« Tout commence à la maison, ensemble, dès maintenant ». Tel est le message central du 12e Forum Urbain Mondial (FUM 12), la principale conférence des Nations-Unies consacrée au développement urbain durable. Les travaux de ce forum ont été lancés en Egypte, le 4 novembre, avec la participation de 30 000 personnes provenant de 180 pays. « Du Caire, capitale de la civilisation, de l’histoire et de la paix, nous inaugurons le 12e Forum urbain mondial », a déclaré le président Abdel Fattah Al-Sissi, avant de donner le coup d’envoi de cette grand-messe qui dure cinq jours.
Créé en 2001, ce forum, organisé tous les deux ans, rassemble des représentants des gouvernements, des organisations de la société civile, du secteur privé et des ONG. Il constitue une plateforme importante pour échanger le dialogue entre les pays sur les enjeux de l’urbanisation. En effet, l’Egypte est le premier pays africain à accueillir le forum après la première édition à Nairobi, au Kenya, et le deuxième pays arabe après Abu-Dhabi. Le retour du forum sur le continent africain après deux décennies intervient à un moment où les villes du continent, telles que Le Caire, Luanda, Dar es-Salam, Kinshasa, Lagos et Johannesburg, deviennent les plus grands centres urbains du monde, abritant plus de 10 millions de personnes d’ici 2035.
Aujourd’hui, environ 50 % de la population mondiale vivent dans les zones urbaines, une proportion qui devrait atteindre 70 % d’ici 2050. Face à une urbanisation rapide qui engendre à la fois des opportunités et des défis, le 12e FUM a pour objectif de trouver des solutions à la crise mondiale du logement. Selon ONU-Habitat, près de 1,6 milliard de personnes vivent dans des conditions précaires ou inadéquates. Et ce nombre pourrait doubler d’ici 2030.
Urbanisation et croissance démographique
Mais quels sont donc les enjeux de l’urbanisation ? Le développement urbain et le droit au logement constituent un défi complexe et multidimensionnel. C’est ce qu’explique Heba Zein, chercheuse au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS), en soulignant que « les conflits armés, les déplacements massifs, le changement climatique et les instabilités économiques compliquent la crise mondiale du logement et rendent sa résolution difficile ». Selon un rapport récent de la Banque Mondiale (BM), le changement climatique pourrait forcer 216 millions de personnes dans six régions du monde à se déplacer à l’intérieur de leurs pays d’ici 2050. Il entraîne des catastrophes naturelles récurrentes, telles que les inondations, les cyclones et les incendies de forêt, qui détruisent les habitations et déplacent les populations, en particulier dans les villes côtières, exacerbant ainsi la crise du logement. « Il est urgent de développer de solutions de logement durables et résilientes, notamment en Afrique, la région la plus vulnérable au changement climatique. Cependant, les coûts élevés de ces solutions et le manque d’accès aux technologies de pointe constituent un obstacle majeur », souligne le rapport.
Autre défi : la croissance démographique. La population mondiale a plus que triplé par rapport au milieu du XXe siècle, atteignant environ 8 milliards d’habitants à la mi-novembre 2022, contre environ 2,5 milliards en 1950. Elle a augmenté d’un milliard depuis 2010 et de deux milliards depuis 1998. Cette tendance devrait se poursuivre, avec une augmentation d’environ deux milliards de personnes au cours des trente prochaines années, pour atteindre 9,7 milliards en 2050. Cette croissance démographique constante nécessite une augmentation équivalente des projets de logement pour répondre à la demande croissante et naturelle de logements. Selon la BM, la hausse prévue de 2,5 milliards de citadins d’ici 2050 pèsera davantage sur les ressources en eau et les infrastructures des villes.
Impacts des conflits
Outre les conséquences les plus importantes de la croissance démographique, « les conflits qui secouent le Moyen-Orient et le continent africain exacerbent les défis urbains, notamment en matière de logement, d’infrastructure et de services publics », explique Heba Zein. Et de souligner : « Ces sociétés sont confrontées à un défi majeur en matière de reconstruction après les conflits, car les ressources sont limitées et le soutien gouvernemental est principalement axé sur la restauration des infrastructures essentielles, rendant la résolution de la crise de logement une tâche ardue et de longue haleine ». Selon le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, le nombre de personnes déplacées de force dans le monde entier s’élevait à environ 122,6 millions à la mi-2024. Quant au nombre de déplacés internes, il était d’environ 68,3 millions à la fin de 2023. Ce déplacement de populations exerce également une pression considérable sur l’offre de logements dans les régions d’accueil. « Il est impossible d’entamer de sérieuses démarches pour relever les défis urbains dans des sociétés qui souffrent de guerres, de conflits, de déplacements, de famine et de maladies », souligne le président lors de son discours prononcé à la session d’ouverture.
Lors de cette session, le président palestinien, Mahmoud Abbas, a souligné que la Palestine participe cette année au FUM « dans un contexte de destruction, de crimes de génocide, de nettoyage ethnique, de vol de terres et de ressources naturelles perpétrés par l’occupation israélienne contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ». « Cela nous impose d’énormes défis qui entravent les efforts de développement urbain durable dans plus de 60 % des territoires de Cisjordanie et dans toute la ville de Jérusalem-Est, où plus de 80 % des logements, des infrastructures, des hôpitaux et des écoles de la bande de Gaza ont été détruits ».
Pour sa part, Rashid Al-Alimi, président du Conseil de présidence de la République du Yémen, a expliqué que la guerre déclenchée au Yémen a entraîné des destructions massives des infrastructures et des services essentiels. « Les conflits ont endommagé près de la moitié des infrastructures urbaines yéménites, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, de l’assainissement et des transports. Le secteur du logement a été particulièrement touché. 16 villes yéménites ont été remises en arrière de plusieurs décennies », ajoute-t-il.
L’expérience égyptienne sous la loupe
« Malgré les crises qui nous entourent, l’Egypte a réalisé des progrès importants ces dernières années dans les domaines de la construction et du développement urbain », a déclaré le président en présentant l’expérience urbaine de l’Egypte. « De vastes initiatives et projets ont été mis en oeuvre, notamment l’initiative Vie décente pour le développement des zones rurales et des quartiers informels, l’initiative Takafol et Karama pour soutenir les familles les plus vulnérables, et l’initiative Logement pour tous les Egyptiens, le plus grand projet de logement social pour les personnes à faible revenu en Egypte ». Et d’ajouter : « L’Egypte a également créé une nouvelle génération de villes adoptant les critères de durabilité et d’intelligence numérique, notamment la Nouvelle Capitale administrative et la nouvelle ville d’Al-Alamein. En parallèle, des projets ont été lancés pour développer les quartiers informels et les zones non planifiées et non sécurisées ».
Selon Heba Zein, 24 nouvelles villes de quatrième génération ont été créées pour accueillir 32 millions d’habitants, avec un investissement total estimé à 1,3 billion de L.E. Ce qui a contribué à augmenter la superficie construite en Egypte, passant de 7 % en 2014 à 13,7 % en 2023, avec un taux d’urbanisation de 48,5 %.
Selon beaucoup d’observateurs, le choix de l’Egypte est un message très important qui reflète la reconnaissance d’ONU-Habitat pour la ville du Caire et tous les projets, événements et stratégies mis en oeuvre par l’Egypte. En outre, selon Sherif El-Sherbiny, ministre du Logement, « l’Egypte vise à maximiser les bénéfices de l’accueil du FUM, en présentant l’expérience urbaine égyptienne et en la partageant avec différents pays du monde, ainsi qu’en offrant une excellente opportunité d’exporter l’immobilier égyptien et d’ouvrir de nouveaux horizons et marchés pour les entreprises de construction égyptiennes, les bureaux d’études et les promoteurs immobiliers, afin qu’ils se lancent sur les marchés arabes, africains et mondiaux ». Du Caire historique aux villes de quatrième génération, les participants au FUM sont appelés durant leur présence en Egypte à découvrir certaines initiatives et des projets urbains mêlant histoire, modernité et développement durable.
Au cours du forum, l’Egypte lancera de nouvelles initiatives : la stratégie nationale des villes intelligentes, la stratégie nationale de l’urbanisation verte et l’initiative « d’atlas des villes égyptiennes ». « Ces initiatives visent à renforcer les efforts nationaux existant dans les domaines de l’urbanisation, en s’appuyant sur les normes internationales de durabilité et de partenariat », conclut le président.
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