Après des semaines de tractations souvent poussives, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dévoilé mardi sa nouvelle équipe de commissaires, centrée sur la compétitivité de l'Europe.
Sujet inflammable, l'Italien Raffaele Fitto, membre du gouvernement d'extrême droite de Giorgia Meloni, a obtenu un titre de vice-président au sein du nouvel exécutif européen.
L'Italie "retrouve son rôle central" dans l'Union, a immédiatement réagi la dirigeante italienne, évoquant cette nomination contre laquelle la gauche et le centre au Parlement européen avaient multiplié les mises en garde.
Dans les semaines qui viennent, les commissaires putatifs devront encore passer le cap toujours délicat des auditions et d'un vote des eurodéputés pour être officiellement nommés.
Depuis Strasbourg, Mme von der Leyen a présenté une équipe de 11 femmes pour 16 hommes, soit 40%, un chiffre en deçà de la parité promise. La présidente de la Commission a souligné un rééquilibrage dans la dernière ligne droite. Mais il "reste encore du travail à accomplir", a-t-elle convenu, après plusieurs semaines de polémique sur le sujet.
Pour tenter de répondre aux critiques, quatre des six vice-présidences de la Commission sont attribuées à des femmes, notamment à la socialiste espagnole Teresa Ribera. Cette spécialiste du climat, ministre de Pedro Sanchez, hérite d'un large portefeuille dédié à la Transition écologique et pourrait jouer un des premiers rôles dans la nouvelle équipe bruxelloise.
Le Lituanien Andrius Kubilius a quant à lui été nommé commissaire à la Défense et à l'Espace, nouveau poste créé par Ursula von der Leyen, pour faire face à la menace russe et la guerre en Ukraine.
En coulisses, les négociations pour les postes - un par Etat membre - ont été douloureuses, jusqu'à la dernière minute.
Lundi, c'est l'influent commissaire sortant français Thierry Breton qui a démissionné avec fracas, victime de ses relations exécrables avec Mme von der Leyen. Pour le remplacer, Emmanuel Macron a proposé un proche, Stéphane Séjourné, discret ministre démissionnaire des Affaires étrangères. Il obtient une vice-présidence exécutive et un important portefeuille dédié à la prospérité et la stratégie industrielle.
Economie "compétitive et décarbonée"
L'Union européenne entend afficher ses priorités dans une période cruciale sur le plan géopolitique, avec la guerre en Ukraine, la campagne présidentielle américaine et la concurrence économique de la Chine.
Mme von der Leyen a insisté sur l'économie "compétitive, circulaire et décarbonée", dans le sillage du récent rapport de Mario Draghi sur les difficultés économiques de l'Union. Elle a mentionné trois piliers pour les cinq ans de mandat à venir la "prospérité, la sécurité et la démocratie".
Trois mois après des élections européennes marquées par la poussée de l'extrême droite, la gauche et les ONG redoutent que la réorientation de la Commission vers les enjeux économiques se fasse au détriment des ambitions climatiques du précédent mandat.
"Nous devons continuer à relever ce défi de la lutte contre le réchauffement climatique", mais "toujours dans le contexte de la compétitivité", a répondu Mme von der Leyen, issue du PPE, parti de droite et première force au Parlement européen.
"Ce n'est pas que l'ambition diminue, c'est une phase de mise en oeuvre", assure aussi une source au sein de la commission. Mais avec moins d'élus verts et une extrême droite plus nombreuse, le "Parlement est très différent de celui de 2019", il faudra voir "quelle influence ça va avoir sur le sujet".
Après cette présentation de l'équipe d'Ursula von der Leyen, les commissaires putatifs devront passer des auditions devant les eurodéputés et se soumettre à un vote d'approbation, un bras de fer institutionnel avec le Parlement qui veut souvent marquer son territoire en retoquant certains candidats.
"C'est comme si tu passais un examen", pour se préparer, le commissaire doit réviser le "briefing book", une "bible" sur l'action de la commission précédente et les objectifs à venir, raconte une proche d'un sortant.
Plusieurs députés aimeraient faire tomber le candidat hongrois, Olivér Várhelyi, accusé d'être peu à l'écoute du Parlement européen et trop proche des positions du Premier ministre nationaliste Viktor Orban.
Dans le cadre de la présidence hongroise de l'UE, M. Orban devait s'exprimer à Strasbourg mercredi, mais a annulé sa venue en raison de la tempête Boris touchant l'Europe centrale.
Si elle a exprimé le souhait que la nouvelle commission puisse être opérationnelle "dès que possible", Ursula von der Leyen est restée évasive sur le calendrier. L'organisation des auditions au Parlement et leurs rebondissements augurent d'une possible mise en place de la nouvelle équipe début décembre.
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