Les intérêts mutuels représentent le fondement des relations internationales. Partant, l’adhésion de l’Egypte au rassemblement économique des BRICS est porteuse de nombreux avantages aussi bien pour l’Egypte que pour l’ensemble des pays membres. « L’Egypte possède un poids économique et politique, ainsi qu’un emplacement géographique stratégique qui lui permettent de devenir un membre important de ce rassemblement économique », commente Dr Fakry El-Fiky, économiste et président de la commission du plan et du budget au Conseil des députés.

Selon les chiffres officiels, l’Egypte a réalisé un taux de croissance de 3,8 % au cours de l’année fiscale 2022-2023, le plus grand du continent africain, ainsi qu’un PIB de 398,40 milliards de dollars en 2023, dépassant celui de l’Afrique du Sud (380 milliards de dollars).

Par ailleurs, avec une population dépassant les 110 millions d’habitants, l’Egypte représente un énorme marché pour les marchandises des pays du bloc économique. « L’Egypte représente un marché important pour l’écoulement des marchandises des pays des BRICS. L’Egypte est le plus grand importateur mondial de blé, alors que les BRICS regroupent les deux plus grands producteurs du monde, la Russie et la Chine. En plus, l’Egypte importe de grandes quantités de viande du Brésil », explique El-Fiky.

Les atouts de l’Egypte

Pour les experts économiques, le plus important atout de l’Egypte est son emplacement géographique stratégique. Alors que l’Inde et la Chine se trouvent à l’est, le Brésil à l’extrême ouest, la Russie au nord-est et l’Afrique du Sud à l’extrême sud, l’Egypte se trouve au carrefour des continents avec des ports importants sur la Méditerranée et la mer Rouge, sans oublier le Canal de Suez par lequel traversent 8 % du trafic commercial mondial. Par son emplacement, l’Egypte est aussi la porte d’entrée vers les pays africains et les pays arabes du nord de l’Afrique avec lesquels elle a largement développé ses relations au cours des dernières années. « Dans ce contexte, il ne faut pas oublier l’énorme développement des infrastructures, qu’il s’agisse du large réseau routier qui relie les quatre coins du pays ou les moyens de transport modernes. Nous avons maintenant une route côtière qui va jusqu’à Salloum aux frontières avec la Libye. Nous avons la route Le Caire-Assouan qui va jusqu’à Le Cap et qui va relier le continent dans sa longueur. De même, nous avons lancé, il y a quelques jours, une ligne ferroviaire qui va jusqu’au Sinaï », précise El-Fiky.

Selon un rapport élaboré par le Centre d’informations et de prise de décision affilié au Conseil des ministres, l’Egypte représente une porte d’entrée vers les marchés africains grâce aussi à son adhésion à deux regroupements économiques régionaux importants, à savoir le COMESA et le Rassemblement du Sahel et du Sahara, sans oublier la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf). El-Fiky met aussi l’accent sur l’importance du poids politique de l’Egypte. « L’Egypte suit une politique sage et jouit d’une armée puissante qui lui confèrent une stabilité politique et sécuritaire, ce qui représente le principal pilier de toute relation économique », précise-t-il.

Avantages réciproques

Convaincu de la nécessité de l’action commune au sein d’un rassemblement économique puissant pour faire face aux mutations et aux défis internationaux, l’Etat égyptien a oeuvré à rejoindre les BRICS pour bénéficier des avantages que ce groupe peut présenter à son économie en développement dans un contexte régional de plus en plus tendu.

L’un des principaux objectifs des BRICS est de réduire la dépendance au dollar, en réduisant sa domination dans les transactions commerciales via des systèmes de paiement alternatifs essentiellement basés sur l’utilisation des monnaies locales dans les échanges commerciaux. L’adoption de ce système aura un impact direct sur la valeur de la livre égyptienne qui se reflétera sur les indices économiques nationaux influencés par le recul de la valeur de la livre égyptienne et la hausse de la demande sur le dollar, d’autant que le rassemblement regroupe les principaux partenaires commerciaux de l’Egypte. « La Banque Centrale d’Egypte a déjà signé des accords avec la Russie, la Chine et l’Inde pour effectuer des transactions commerciales en monnaies locales, mais encore à petite échelle. De tels accords permettront à l’avenir l’augmentation du flux des touristes vers l’Egypte grâce à la disponibilité de la livre égyptienne dans les Banques Centrales », commente El-Fiky. Il ajoute que le Parlement égyptien a approuvé, au cours des dernières années, de larges réformes législatives et fiscales afin d’attirer les investissements étrangers, sans oublier la création de nombreuses zones économiques pour favoriser le climat de l’investissement. Dans ce contexte, on s’attend à ce que les investissements étrangers augmentent en Egypte, d’autant que le président russe, Vladimir Poutine, a indiqué qu’il travaillerait dans le cadre de ce bloc à mettre en oeuvre de nombreux projets sur le continent africain.

Les investissements cumulés des pays des BRICS en Egypte, qu’il s’agisse des cinq membres fondateurs ou des nouveaux membres, ont d’ailleurs atteint près de 17,4 milliards de dollars jusqu’en septembre 2023. Le gouvernement égyptien a aussi créé une unité spéciale au sein du Conseil des ministres dans l’objectif de renforcer la coopération avec les pays membres des BRICS. Elle est chargée de l’étude des lois nécessaires à la mise en oeuvre des accords et des engagements requis et de l’élaboration des plans et stratégies.

Echanges d’expertises

Par ailleurs, les investissements étrangers favoriseront le développement du secteur industriel égyptien grâce à l’échange des expertises et des compétences entre les pays membres, en particulier dans les domaines de l’industrie et de la technologie. En plus, les BRICS représentent un énorme marché pour les marchandises égyptiennes avec 46 % de la population mondiale et 26 % de la production mondiale. Partant, le volume des échanges commerciaux de l’Egypte avec les pays membres des BRICS, qui se chiffrait à 47,6 milliards de dollars en 2022 (après avoir ajouté les nouveaux membres), augmentera certainement au cours des prochaines années, les experts estimant que les structures des marchandises des pays des BRICS sont très différentes les unes des autres. Ce qui représente l’un des plus importants catalyseurs des échanges économiques entre les pays.

Enfin, l’adhésion de l’Egypte à la Banque de développement des BRICS lui permettra d’obtenir des financements concessionnels pour de nombreux projets productifs, étant donné que le principal objectif de cette banque est de créer de nouvelles infrastructures et d’améliorer la qualité de vie des citoyens dans les pays membres.