Les trois grands musées du Caire — de la place Tahrir, copte et d’art islamique — organisent conjointement trois expositions sous le thème « Le Nil et la Vie ». Inaugurées le 27 août et s’étendant jusqu’à fin octobre, les expositions présentent des artefacts qui reflètent l’importance du Nil à travers les époques, depuis l’Egypte Ancienne jusqu’à l’époque islamique, en passant par l’ère copte. « Le fait de regrouper les trois grands musées pour organiser des expositions ayant un seul thème est une nouvelle idée qui vise à attirer le grand public vers les musées », souligne Ali Abdel-Halim, directeur du Musée égyptien de la place Tahrir et le premier à avoir pensé à ce concept.
Colosse d’Amenemhat III en forme du dieu du Nil « Hâpi ».
Ces expositions temporaires fêtent le début de la nouvelle année hydrique en Egypte, « Wafä Al-Nil » (fidélité du Nil), qui correspond à la crue annuelle du Nil. « Bien que ces expositions aient été prévues le 15 août, jour de la fête, elles ont été retardées en raison des mesures sécuritaires nécessaires au transport des pièces antiques entre les trois musées. Mais elles coïncident toujours avec le début de l’année égyptienne et du calendrier copte qui commence par le mois de Tout, le 11 septembre », explique Abdel-Halim.
Les expositions temporaires montrent l’importance du Nil dans le quotidien des Egyptiens. Le fleuve a de tout temps rythmé et influencé leur vie. A titre d’exemple, il est à l’origine de leur excellence dans la fabrication de la poterie. « L’art de la poterie est l’un des traits distinctifs de la civilisation égyptienne. Avec le limon du Nil, les Egyptiens ont fabriqué leurs ustensiles quotidiens. Cet art a beaucoup évolué à travers les différentes époques », dit Chérine Gamil, conservatrice et membre du secteur des expositions au Musée copte, saluant la collaboration surtout avec le Musée égyptien du Caire, connu par les flux des visiteurs durant toute l’année.
Le « kilga » portant le grand pot en marbre.
Inauguration au Musée de la place Tahrir
La célébration de l’inauguration des expositions a commencé au Musée égyptien de la place Tahrir, dans la salle 43 au 1er étage. Une grande pancarte traçant l’importance du Nil dans la vie des Egyptiens accueille les visiteurs. Un colosse en granit noir représentant Amenemhat III en forme du dieu Hâpi est la pièce maîtresse de l’exposition au Musée égyptien. « Des poissons et des plantes décorent ce colosse de tous les côtés. Ils représentent des offrandes faites par le roi aux divinités », souligne le directeur du musée. En effet, c’est Hâpi, dieu du Nil dans l’antiquité, qui domine les expositions des trois musées. « L’exposition montre l’importance du Nil et son impact sur la formation de cette civilisation à travers la connaissance de l’agriculture, l’abondance de la vie nomade et les vertus de la stabilité », explique l’un des conservateurs au Musée égyptien. Poissons, crocodiles, grenouilles, hippopotames, ainsi que oies et canards sont les principaux animaux que l’art égyptien représente sous différentes formes et tailles, ainsi que divers matériaux. Tandis que le lotus et le papyrus sont les principales plantes attachées au Nil. « Avec des cruches, fontaines, gourdes et pots, on veut montrer l’évolution de leur fabrication au cours des siècles », indique Abdel-Halim. L’exposition du Musée égyptien présente aussi le 1er volume du livre La Description de l’Egypte, emprunté au Musée d’art islamique. Le livre est ouvert sur la page montrant la place d’Ezbékieh donnant sur le Nil, avec des bateaux, barques et pêcheurs.
Pot à anse servant pour les ablutions.
La scénographie de l’exposition, renfermant un total de 72 pièces dont 9 provenant du Musée copte et 11 du Musée d’art islamique, ne suit pas l’ordre chronologique de l’histoire égyptienne, mais montre plutôt l’art relié au fleuve depuis les divinités antiques, telles que Sobek, le dieu crocodile, Taouret, la déesse au corps d’hippopotame, protectrice de l’accouchement, ou Nilos qui est dans la mythologie grecque le dieu fleuve associé au Nil.
Au goût de l’art islamique
A 3 km du Musée égyptien de Tahrir, la salle d’exposition temporaire du Musée d’art islamique accueille « Le Nil et la Vie », exposant 33 pièces dont 4 provenant du Musée égyptien et 8 du Musée copte. A travers des vitrines modernes, le musée montre l’importance de l’eau potable pour tous les êtres vivants. « Le Coran ouvert sur le verset montrant l’importance de l’eau résume toute l’idée », explique Nermine Nayef, conservatrice au Musée d’art islamique, soulignant que parmi les pièces exposées figure le « kilga », un petit bassin en marbre portant un grand pot rempli d’eau. « Le kilga était utilisé dans l’art copte comme dans l’art islamique avec des motifs différents », explique-t-elle, assurant que la pièce exposée provient du Musée copte et montre que les Egyptiens sont miséricordes envers les êtres vivants, comme les oiseaux et les animaux, et qu’ils portaient beaucoup d’attention à leur hygiène et à la désinfection à l’eau potable, surtout pendant les époques copte et islamique.
Collection de récipients en argile.
« L’habileté de l’artiste égyptien était à son apogée surtout à l’ère islamique pendant laquelle il a fabriqué de la céramique colorée à éclat », souligne Nayef. Selon elle, l’exposition étale les bouchons des gargoulettes : « Elles se ressemblent dans les arts copte et islamique, sauf qu’à l’époque copte, les bouchons étaient décorés par des croix ou des écritures saintes, tandis que ceux de l’époque islamique étaient décorés de formes géométriques ou de quelques plantes ». L’exposition montre de façon chronologique le développement des métiers et des arts reliés au Nil. C’est toujours Hâpi qui accueille les visiteurs avec sa représentation humaine sur des plaques en bronze. « Le nilomètre à l’ère alide de la famille du wali Mohamad Ali fait partie de l’exposition temporaire montrant l’intérêt qu’occupe ce fleuve jusqu’à nos jour », assure Nayef.
Le symbolisme du christianisme
Situé au complexe religieux du Vieux Caire, le Musée copte expose 30 pièces en relation avec « Le Nil et la Vie ». L’art copte est présenté à travers 14 pièces montrant l’importance de ce fleuve dans le quotidien des Egyptiens. Des pages de la Bible et des prières sont exposées, retraçant le caractère indispensable de l’eau pour la vie de l’homme. Avec des planches en bois, des brocs en métal ou des cruches en céramique ou marbre, l’art copte est unique. Une vitrine est réservée aux pièces provenant du Musée égyptien, dans laquelle sont exposées des plaques en bronze représentant le dieu Hâpi, alors que deux autres vitrines sont consacrées aux pièces prêtées par le Musée islamique où se trouvent des carafes d’eau finement ornementées et d’autres pièces toutes liées à l’utilisation de l’eau. « On a choisi les pièces qui étaient utilisées dans toutes les époques et ont évolué avec le temps. Les objets montrent comment l’art islamique est une extension de l’art copte qui est lui-même une extension de l’art égyptien ancien », souligne Chérine Gamil. En effet, l’idée de collaboration entre les trois musées sous un même thème est un pas en avant au profit du secteur des musées, relevant du Conseil suprême des antiquités. Pour encourager les visites, un billet unique a été lancé par le secteur des musées. « Le visiteur peut acheter ce billet unique qui lui permettra de visiter les trois expositions dans une durée de 48 heures », explique Abdel- Halim. Idée saluée par les uns et refusée par les autres qui estiment difficile de visiter les trois expositions en deux jours.
Taouret, la déesse au corps d’hippopotame.
En marge des expositions temporaires, les trois musées organisent des colloques en présence d’experts de l’art de l’Egypte ancienne, copte et islamique, dans le but de mettre en relief la grande importance de ce fleuve pour les Egyptiens. De même, des ateliers pour enfants et jeunes sur l’art de la poterie lié au Nil, ainsi que des ateliers de peinture et de dessin seront organisés gratuitement dans les trois musées. « Alors que le Musée égyptien du Caire a accueilli le lancement de l’exposition conjointe, la clôture sera célébrée au Musée copte », indiquent les responsables du secteur des musées au ministère du Tourisme et des Antiquités.
Tarifs de l’exposition :
50 L.E. pour le visiteur égyptien et arabe.
25 L.E. pour les étudiants égyptiens et arabes.
500 L.E. pour le visiteur étranger.
250 L.E. pour l’étudiant étranger.
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