La position des Etats-Unis envers la guerre acharnée que mène Israël contre la bande de Gaza depuis le 7 octobre, et qui s’est étendue à la Cisjordanie, ainsi qu’au Liban, à la Syrie, à l’Iran et au Yémen, est ambiguë et suscite de nombreuses interrogations : Washington exerce-t-il une réelle pression sur Israël pour qu’il mette fin à la guerre ? Alors que le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, s’est rendu 10 fois dans la région pour tenter de convaincre le Hamas et Israël de conclure un accord de cessez-le-feu, l’Administration américaine continue à apporter un soutien inconditionné à Netanyahu et son gouvernement. Il ne s’agit pas d’ailleurs de la première ambiguïté. Depuis George W. Bush, premier président américain à soutenir la création d’un Etat palestinien, et à l’exception de la parenthèse Trump, Washington défend une solution à deux Etats. Mais dans le même temps, les Etats-Unis ont systématiquement protégé Israël à l’ONU, exerçant depuis 1970 son droit de veto dans cette instance internationale.
Dès le 7 octobre, le président américain, Joe Biden, a exprimé son soutien indéfectible à Israël, mettant l’accent sur son droit de se défendre et de défendre son peuple. Biden a même été le premier président américain à atterrir en Israël en moment de conflit. « Le plus grand crime commis par l’Administration américaine actuelle a été la visite de Joe Biden à Tel-Aviv le 18 octobre 2023. Cette visite a donné le feu vert à Netanyahu pour exécuter sa stratégie », explique l’ambassadeur Hussein Haridy, qui ajoute que la guerre que mène Israël contre Gaza depuis un an s’inscrit dans le cadre d’une stratégie plus large d’attaquer tous les pays du voisinage, le Liban, la Syrie, l’Iran et le Yémen, en utilisant le prétexte des événements du 7 octobre. « Les Etats-Unis ont pleinement soutenu cette stratégie, lui présentant un soutien militaire permanent, ainsi que le couvert diplomatique nécessaire au sein des Nations-Unies en apposant leur veto à toutes les résolutions du Conseil de sécurité condamnant les attaques israéliennes contre le peuple palestinien. En plus, les médias américains, en coopération avec l’Administration américaine, justifiaient tous les actes israéliens en amplifiant et exagérant le droit d’Israël à l’autodéfense », ajoute Haridy.
Une constante
Le soutien d’Israël a de tout temps représenté la pierre angulaire de la diplomatie américaine. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis ont fourni à Israël une aide étrangère cumulée plus importante qu’à n’importe quel autre pays. L’Etat hébreu reçoit chaque année près de 4 milliards de dollars d’aide militaire. Le 26 septembre, Israël annonçait même avoir obtenu un nouveau train d’aide militaire d’une valeur de 8,7 milliards de dollars. Le gouvernement américain est aussi tenu par l’une de ses lois à ce que toute vente d’armes à d’autres Etats du Moyen-Orient n’affecte pas « l’avantage militaire qualitatif d’Israël sur les menaces militaires qui pèsent sur lui ».
C’est ainsi que les Etats-Unis sont entièrement impliqués dans la guerre que mène Israël depuis le 7 octobre. Des voix au sein des Etats-Unis même confirment cette réalité. La candidate du Parti des verts à la présidentielle américaine, Jill Stein, confirme que « les Etats-Unis assument une grande part de responsabilité dans la violence à Gaza, alimentée par les préjugés pro-israéliens des médias et de la classe politique. Actuellement, les Etats-Unis fournissent 80 % des armes utilisées pour tuer des femmes, des enfants et des civils innocents. Ils fournissent également de l’argent, un soutien militaire, une couverture diplomatique et des renseignements. C’est notre guerre. Il est faux d’appeler cette guerre la guerre d’Israël. C’est la guerre des Etats-Unis. Nous en sommes responsables et nous pouvons l’arrêter en un clin d’oeil ». Les déclarations du secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, vont dans le même sens : « Je sais parfaitement que Washington n’arrêtera pas son soutien à Israël. Mais il faut au moins faire pression sur les Etats-Unis afin de s’assurer qu’ils fassent pression sur Israël pour arrêter la guerre et reconnaître qu’il ne faut pas entraver la solution de deux Etats ».
Le soutien américain pour Israël n’a rien de nouveau et ne semble pas près de changer. « Il s’agit de la continuation du soutien américain pour Israël lors de son offensive contre l’Egypte en 1967 lorsque les Etats-Unis ont présenté à Israël les avions F-4, les plus modernes de l’arsenal américain, pour frapper les profondeurs de l’Egypte et l’obliger à se plier à la volonté israélienne, puis lors de la guerre de 1973 lorsqu’ils ont avorté les résultats militaires de cette guerre. Les Etats-Unis sont un partenaire à part entière d’Israël dans toutes les guerres qu’il a menées dans la région au cours des années », précise Haridy.
Présidentielle américaine : Une influence réciproque
Toutes ces réalités soulèvent une question importante quant à l’influence de la guerre de Gaza sur le choix des électeurs américains, surtout après les larges manifestations estudiantines dans les universités américaines et la prise de conscience croissante à l’égard des atrocités commises par Israël contre les civils palestiniens. Dans ce contexte, les experts des affaires américaines expliquent que tant que l’armée américaine n’est pas impliquée dans une guerre à l’étranger, la politique étrangère n’a aucune influence sur le choix des électeurs américains, précisant que ce qui leur importe est l’économie du pays et une question comme l’avortement qui déterminera, cette année, le vote des Américaines.
En effet, un sondage réalisé début août par l’Institut arabo-américain à Washington auprès des électeurs américains demandant spécifiquement aux personnes interrogées de choisir les trois questions les plus importantes pour déterminer leur vote a révélé que la guerre contre Gaza est arrivée à la 11e position sur 12 choix.
Partant, quel que soit le nouveau locataire de la Maison Blanche, Kamala Harris ou Donald Trump, le soutien américain à Israël restera le même. « En cas d’arrivée de Harris au pouvoir, le discours américain sera quelque peu différent. Il sera plus dans l’intérêt des Palestiniens car Harris n’est pas pro-sioniste comme Biden, mais le soutien américain pour Israël ne changera nullement. Quant à Trump, il a un plan précis, celui du deal du siècle, qui est en effet un plan élaboré par Netanyahu mais qu’il avait avancé aux Américains pour le présenter au monde en tant que plan américain. Trump continuera à exécuter ce plan et à apporter à Israël la couverture politique et diplomatique pour annexer la Cisjordanie à Israël », conclut Haridy.
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