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« Maman nous racontera son séjour en prison et nous lui parlerons de notre vie sans elle »: retrouvailles émouvantes entre les prisonniers palestiniens et leurs familles

Farah Alazzouni , Colin Droniou , Lundi, 20 janvier 2025

Le deuxième jour du cessez-le-feu, Israël a relâché 90 Palestiniens, parmi lesquels 69 femmes et 21 garçons. Parmi les libérées, on compte l’activiste Khalida Jarrar, la journaliste Roula Hassanein ou encore Dalal Arouri et Abla Abdelrasoul, soeur et épouse de dirigeants.

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Khalida Jarrar, 62 ans, figure de proue du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), a été libérée d'une prison israélienne dans les premières heures du 20 janvier 2025. Photo : AFP

 « Enfer », « torture », « coups », « humiliations »: les détenus palestiniens relâchés lundi 20 janvier au petit matin débordaient d'émotions pour raconter un quotidien "inhumain" dans les prisons israéliennes à des proches sous le choc, venus en nombre pour saluer leur libération. 

A l'ouverture des portes de la prison d'Ofer, une foule en liesse les a accueillis avec des larmes de joie, des embrassades, des chants et des feux d'artifice, bravant les menaces et les avertissements de l'administration israélienne, qui avait interdit tout rassemblement pour célébrer la remise en liberté dans la nuit des 90 prisoniers palestiniens. Celle-ci répondait à la libération de trois otages israéliennes en fin d'après-midi dans le cadre du cessez-le-feu débuté le matin même à Gaza, dévasté par plus de 15 mois de guerre.

A Beitunia, un large éventail de Palestiniens issus de tous bords politiques mais unis par l'amour d'un drapeau brandi en étendard s'était rassemblé.

Parmi les 69 femmes et 21 garçons libérés de la prison militaire d'Ofer, en Cisjordanie occupée, et d'un centre de détention à Jérusalem, se trouvaient notamment Khalida Jarrar, 62 ans, figure de proue du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Dalal Khaseeb, 53 ans, sœur de l'ancien numéro deux du Hamas Saleh Arouri, et Abla Abdelrasoul, 68 ans, épouse du dirigeant du FPLP Ahmad Saadat actuellement détenu.

Selon Al-Jazeera, 76 prisonniers sont originaires de Cisjordanie et 14 de Jérusalem-Est. La liste comprenait également des noms de journalistes et des activistes.

Une jeune fille de 18 ans attendait également sa mère, arrêtée en janvier 2024 dans leur maison du nord de la Cisjordanie.

« Elle nous racontera son séjour en prison et nous, nous lui parlerons de notre vie sans elle, je sais d'avance qu'il y aura beaucoup de larmes », anticipait-elle, entourée par sa tante, son frère et sa sœur. Préférant rester anonyme pour préserver sa famille, elle assurait que sa mère, une infirmière ayant fait de longues études, avait été arrêtée pour avoir écrit ou "+liké+ des messages concernant les activistes palestiniens et jugeait ces accusations « ridicules ».
A ses côtés, Ouday a raconté une histoire similaire, celle d'un homme arrêté avec son fils pour avoir posté des messages sur les réseaux sociaux au début de la guerre. Remis en liberté, à la différence de son fils, il a refusé de donner son nom de famille pour ne pas compromettre la libération de son enfant.

« J'ai été en prison, et je sais ce qui s'y passe », a-t-il raconté, en référence aux conditions de détention des Palestiniens imposées par Israël et dénoncées par plusieurs organisations de défense des droits humains. Désireux de partager la joie des familles, il a assuré être venu alors que le nom de son fils "ne figurait pas sur la liste" des 90 prisonniers libérés.



Khalida Jarrar, icône de la résistance palestinienne 

« La situation était désastreuse dans les prisons », a seulement pu déclarer l'activiste Khalida Jarrar.

La militante palestinienne, membre du Conseil législatif palestinien et du Front populaire de libération de la Palestine, a été arrêtée pour la première fois en 1989 lors d'une manifestation et de nouveau en 2015 pour son engagement en faveur des prisonniers et contre l'occupation. Puis encore en 2017, avant d'être relâché en 2021.

Elle a enseigné l'anglais et, avec d'autres prisonnières, a également fondé une école pour les jeunes détenues afin qu'elles puissent poursuivre leur vie après leur libération. Arrêtée de nouveau en décembre 2023, elle était depuis détenue à l'isolement, d'abord à la prison de Damon puis dans le centre de détention à Neve Tirtza à Ramla.

« La liberté n'a pas de prix », s'est pour sa part émue Dalal Khaseeb, dont le frère a été tué lors d'une frappe israélienne dans une banlieue sud de Beyrouth en janvier 2024. « Malheureusement, dans la prison où j'étais emprisonnée, il reste encore dix prisonnières dont trois gazaouies qui peuvent être sur la liste des libérées de samedi prochain ».

« La situation était tellement mauvaise qu'elle défiait toute imagination. Des coups, des humiliations, des tortures. C'était inhumain », a raconté Nadaa Ali à la chaine Alarabie. « Si c'est ce qui arrive aux filles, alors qu'est-ce qui arrive aux garçons ? Sauvez ceux qui viennent après nous ».

La journaliste Roula Ibrahim Abdel Rahim Hassanein s'est-elle effondrée en larmes pendant plus de cinq minutes, sans rien dire, tenant dans ses bras sa fille qui avait neuf mois au moment de son arrestation en mars 2024. 

Des larmes également dans les yeux du père de Doha Azzam Ahmed Al-Wahsh au moment de déclarer à la chaîne Al Arabiya que sa fille, tout juste sortie de prison, vient d'apprendre la mort de son frère, tué dans une frappe aérienne. La fille s'est effondrée en pleurs dans les bras de sa mère avant de perdre connaissance.

Zeina Barbar, la première a être relâchée, a également raconté des années de prison. « Ils ne prenaient pas soin de nous. La nourriture était insuffisante, il n'y avait pas de médicaments. J'ai commencé à avoir des symptômes de caillots sanguins et de problèmes cardiaques. J'avais juste peur que ma famille apprenne que j'étais malade », a-t-elle déclaré.

« J’ai échappé à l'enfer. Répression, coups, gaz, insultes et injures. J'en suis sorti pour arriver au paradis », a pour sa part témoigné l'un des rares jeunes hommes libérés, drapeau palestinien sur les épaules.

« Les conditions se détériorent de jour en jour, mais les prisonnières sont fortes et font l'impossible », a assuré Dana Hantacha, comme une rare lueur d'espoir alors que les prisons israéliennes comptent encore plus de 10.000 palestiniens.

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