l’économiste et urbaniste David Sims à questionner la capacité de l’Egypte à « payer le coût d’une croissance et d’une consommation non durables et de la saturation du trafic routier ».

L’organisation de l’espace urbain a donc un effet direct sur le changement climatique. La circulation automobile se fait au détriment des espaces verts, l’équivalent de quatre terrains de football disparaît chaque semaine au Caire d’après Al-Dorghamy. Même si l’utilisation de voitures individuelles n’est pas majoritaire au sein de la population, la consommation d’essence augmente de 7 % par an. David Sims explique que les politiques d’étalement urbain contribuent à la dépendance automobile et à l’augmentation des trajets vers le centre-ville.

Les nouvelles villes dans le désert, une solution ?

Les nouvelles villes dans le désert créent « un environnement paradoxalement plus propice à la régulation de la chaleur grâce à leur faible densité de constructions et la présence d’aménagements végétalisés », explique Dalila Ghodbane, chercheuse au CEDEJ. Les quartiers dans le désert sont 34 fois moins denses que ceux du Caire, qui concentrent la saturation du trafic routier et les îlots de chaleur. Ainsi, « le désert crée un microclimat plus agréable par contraste avec la ville surdense ». Dr Ghodbane ajoute que les poches de chaleur dans le centre-ville correspondent aux zones denses habitées par des populations à faibles revenus. Les plus pauvres étant les plus vulnérables aux chaleurs extrêmes, les logiques de distinctions sociales ne peuvent être séparées des questions environnementales.

Penser une ville durable c’est donc allier les enjeux climatiques à des considérations sociales et économiques. Ahmed Al-Dorghamy met l’accent sur l’importance qu’est de diversifier les modes de mobilités et créer des transports alternatifs. De son côté, l’urbaniste et co-fondatrice de l’Association Tabdeel, Heba Moussa, milite pour un retour aux « mobilités douces et humaines » et promeut la mobilité cyclique comme transport alternatif. Retourner à une culture du cyclisme, déjà existante en Egypte, est un moyen de modifier l’espace urbain public, essentiellement réservé aux véhicules motorisés. De même, seulement 1 % des cyclistes au Caire sont des femmes et faciliter l’accès aux vélos serait un moyen de diversifier le tissu social urbain.

Ces nouvelles pratiques sont à coupler avec une stratégie de planification urbaine tournée vers les transports, le logement et les espaces verts. Selon les chercheurs, il est aussi nécessaire de mener des études approfondies afin de cibler les solutions adaptées à la ville du Caire. Enfin, le dernier rapport du GIEC insiste sur l’importance d’inclure les populations les plus vulnérables dans la planification urbaine et la lutte contre le réchauffement climatique et mettre à profit leurs savoirs et leurs expériences.

 

Des initiatives pour lutter contre le changement climatique

Vingt-deux initiatives égyptiennes et régionales ont participé au « Forum des initiatives durables », organisé à l’Institut français d’Egypte au Caire. En voici quelques-unes.

Banlastic :

Banlastic est une entreprise sociale basée à Alexandrie depuis 2018 qui vise à interdire le plastique à usage unique en Egypte. L’initiative organise des formations, nettoyages de plages et de quartiers, et propose des produits biodégradables ou réutilisables. En 2021, ils ont débarrassé deux quartiers d’Alexandrie des plastiques à usage unique et récolté près de 5 000 kg de déchets. En partenariat avec d’autres associations, Banlastic recycle les déchets collectés.

Megawra-BEC :

Megawra-BEC est une plateforme de débat et d’action dans le domaine du patrimoine basée dans le quartier de Khalifa au Caire. L’association fait du patrimoine un moteur pour le développement : elle organise des formations et ateliers pour les jeunes du quartier, des visites et des événements, afin de renforcer le lien avec le patrimoine culturel local. L’association agit pour conserver les immeubles du quartier, en collaboration avec les habitants. A travers la Athar Lina Product Line, l’initiative promeut les productions d’artisans et vise le développement socioéconomique. Enfin, l’association mène des projets de recherche et d’expertise.

Association des Zabbaleen :

L’Association des chiffonniers (Zabbaleen) pour le développement représente la communauté des travailleurs informels du quartier de Moqattam qui réutilisent et recyclent de nombreux matériaux. L’association existe depuis 1974 et aujourd’hui, ce sont 5 000 tonnes de déchets qui sont recyclés par jour. L’association se présente comme les « chiffonniers des chiffonniers », qui récupèrent les derniers déchets, informent sur les possibilités de recyclage et soutiennent les familles 

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