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Bangladesh: les protestataires marchent sur la capitale au lendemain d'une journée sanglante

AFP , Lundi, 05 août 2024

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Des manifestants juchés sur un monument à la mémoire des victimes du terrorisme brandissent des drapeaux bangladais. Photo : AFP

Des centaines de milliers de manifestants antigouvernementaux défient lundi le couvre-feu et les forces de sécurité du Bangladesh en défilant dans les rues de la capitale, Dacca, au lendemain d'une journée sanglante au cours de laquelle des affrontements ont fait au moins 94 morts à travers le pays.

Le chef de l'armée du Bangladesh, le général Waker-Uz-Zaman, doit s'adresser au pays lundi à 14H00 locales (08H00 GMT), a indiqué un porte-parole des forces armées à l'AFP sans donner plus de détails. Samedi, le général avait affirmé dans un communiqué que les militaires se tiendraient "toujours aux côtés du peuple".

"Le temps est venu de la manifestation finale", a lancé dimanche Asif Mahmud, un des leaders du mouvement étudiant à l'origine de la contestation, en appelant à défiler dans la capitale.

Au moins 300 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations en juillet, selon un bilan de l'AFP à partir de données de la police, de responsables et de sources hospitalières.

Un vaste dispositif de sécurité a été déployé à Dacca, où les rues conduisant au bureau de la Première ministre Sheikh Hasina ont été barricadées par la police et l'armée avec du fil barbelé, ont constaté des journalistes de l'AFP.

D'après des témoins, de larges foules marchent dans les rues de Dacca et ont abattu des barrages. Le quotidien Business Standard estime que quelque 400.000 protestataires défilent lundi, un nombre que l'AFP n'a pas été en mesure de vérifier.

Dans le pays, un couvre-feu est entré en vigueur dimanche soir. Les 3.500 usines ont fermé. L'accès à internet est coupé de manière généralisée lundi, d'après des fournisseurs et des organismes de surveillance.

Dimanche, de nouveaux heurts entre opposants à Mme Hasina, forces de l'ordre et partisans du parti au pouvoir avaient fait au moins 94 morts dans tout le pays.

C'est le bilan le plus lourd en une seule journée depuis le début des manifestations antigouvernementales il y a un mois dans ce pays musulman de 170 millions d'habitants où les étudiants contestent, sur fond de chômage aigu des diplômés, les faveurs dont bénéficient les proches du pouvoir pour devenir fonctionnaires.

Parmi les morts figurent au moins 14 policiers, selon le porte-parole de la police, Kamrul Ahsan. Les camps rivaux se sont affrontés à coups de bâton et de couteau et les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles. Un commissariat à Enayetpour (nord-est) a été pris d'assaut et 11 policiers tués, selon la police.

Tout Dacca s'est transformé "en champ de bataille" et une foule de plusieurs milliers de manifestants a mis le feu à des voitures et des motos près d'un hôpital, selon une autre source policière.

"La violence choquante au Bangladesh doit cesser", a exhorté dimanche soir le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, inquiet pour la journée de lundi alors "que le mouvement de jeunesse du parti au pouvoir se mobilise contre les protestataires".

Plus tôt dans la journée, des milliers de Bangladais s'étaient rassemblés sur une place de Dacca pour exiger la démission de Mme Hasina.

Ils répondaient à l'appel du collectif étudiant Students Against Discrimination (Etudiants contre les discriminations) qui avait exhorté la veille à la désobéissance civile.

 Appel au retrait des troupes 

Ces affrontements comptent parmi les plus meurtriers depuis l'arrivée au pouvoir il y a 15 ans de Mme Hasina. Pour rétablir l'ordre, son gouvernement a notamment fermé écoles et universités et déployé l'armée.

D'anciens officiers militaires ont depuis apporté leur soutien aux contestataires.

Dans une prise de position hautement symbolique contre la Première ministre, un ancien chef de l'armée, le général Ikbal Karim Bhuiyan, et plusieurs autres ex-officiers supérieurs ont appelé au retrait des troupes de la rue, en soulignant que les gens n'avaient "plus peur de sacrifier leur vie".

Dans plusieurs cas, des soldats et des policiers ne sont d'ailleurs pas intervenus contre les protestataires, contrairement au mois dernier.

"Ceux qui sont responsables d'avoir poussé les habitants de ce pays dans un état de misère aussi extrême devront être traduits en justice", a aussi estimé M. Bhuiyan.

 "Vivre librement" 

Le pays compte de nombreux diplômés au chômage, et les étudiants exigent l'abolition d'un système de discrimination positive qui réserve un quota d'emplois publics aux familles des vétérans de l'indépendance.

Partiellement aboli en 2018, ce système a été restauré en juin par la justice, mettant le feu aux poudres, avant un nouveau retournement fin juillet de la Cour suprême.

La crise sociale s'est muée en crise politique à partir du 16 juillet, quand la répression a fait ses premiers morts, les manifestants réclamant alors la démission de Mme Hasina.

"Il ne s'agit plus seulement de quotas d'emplois", a déclaré à l'AFP Sakhawat, une jeune manifestante rencontrée à Dacca. "Nous voulons que les futures générations puissent vivre librement", dit-elle.

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