Chroniques depuis plus d’une décennie, les tensions communautaires sont encore montées d’un cran pour atteindre, depuis plusieurs semaines, un niveau de violence inédit entre les Serbes et les autorités kosovares, dans le nord du Kosovo. La situation est, en effet, très tendue dans cette région du Kosovo, où de nombreux membres de la communauté serbe, majoritaire dans quatre villes, ne reconnaissent pas l’autorité de Pristina. Tout a commencé à l’occasion des élections municipales tenues en avril dernier. Les Serbes ont boycotté ces municipales, ce qui a abouti à l’élection de maires albanais malgré la très faible participation, de moins de 3,5 %. Ces maires ont été intronisés la semaine dernière par le gouvernement, malgré les appels à l’apaisement. Résultat : protestations de Serbes réclamant le retrait des maires albanais et des forces de l’ordre kosovares et affrontements avec la police. Les forces de l’Otan, disposées dans la région depuis la fin de la guerre de Yougoslavie en 1999, ont également été attaquées. Intervenant pour essayer de séparer pacifiquement les deux parties, celles-ci ont également essuyé les tirs des protestants et ont dû recourir aux gaz lacrymogènes. Sur un total de 4 municipalités concernées dans la région, 29 soldats de l’Otan ont été blessés. De son côté, Belgrade a déclaré 52 Serbes blessés.
Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a déclaré que de « telles attaques sont inacceptables et doivent cesser ». Afin de « maintenir un environnement sûr et sécurisé », il a également annoncé le déploiement de 700 troupes supplémentaires de la réserve opérationnelle constituée pour les Balkans, ainsi que d’un bataillon pour mettre en oeuvre, si besoin est, ces troupes supplémentaires dans la région.
Ces récentes escalades ont été à l’unanimité condamnées par les puissances occidentales et l’Union Européenne (UE) qui a appelé les deux parties à « désamorcer les tensions immédiatement et sans condition ». Antony Blinken, le secrétaire d’Etat américain, a également « fermement condamné » l’intronisation par Belgrade de ces élus malgré les avertissements de l’UE et des Etats-Unis. Et Washington, pourtant allié historique du Kosovo, a effectivement commencé par suspendre ses exercices militaires conjoints avec Belgrade cette semaine. Face à la continuité des protestations serbes, qui ont cette fois été contenues par l’important dispositif de la KFOR mercredi 31 mai et vendredi 2 juin, Paris et Berlin ont appelé à la tenue de nouvelles élections municipales dans la région.
Dialogue rompu
L’investiture de maires albanais intervient alors que la population serbe, majoritaire dans la région du nord du Kosovo, avait massivement boycotté les élections municipales d’avril pour protester contre la tendance, ces derniers mois, de Pristina à entériner unilatéralement le plan de partage européen de 2013 qui lui donne plus d’autonomie. L’entrée effective, le vendredi 26 mai, du maire élu le 13 avril dans la municipalité de Merzalben, à grand renfort d’escortes policières, fut la goutte de trop pour la minorité serbe du nord du Kosovo. En effet, cela fait déjà des mois que, dans l’ombre médiatique jetée par la guerre en Ukraine, la situation se dégrade dangereusement entre le Kosovo et la Serbie. En mars dernier, après avoir été poussées par les puissances occidentales et l’UE à reprendre le dialogue, Pristina et Belgrade ne sont finalement pas parvenues à s’entendre et signer l’accord final visant à normaliser leurs relations, très tendues depuis la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo en 2008. Depuis le 18 mars, le dialogue est donc coupé entre les deux capitales.
Face aux pressions occidentales, le premier ministre kosovar, Albin Kurti, s’est alors défendu sur la situation dans le nord du Kosovo en accusant Belgrade d’en être l’auteur : « L’escalade de la situation du 29 mai a été planifiée, bien organisée et elle avait un auteur. L’auteur, c’est Belgrade. (...) La Serbie a mobilisé des groupes criminels pour aggraver la situation ».
A ce jour, la Serbie n’a toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo, et 12 000 de ses ressortissants sont restés dans les territoires déclarés kosovars sans qu’ils en reconnaissent l’autorité, dénonçant un « vide juridique ».
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