Lundi, 13 janvier 2025
Dossier > BRICS 2024 >

BRICS 2024 : Le nouveau multilatéralisme économique

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 23 octobre 2024

La Russie accueille du 22 au 24 octobre le 16e sommet des BRICS qui a vu l’adhésion de cinq nouveaux membres en 2024, dont l’Egypte. Le groupe se positionne comme un acteur majeur dans l’économie mondiale. Explications.

BRICS 2024 : Le nouveau multilatéralisme économique

Les yeux du monde sont tournés vers Kazan, surnommée la troisième capitale de la Russie. Sur les bords de la Volga, le plus long fleuve de l’Europe, cette ville accueille, du 22 au 24 octobre, le 16e sommet des BRICS. Dans un contexte mondial marqué par les conflits armés, les tensions géopolitiques et les crises économique profondes, ce sommet revêt une importance particulière, car il s’agit du premier sommet depuis l’élargissement du groupe en janvier dernier, avec l’intégration de l’Egypte, des Emirats arabes unis, de l’Iran et de l’Ethiopie. L’Arabie saoudite n’a pas confirmé jusqu’à présent son adhésion. Sous le slogan « Renforcer le multilatéralisme en faveur du développement », l’agenda du sommet se concentre sur deux axes principaux : la refonte du système monétaire international et l’élargissement de l’utilisation des monnaies nationales dans les échanges bilatéraux entre les pays membres. Il doit étudier également la possibilité de lancer une monnaie commune pour le groupe. En effet, l’histoire des BRICS remonte à 2001, lorsque l’économiste Jim O’Neill a inventé le terme « BRIC » pour attirer l’attention sur les fortes croissances économiques du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine. En 2006, ces quatre pays ont convenu de former le groupe des « BRIC », utilisant la première lettre de chaque pays. Le groupe a tenu son premier sommet en 2009 et a invité l’Afrique du Sud à le rejoindre l’année suivante, ajoutant ainsi un cinquième pays d’un autre continent et changeant le nom du groupe en « BRICS ». Dès janvier de cette année-là, les BRICS ont porté le nombre de pays membres à dix, élargissant ainsi leur champ d’action et leur poids économique au niveau mondial. Aujourd’hui, les pays du groupe représentent environ 33,9 % de la superficie du globe terrestre, 46 % de la population mondiale, 34 % du pétrole mondial, ainsi que 32 % du PIB et 25 % des exportations mondiales. Créée en 2014, la nouvelle Banque de développement, dotée d’un capital initial de 100 milliards de dollars, offre une alternative au FMI en accordant des prêts et un soutien aux projets économiques dans les pays membres. A la fin de 2022, le montant total des prêts accordés par la banque s’élevait à environ 32 milliards de dollars à destination des pays émergents, pour la réalisation de projets routiers, ferroviaires et d’approvisionnement en eau. Selon Amr Abdel-Atty, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, dans un contexte de transformations géopolitiques profondes, le groupe des BRICS est devenu un acteur majeur dans le remodelage du système mondial et un concurrent sérieux des institutions économiques internationales établies par les Etats-Unis à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. Et d’ajouter : « Ce groupe n’est plus simplement une alliance économique, mais représente aujourd’hui une ambition mondiale de se diriger vers le multilatéralisme en mettent fin au monopole d’un Etat, d’un bloc ou d’une monnaie unique comme le dollar ». Mais comment concilier multipolarité et coopération internationale et comment gérer les disparités économiques et politiques entre ses membres ?

La coopération avec le Sud global au coeur de l’agenda

« Les BRICS ne sont pas une association anti-occidentale, c’est tout simplement un bloc qui n’est pas occidental », a déclaré Vladimir Poutine, lors d’une récente conférence de presse, pour définir l’objectif de sa présidence des BRICS 2024. L’ordre du jour du sommet se divise en deux parties : une réunion des Etats membres axée sur le « renforcement du multilatéralisme » et une autre élargie sous le thème de « la coopération des BRICS avec le Sud global » qui discutera l’élargissement potentiel de l’organisation à travers la création d’une nouvelle catégorie de « pays partenaires ». En marge du sommet, une autre réunion aura lieu pour discuter des grands conflits mondiaux, notamment ceux au Moyen-Orient. L’économie est également au coeur des discussions du sommet de Kazan. La Russie entend proposer un certain nombre d’initiatives et l’utilisation de monnaies numériques pour les investissements. Elle a l’intention également d’approuver une série d’accords avec les pays membres sur la coopération dans divers secteurs : la technologie, la médecine, les douanes, l’environnement et l’énergie. Selon Nourhan Al-Sheikh, experte dans les affaires internationales, l’interconnexion des systèmes au sein du groupe des BRICS est une étape importante. Les Emirats arabes unis effectuent déjà des transactions en devises locales avec la Russie et l’Inde. L’Egypte, de son côté, a adopté le rouble en septembre 2022 et utilise également le yuan chinois.

La participation distinguée de l’Egypte

« Le forum des BRICS constitue une plateforme importante pour explorer les opportunités d’investissement et de commerce entre les pays du groupe », a déclaré le président Abdel Fattah Al-Sissi.

 Selon beaucoup d’observateurs, l’adhésion de l’Egypte au groupe reflète le rôle central du Caire au Moyen-Orient et sa capacité à attirer les investissements étrangers. En participant au sommet des BRICS, l’Egypte cherche à renforcer les partenariats régionaux et internationaux au sein du groupe, tant au niveau bilatéral que multilatéral. Elle cherche également à tirer pleinement parti des avantages préférentiels offerts par les accords de coopération et d’échanges commerciaux pour ouvrir de nouveaux marchés aux exportations égyptiennes. Lors de sa première participation de haut niveau en tant que membre du sommet des BRICS, l’Egypte a présenté les efforts qu’elle avait déployés dans le processus de réforme économique, ainsi que les efforts du gouvernement pour améliorer le climat des investissements et renforcer le rôle du secteur privé. En effet, l’Egypte plaide en faveur d’une réforme du système monétaire et financier international, ainsi que d’un renforcement du rôle des institutions financières internationales pour mieux représenter les économies émergentes. Selon l’ambassadeur Hussein Haridi, l’Egypte ne perçoit pas le groupe des BRICS comme un bloc exacerbant les tensions géopolitiques actuelles. Au contraire, elle y voit principalement une plateforme de coopération économique et de développement. « Lors du forum d’affaires des BRICS, le président Al-Sissi a parlé de la Zone économique du Canal de Suez comme un atout majeur pour attirer les investissements et faciliter le commerce avec les membres du groupe. Il a également souligné l’importance des accords de libre-échange signés par l’Egypte pour renforcer son intégration dans l’économie mondiale », souligne Haridi. Et d’ajouter : « Parmi les domaines d’intérêt égyptiens au sein des BRICS, il y a l’accès au financement des plans de développement ». Le portefeuille de financement de l’Egypte auprès de la nouvelle Banque de développement a atteint 1,3 milliard de dollars, selon un rapport du ministère de la Planification et de la Coopération internationale. La participation de l’Egypte est également l’occasion d’organiser une série de rencontres bilatérales avec les dirigeants des pays membres pour discuter du renforcement des relations économiques. Toutefois, selon Abdel-Atty, la réussite de l’Egypte à profiter de son adhésion aux BRICS dépendra d’une analyse approfondie des opportunités et d’une stratégie claire pour en tirer le meilleur parti sur les plans économique, diplomatique et militaire. « Il ne fait aucun doute que l’adhésion de l’Egypte ouvre de nouvelles perspectives économiques et renforce son poids régional, mais elle est confrontée à certains défis qui nécessitent des plans bien étudiés pour y faire face, notamment dans le contexte de la situation économique mondiale actuelle et à cause de la nature hétérogène du groupe. Les pays des BRICS n’ont aucun lien géographique ou régional, elles appartiennent à quatre continents différents. Par conséquent, l’enjeu majeur pour l’Egypte est de transformer cette disparité en un moteur d’expansion et de croissance », conclut Abdel-Atty.

 

 Les BRICS en chiffres-clés :

46 % de la population mondiale

33,9 % de la superficie terrestre

30 % de la main-d’oeuvre mondiale

32 % du PIB mondial

25 % du commerce mondial

34 % du pétrole mondial

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique