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En Inde, les déplacés du Pakistan enfin aux urnes dans la région contestée du Cachemire

AFP , Lundi, 16 septembre 2024

Pakistan
Des réfugiés hindous du Pakistan occidental parlent en s’asseyant devant leurs magasins au Jammu. Des élections en trois phases commencent dans la région à majorité musulmane. Photo : AFP

A 90 ans, Dev Raj n'y croyait plus depuis longtemps. Cette semaine pourtant, le rêve de cet Hindou déplacé lors de la partition de l'Inde et du Pakistan deviendra enfin réalité: il votera aux élections locales dans la région du Cachemire.

"Je vais glisser mon bulletin dans l'urne et je le ferai avec plaisir pour (le Premier ministre Narendra) Modi", savoure-t-il depuis son village de ce territoire à majorité musulmane de l'extrême-nord indien, au pied des sommets de l'Himalaya.

Pour la première fois en dix ans, ses 8,7 millions d'électeurs sont invités à partir de mercredi à élire leur assemblée locale.

Dev Raj est l'une des nombreuses victimes de l'une des plus massives, et meurtrières, migrations forcées de l'histoire du XXe siècle.

Né dans ce qui était alors le Penjab de l'Empire britannique, il a fui les massacres survenus en 1947 quand, à l'indépendance, sa province a été séparée de l'Inde et accrochée au Pakistan musulman.

Les deux puissances nucléaires voisines continuent aujourd'hui de s'en disputer la souveraineté.

Comme près de 6.000 autres familles hindoues, la sienne a trouvé refuge dans les zones abandonnées par les musulmans partis peupler le nouvel Etat.

Il fait depuis partie des Réfugiés du Pakistan occidental (WPR) - les autorités indiennes en recensent aujourd'hui 22.000 familles - établis dans le territoire indien du Jammu-et-Cachemire.

Quelque 500.000 soldats indiens y sont déployés pour réprimer une insurrection séparatiste qui a fait des dizaines de milliers de morts - civils, soldats ou rebelles - depuis ses débuts en 1989.

"A mon tour" 

Citoyens indiens à part entière, ces déplacés votent aux élections nationales mais ont longtemps été privés du droit de voter localement et de posséder des terres, réservés à ceux qui résidaient dans le territoire avant 1935.

Tout a changé en 2019, lorsque Narendra Modi a annulé le statut d'autonomie du Cachemire, une vieille promesse des ultranationalistes hindous.

Et lorsque le mois dernier, la commission électorale indienne a annoncé la tenue d'élections locales, Dev Raj a crié victoire. "Avant, tout le monde nous rejetait", explique-t-il, "maintenant, je vais pouvoir saisir les élus locaux de mes problèmes".

Comme lui, de nombreux habitants de la région célèbrent leur retour aux urnes.

Seuls les séparatistes les plus endurcis, partisans d'une indépendance totale du Cachemire ou de son rattachement au Pakistan, rejettent un scrutin tenu, s'indignent-ils, sous la tutelle de New Delhi.

De fait, les 90 élus de l'assemblée locale n'auront compétence qu'en matière d'éducation et de culture. Tout le reste relèvera de l'administration fédérale.

Peu importe, tranche Sardari Lal, 89 ans. Installé dans la banlieue de Jammu depuis 1947, quand il avait 12 ans, ce commerçant à la retraite se félicite sans restriction du scrutin à venir.

"Vote de fête" 

"Le droit de vote est un droit que je chérirai toute ma vie", confie l'octogénaire, qui n'oubliera jamais les horreurs de la partition, lorsqu'il a "survécu en mangeant des feuilles..."

"Tout sera mieux pour mes petits-enfants", dit-il, "ils n'auront pas à vivre tout ce que j'ai vécu".

Depuis son arrivée au pouvoir en 2014, le nationaliste Narendra Modi a fait de la promotion de la cause hindoue sa priorité absolue.

Il a donc encouragé les mouvements de populations des autres Etats indiens vers le Cachemire, particulièrement dans le district à majorité hindoue de Jammu, au risque d'y bouleverser les fragiles équilibres confessionnels.

Ardent défenseur des droits des réfugiés, Labha Ram Gandhi ne votera pourtant pas pour le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP).

"Ils (le BJP) s'attendent à ce que l'on vote pour eux parce qu'ils nous ont accordé la citoyenneté totale", dit-il. "Mais le parti n'a présenté aucun de nous dans une circonscription susceptible d'être gagnée, naturellement nous sommes en colère".

Alors le militant promet qu'il votera plutôt pour un candidat qui lui permettra enfin de décrocher le titre de propriété de la terre sur laquelle il vit.

Parmi les familles des déplacés de 1947, Labha Ram Gandhi devrait toutefois faire figure d'exception. Les observateurs anticipent que les réfugiés devraient voter comme un seul homme pour le BJP.

"Aux élections législatives (de juin), nous avons voté pour remercier le BJP", assure Shamsher Singh, un responsable du Comité d'action des réfugiés. "Cette fois, nous allons voter pour célébrer cette élection locale".

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