La députée Samira Al-Gazzar a présenté, mercredi 23 octobre, au chef du parlement une demande urgente d’arrêter la démolition des tombes de l’imam Al-Chaféi au Caire historique.
Contactée par Ahraminfo, Al-Gazzar a déclaré que « le gouvernement doit mettre fin à ces démolitions. Ces sites ne sont pas de simples cimetières, mais des témoins de notre histoire architecturale, de notre culture et de notre civilisation qui date depuis des siècles, constituant une partie intégrante de l'identité du vieux Caire ».
Elle a ajouté que plusieurs tombes archéologiques avaient déjà été démolies, citant celle de Nam Chaz Qadim, qui a déjà disparu, ainsi que le dôme de Halim pacha, le fils de Mohamed Ali pacha, tandis que la démolition des dômes et des bâtiments dans les cimetières de l’imam Al-Chaféi se poursuit.
Al-Gazzar se demande : Pourquoi l’avis du peuple n’a pas été pris en compte avant qu’une telle décision ne soit prise ? Cela menace l’histoire et l'aspect du Caire.
Il y a près de deux ans, le gouvernement a annoncé que des travaux de développement commenceraient dans la région dans le cadre du projet de «développement et d'aménagement du Caire historique ».
De sa part, le syndicat des ingénieurs a décidé de mettre en place des comités spécialisés d’architectes experts suite aux réactions et questions adressées au syndicat refusant la démolition. Le président du syndicat, l’ingénieur Tarek Al-Nabarawi, a appelé à la cessation immédiate des démolitions et à l’adoption d’avis de spécialistes avant de mettre en œuvre tout projet dans cette région patrimoniale, protégée par les lois égyptiennes et internationales. Et, également, de rechercher des solutions qui tiennent compte de l’architecture, du patrimoine et de la valeur humaine.
Cette annonce venait dans le cadre d'un projet de réaménagement de territoire, nécessitant l'expansion de routes et la mise en place de nouveaux projets d’investissement.
Un projet qui a suscité de vives réactions une fois annoncé. Ce qui a obligé les responsables à déclarer que les dépouilles seront transportées dans d'autres régions et que les travaux de développement ne vont pas toucher aux cimetières historiques.
Cependant, des photos circulant mardi 22 octobre sur les réseaux sociaux, suivies par des plaintes au parlement mercredi 23, révèlent des actes de démolition dans des tombes archéologiques, dont le dôme de Halim pacha.
« Une perte irrémédiable », a commenté mercredi la députée Maha Abdel.
Abdel-Nasser et d’autres membres du parlement ont demandé la suspension de ces actes de démolition, et d’émettre une nouvelle régularisation de la part des autorités compétentes qui prenne en considération la protection des biens patrimoniaux restants.
Al-Gazzar, elle, ne voit aucune excuse justifiant ces actes. « Quel que soit le but de la démolition des tombes, nous pouvons trouver une autre alternative, loin de la destruction de notre patrimoine », dit-elle.
Al-Gazzar affirme que ces nécropoles auraient dû être transformées en sites touristiques et l’Egypte possède des espaces suffisants pour réaliser tout projet.
L'opinion publique mobilisée
En dehors du parlement, architectes, archéologues et activistes, l'opinion publique semble furieuse de ces dernières démolitions. « Pourquoi un pays dont l'histoire remonte à des milliers d'années efface-t-il tout son patrimoine et repart à zéro ? », a annoncé l'acteur Khaled Al-Nabawi aux médias.
Sur les réseaux sociaux, les images du dôme de Halim pacha circulent, après qu’une partie de celui-ci a été démolie. Ils ont exprimé leur colère et leur refus de démolir des traces de plus de 150 ans et quelques-unes datent d’avant.
L' ingénieur Hussein Mahran a déclaré sur la plateforme X : « Ce style architectural, que l’on ne trouve dans aucun pays du monde autre que l’Egypte, est le fruit de siècles d’évolution, d’interaction avec différentes civilisations qui nous ont permis d’atteindre cette beauté distinctive du Caire ».
En 2023, le président Abdel Fattah Al-Sissi avait annoncé l’établissement des tombes de Khalideen hors du Caire pour y transférer les dépouilles et les possessions des grands hommes dans les cimetières.
L'Association des architectes égyptiens a exprimé, dans un communiqué, sa profonde consternation et inquiétude face aux atteintes manifestes au patrimoine architectural, civilisationnel et historique unique que représente la nécropole de l'imam Al-Chaféi et les tombes historiques qui y sont rattachées.
La démolition de ces sites constitue une violation flagrante des lois égyptiennes et internationales qui protègent le patrimoine architectural et culturel, a dit le communiqué.
L’association a demandé aux autorités d'arrêter immédiatement toute démolition ou dégradation de la nécropole de l'imam Al-Chaféï et des sites historiques qui y sont liés, et d'agir rapidement pour les protéger conformément aux lois locales et internationales qui garantissent la protection de ce patrimoine unique.
La loi égyptienne n° 117 de 1983 concernant la protection des antiquités interdit strictement toute démolition ou modification des bâtiments inscrits en tant que monuments historiques. Elle oblige le gouvernement égyptien à protéger ces sites et à les préserver pour les générations futures.
L'Egypte, en tant qu'Etat signataire de la Convention de l'UNESCO de 1972 concernant la protection du patrimoine culturel et mondial, s'engage à conserver les sites du patrimoine d'une valeur universelle exceptionnelle et à prévenir toute menace ou destruction de ceux-ci.
La loi égyptienne n° 144 de 2006 sur la protection des bâtiments d'architecture distinctive vise à préserver les bâtiments ayant une valeur architecturale et patrimoniale distinctive et interdit toute modification ou démolition sauf par des procédures légales spécifiques garantissant la protection de l'architecture et du patrimoine.
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