Alors que l’on attend toujours la riposte de l’Iran après l’assassinat d’Ismaïl Haniyeh survenu à Téhéran fin juillet, laissant présager d’une escalade prochaine du conflit, la Syrie, également théâtre d’une guerre d’influence entre la puissance chiite et Washington, connaît à son tour une recrudescence des tensions. En effet, depuis début août, trois attaques de roquettes sur des bases américaines dans l’est du pays ont été enregistrées. Ces offensives, menées par des milices pilotées par l’Iran, s’inscrivent dans un contexte de lente escalade entre Téhéran et Washington, faites d’offensives et de répliques militaires. Fin juillet également, les forces de la coalition internationale, sous commandement américain, avaient mené, dans la région de Deir Ez-Zor, une série de frappes aériennes sur les positions de milices contrôlées par l’Iran. Ceci en réponse au ciblage par ces-dernières de la base américaine située au nord-est de la ville, à côté du champ gazier de « Conoco ». Et des milices soutenues par Téhéran avaient mené une attaque contre les positions américaines en Irak. Cette escalade menée par le pouvoir iranien vient en réponse à la guerre d’Israël à Gaza contre le Hamas, et s’inscrit dans un contexte régional plus vaste. En effet, l’Iran œuvre activement pour la constitution d’un « axe de résistance »
Les médias locaux rapportent en outre une intensification des activités aériennes américaines, avec des déploiements plus fréquents de drones, d’avions de reconnaissance et d’espionnage dans la région de Damas, Homs et au niveau de la frontière irakienne en particulier.
Damas en recherche d’équilibre
De son côté, le président syrien, Bachar El-Assad, semble avoir définitivement stabilisé la situation, en premier lieu grâce à son allié russe. En visite à Moscou, il a rencontré Vladimir Poutine pour s’entretenir des dernières évolutions régionales. Celui-ci a d’ailleurs mis en garde son allié contre une « situation de plus en plus tendue dans le Moyen-Orient ». Et en effet, le 3 août dernier, une source proche du Hezbollah a révélé à l’AFP que les Israéliens avaient conduit une série de frappes au Liban près de la frontière avec la Syrie.
En cas de conflit entre Israël et le Hezbollah, Damas se situe à une centaine de kilomètres du Golan, et quelques dizaines à peine de la frontière libanaise. Autrement dit, le pouvoir alaouite est assis à côté d’une poudrière, et pourrait se retrouver entraîné dans un conflit d’une ampleur jamais vue depuis cinquante ans.
D’autre part, la Turquie semble se réconcilier avec son voisin méridional, au grand dam de des rebelles syriens. En effet, depuis 2011, Ankara leur apporte un soutien logistique et matériel, et en 2019, l’armée turque a mené l’opération militaire « Source de paix » pour prendre le contrôle d’une bande large d’une centaine de kilomètres le long de sa frontière avec la Syrie, avec le but affiché de lutter contre les mouvements autonomistes kurdes liés au PKK.
Cependant, depuis 2022, les tensions décroissent entre les deux Etats. Cette année-là, le président Erdogan avait affirmé lors d’une conférence de presse que la chute du régime syrien n’était plus une priorité pour la Turquie. De même, en avril 2023, les chefs des renseignements iranien, syrien et turc s’étaient réunis pour discuter d’un rapprochement sous les auspices de Téhéran. Toutefois, de récentes rumeurs d’une rencontre prochaine entre les deux présidents ont été démenties par une source diplomatique turque au journal Daily Sabah.
La réconciliation entre Damas et Ankara promet donc d’être très progressive, alors que des points de tensions demeurent, en premier lieu la présence militaire turque au nord de la Syrie. En effet, le ministre turc de la Défense, Yasar Güler, a rapporté le 14 août dernier que la Syrie demande de fixer une date pour le retrait des forces turques du territoire syrien, qu’elle définit comme une condition préalable à toute négociation de paix. Güler a vivement critiqué la démarche, déplorant la « mauvaise volonté » de Damas, et arguant qu’elle « ne veut pas vraiment le retour à la paix et à la stabilité ».
D’autre part, le président El Assad lui-même a déploré l’absence de résultats concrets de ces initiatives. « La restauration des relations demande de traiter les causes qui ont mené à leur rupture », a-t-il ajouté dans un communiqué publié dimanche 25 août. Si l’accalmie turco-syrienne semble bien réelle, le processus de réconciliation a atteint une impasse.
Malgré cela, le régime syrien est en voie de sortir d’un isolement diplomatique d’une décennie. Après avoir réintégré la Ligue Arabe l’année dernière, c’est au tour de l’Italie, par la voix de son ministre des Affaires Etrangères, Antonio Tajani, d’annoncer le 26 juillet son intention de rétablir des relations diplomatiques avec Damas, dans l’objectif de contrer le monopole diplomatique de la Russie, selon un communiqué d’Associated Press. Une décision qui va à l’encontre du consensus européen d’anathème à l’égard du régime syrien, mais qui révèle tout de même un changement de paradigme : la résignation implicite d’une part grandissante d’Etats.
Menace terroriste persistante
Neuf ans après l’apogée du califat, et sept après la reprise de Raqqa par la coalition, le souvenir de Daëch semble s’éloigner peu à peu. Pourtant, ce sont encore 3 000 combattants de l’organisation qui demeurent dans les régions frontalières entre la Syrie et l’Irak, là où le contrôle des autorités gouvernementales et internationales est le moins fort.
Cette année, les autorités américaines tirent la sonnette d’alarme : le groupe aurait perpétré entre janvier et juin 153 attaques, soit davantage que les 121 attaques pour l’année 2023 dans son entier, selon un rapport du United States Central Command. Celui-ci attribue cette résurgence d’attaque à un retour en force de Daëch, qui reconstitue ses forces alors que l’attention de la communauté internationale est toute entière tournée vers Gaza, et que les Etats-Unis ont annoncé en février dernier le retrait progressif des 2 500 soldats américains présents sur le sol irakien.
En outre, ce rapport fait suite au décret d’amnistie le 17 juillet, des milices kurdes syriennes soutenues par Washington dans la province du Rojava (nord-est), à l’égard d’anciens combattants syriens de l’EI dont « les mains ne sont pas couvertes de sang », d’après des propos rapportés par Associated Press. A l’heure actuelle, 10 000 anciens combattants de Daëch sont retenus prisonniers dans des centres pénitentiaires gérés par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie.
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