Les discussions achoppent sur la question de l’avenir des Forces de soutien rapide. (Photo : AFP)
Al-Ahram Hebdo : La signature de l’accord final entre civils et militaires, censé relancer la transition démocratique au Soudan, a été retardée samedi dernier. Quelle en est la raison ?
Amany El-Taweel: On s’attendait à ce report en raison de la complexité de la scène politique au Soudan. En plus, il y a des fuites selon lesquelles le chef de la mission de l’Onu aurait pu intervenir sur certains points concernant l’accord, ce qui a suscité la colère des partis. En outre, l’absence de consensus sur les questions les plus importantes liées à la réforme sécuritaire est considérée comme une des principales causes de ce renvoi.
— Le désaccord sur le calendrier de l’intégration des Forces de Soutien Rapide (FSR) à l’armée est en tête des problématiques. Pourquoi les parties ne parviennent-elles pas à un consensus ?
— La réforme des forces de sécurité, qui veut dire l’intégration des paramilitaires des FSR aux troupes régulières, est la pomme de discorde opposant les deux généraux Abdel-Fattah Al-Burhan, président du Conseil souverain du Soudan, et Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », patron des FSR. Ces deux derniers n’ont ni le même calendrier ni les mêmes modalités pour cette intégration, ce qui a causé le report. En effet, les FSR, composées en bonne part d’ex-miliciens Janjawids et qui sont accusées d’atrocités lors de la longue et meurtrière guerre déclenchée en 2003 au Darfour (ouest), ont acquis une légitimité politique et militaire en août 2013 par une décision républicaine, du président déchu Omar Al-Béchir. Elles sont accusées d’être aussi impliquées dans la répression de la révolte contre Al-Béchir, déclenchée fin 2018 et qui a abouti à sa chute en avril 2019. Quelle que soit la complexité de la situation politique soudanaise, la question de l’intégration en elle-même est très compliquée, et je pense que cette question a été traitée avec légèreté, bien qu’elle nécessite plus de discussions et plus de temps.
— Outre ce point d’achoppement, il y en a des courants qui sont contre cet accord-cadre. Quelle en est leur influence ?
— Les islamistes s’opposent à l’accord-cadre. Ils le considèrent comme une force supplémentaire pour la composante civile, surtout la gauche. Or, leur contestation n’a pas de grand effet sur l’accord-cadre rédigé par des représentants de l’armée, de l’opposition, des forces paramilitaires, et bénéficie de l’approbation de la plupart des partis. Par contre, il y a des tentatives de faire intégrer ce courant à l’accord-cadre. La déclaration du lieutenant général Yasser Al-Atta, membre du Conseil souverain, sur la nécessité d’intégrer progressivement les forces de l’islam politique dans la future équation politique est une indication claire. Qu’on le veuille ou non, le courant de l’islam politique est une force sociale présente au Soudan, en fonction de ses capacités économiques.
— La communauté internationale peut-elle avoir un rôle pour que l’accord final soit enfin conclu ?
— L’intervention internationale comporte des avantages et des inconvénients. Il est vrai que les parties internationales peuvent exercer des pressions ou présenter des offres pour aller de l’avant et faire de cet accord une réalité politique, et on a vu la menace lancée en particulier par Washington d’imposer des sanctions, individuelles, à des personnes qui s’opposent ou font obstruction à l’accord final. Or, cette intervention peut exciter le mécontentement de certains partis, ce qui peut compliquer la situation.
— La nouvelle date fixée pour la signature de l’accord, le 6 avril, peut-elle être respectée ? Ces 5 jours supplémentaires de discussions suffisent-ils à mettre fin aux différends ?
— A vrai dire, pour ce qui est du Soudan, il est difficile de faire des préventions, mais je pense que la date du 6 avril est discutable. Un nouveau report est tout à fait possible. Rappelez-vous que la date de la signature de l’accord initial n’a pas été non plus respectée.
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