Jeudi, 14 novembre 2024
Dossier > Commerce mondial >

Mena Hassan : La bonne application des accords de l’OMC peut offrir des avantages aux pays en développement

Nevine Kamel , Mardi, 17 septembre 2024

Mena Hassan, experte en politique commerciale à l’OMC, analyse les opportunités offertes par le commerce électronique dans les pays en développement.

Mena Hassan

 

Al-Ahram Hebdo : Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les pays en développement, notamment africains, en matière de commerce international ?

Mena Hassan : La part du commerce mondial de l’Afrique reste relativement faible, environ 3 % des exportations et des importations mondiales. Même avec un accès aux marchés assez ouvert et des taux tarifaires réduits pour l’exportation, les pays africains souffrent de nombreux problèmes et défis dans leur développement économique. Il y a d’abord de diverses contraintes sur le plan de l’offre et de l’infrastructure commerciale qui limitent la capacité de ces pays à prendre part aux échanges internationaux. Les pays africains souffrent de problèmes liés à la mauvaise qualité des infrastructures comme les ports et les systèmes de transport. Le coût élevé du transport constitue un obstacle important, non seulement au développement, mais également à l’investissement dans le domaine du commerce extérieur. Le transport des marchandises par route au sein de la région est plus coûteux que dans d’autres parties du monde et cela entrave la régionalisation du commerce sur le continent.

Soulignons d’autres défis auxquels sont confrontés les commerçants et les entreprises africains. Les formalités administratives en Afrique sont insurmontables. Les exigences bureaucratiques sont plus élevées en Afrique que partout ailleurs dans le monde. Une transaction douanière moyenne requiert 40 documents en papier et 200 données avec beaucoup de duplications, ainsi qu’une myriade de frais et de charges imposés par différentes agences. En plus, les délais de dédouanement sont en moyenne plus longs dans les pays africains que dans d’autres régions du monde.

— Ne pensez-vous pas que le coût élevé du commerce soit le défi le plus important notamment pour les pays enclavés, une situation qui freine leur participation aux chaînes de valeur mondiales ?

— L’Afrique compte 16 pays enclavés. Ces pays sont confrontés à de nombreux obstacles liés au transit, au retard au passage des frontières et aux coûts de transport élevés. En moyenne, le commerce des pays en développement sans littoral est de 30 % inférieur à celui de leurs voisins côtiers. Les points de passage frontaliers donnent lieu à des coûts commerciaux et toute exportation ou importation par voie maritime d’un pays enclavé doit passer par au moins un ensemble supplémentaire de contrôles aux frontières.

La participation des pays africains aux chaînes de valeur mondiales est limitée. Selon une publication conjointe de l’OCDE et de l’OMC en 2015, il existe un lien évident entre la baisse des coûts du commerce et une participation accrue aux chaînes de valeur mondiales. Les pays africains pourraient ne pas être en mesure d’accéder à des marchés d’exportation spécifiques ou de participer aux chaînes d’approvisionnement mondiales s’il y a de longs retards dans les expéditions commerciales et si les coûts commerciaux restent élevés.

Un autre défi pour le commerce africain est l’existence de nombreux accords commerciaux régionaux. Il est donc difficile pour les commerçants de se conformer aux exigences de ces différents accords régionaux et de bénéficier de ces arrangements préférentiels.

— Comment les pays africains peuvent-ils surmonter ces défis ?

— Pour surmonter ces obstacles au commerce, diversifier les exportations de l’Afrique, intégrer le continent dans les chaînes de valeur régionales et mondiales et promouvoir l’investissement, les pays africains doivent d’abord accélérer le processus de mise en oeuvre de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) qui permettra de mieux intégrer le continent aux niveaux économique, commercial et social.

L’Accord de Facilitation des Echanges (AFE) de l’OMC vise à simplifier, moderniser et harmoniser les processus d’exportation et d’importation. La mise en oeuvre intégrale des 36 mesures de l’AFE peut générer 1 000 milliards de dollars de commerce mondial supplémentaire chaque année et pourrait potentiellement réduire les coûts du commerce de 14 % pour les pays africains et potentiellement augmenter les exportations africaines de 35 %. Des études ont également montré que les petites et moyennes entreprises, la forme d’entreprise prédominante dans les pays africains, comptent parmi les plus grands bénéficiaires des réformes introduites par l’AFE.

La bonne application des règles et accords de l’OMC peut offrir une certaine flexibilité et des avantages particuliers aux pays en développement et aux pays les moins avancés. Ce traitement reconnaît que ces pays ont des niveaux de développement économique et des capacités institutionnelles différents des pays développés et, par conséquent, ont besoin de mesures spécifiques pour pouvoir participer de manière équitable au commerce mondial.

— Comment la digitalisation et l’innovation peuvent-elles promouvoir un entrepreneuriat durable et inclusif, en particulier dans les pays en développement ?

— L’économie numérique a désormais une place centrale dans notre façon de faire des affaires au XXIe siècle. La pandémie du Covid-19 a accéléré le commerce numérique et électronique, avec des implications sur le commerce transfrontalier. Les technologies numériques permettent aux entrepreneurs d’accéder à des marchés mondiaux grâce aux plateformes en ligne. Cela est particulièrement important pour les petites entreprises dans les pays en développement, qui peuvent vendre leurs produits à l’international sans avoir à se rendre physiquement sur ces marchés.

La digitalisation et l’innovation peuvent transformer l’entrepreneuriat dans les pays en développement en rendant les ressources plus accessibles et en offrant des opportunités de financement et de formation. Pour maximiser ces avantages, il est crucial que les politiques publiques soutiennent ces initiatives, en assurant l’accès à la technologie et en favorisant un environnement propice à l’innovation durable et inclusive.

Au sein de l’OMC, la Déclaration conjointe sur le commerce électronique avec l’appui de 91 pays membres est centrée sur l’élaboration de règles, de politiques et de normes pour faciliter et réguler les transactions commerciales numériques à l’échelle mondiale. L’OMC, en tant qu’organisation internationale responsable de la réglementation du commerce international, s’efforce de créer un cadre permettant d’encourager la croissance du e-commerce tout en traitant les défis et les opportunités associés.

Pour soutenir les pays en développement, l’OMC met l’accent sur la nécessité de les soutenir dans le domaine du commerce électronique en les aidant à surmonter les défis d’infrastructures, de compétence numérique et de réglementation. Cela comprend l’accès à la technologie et la formation nécessaire pour tirer parti des opportunités offertes par le e-commerce

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique