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Afrique : Combler le fossé du financement climatique

Amira Samir , Mercredi, 20 novembre 2024

A l’unisson, les négociateurs africains présents à la COP29 appellent les pays développés à tenir leurs promesses en matière de financement.

Afrique : Combler le fossé du financement climatique

« Nous espérons passer de millions et de milliards (de dollars) à des milliers de milliards de dollars dont l’Afrique a pleinement besoin pour son action climatique. Le succès de cette COP, qualifiée de COP du financement, dépendra en grande partie du niveau d’ambition du nouvel objectif en matière de financement climatique ». C’est ce qu’a déclaré Mithika Mwenda, directeur exécutif de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique (PACJA), lors de la Journée de l’Afrique à la COP29. Selon Mithika Mwenda, bien que l’Afrique ne contribue qu’à moins de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, elle fait face à un grave déficit de financement, bénéficiant seulement de 3 à 4 % des fonds mondiaux climatiques, alors qu’elle compte neuf des dix pays les plus vulnérables aux changements climatiques.

En effet, la capacité des pays africains à mobiliser des financements pour lutter contre le changement climatique est affectée par divers défis, tant internes qu’externes. Un déficit de financement climatique chronique figure au coeur de ces défis. Selon le rapport « Financement climatique en Afrique : un aperçu des flux, des défis et des opportunités », publié récemment, souligne que les pays africains ont besoin de 2,8 billions de dollars entre 2020 et 2030 pour mettre en oeuvre leurs contributions déterminées au niveau national (CDN). Soit 277 milliards de dollars en moyenne chaque année. Or, les financements climatiques reçus en 2021-2022 ne représentent que 11 % des besoins.

En outre, les pays africains sont confrontés à un fardeau croissant de la dette extérieure et à une hausse des coûts d’emprunt, en raison du ralentissement économique, des déficits budgétaires persistants et des chocs extérieurs : le ratio dette/PIB dans de nombreux pays africains a fortement augmenté depuis les années 2000, passant de 39,4 % entre 2010 et 2014 à 56,2 % entre 2015 et 2019, puis à 70,5 % en 2020, selon la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (2023).

Les pays africains paient également des taux d’intérêt plus élevés sur la dette publique que d’autres régions présentant des caractéristiques macroéconomiques similaires, en raison notamment des notations de crédit défavorables attribuées par les agences de notation. Ces agences attribuent systématiquement des notes de qualité investissement aux pays développés et des notations de qualité inférieure pour la plupart des pays africains à revenu intermédiaire inférieur ou à faible revenu. Selon le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, au 31 août 2023, 7 pays africains étaient en surendettement et 13 autres pays couraient un risque élevé de le devenir.

Solutions et opportunités

Malgré les nombreux défis, le continent recèle d’importantes opportunités que les gouvernements africains et les bailleurs de fonds pour le climat peuvent exploiter. Le financement mixte constitue une opportunité majeure pour l’Afrique de lever des fonds supplémentaires pour l’action climatique. L’OCDE définit le financement mixte comme « l’utilisation stratégique du financement du développement pour mobiliser des ressources commerciales supplémentaires, afin d’atteindre les Objectifs de développement durable dans les pays en développement ». Il est donc nécessaire de mobiliser des capitaux privés pour atteindre les objectifs climatiques. Selon les estimations, sur les 2 400 milliards de dollars de besoins annuels, 1 000 milliards de dollars pourraient provenir de sources privées nationales et internationales.

Echanger la dette contre le climat est également l’un des domaines les plus importants en matière d’opportunités de financement climatique. Pour alléger le fardeau des dettes et financer leur transition écologique, les pays africains pourraient bénéficier de leurs ressources naturelles abondantes. Certains pays africains, comme le Cap-Vert et les Seychelles, ont déjà bénéficié de cet échange. En 2018, le gouvernement des Seychelles a émis la toute première obligation souveraine bleue d’Afrique échangeant de la dette contre la nature, levant 15 millions de dollars auprès d’investisseurs internationaux pour financer la conservation et le développement des océans.

Autre domaine : les obligations bleues. L’économie bleue de l’Afrique offre des opportunités pour stimuler la croissance économique en exploitant les ressources marines du continent. La valeur de la richesse marine de l’Afrique est estimée à environ 1 000 milliards de dollars. 36 des 54 pays africains sont des pays côtiers ou insulaires. Par ailleurs, l’Afrique dispose de réservoirs de carbone dans ses forêts et ses plans d’eau qui jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Les marécages du bassin du Congo sont le deuxième poumon de la planète après les forêts amazoniennes. Il absorbe environ 30 milliards de tonnes d’équivalent carbone, soit l’équivalent d’environ trois années d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique. Les réservoirs de carbone africains représentent également une source de revenus considérable. La demande de crédits carbone devrait être multipliée par 15 d’ici 2030, pour atteindre 100 milliards de dollars d’ici 2050.

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