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Diaa Helmy El-Feqi : Entre l’Afrique et la Chine, ce n’est pas un rapport de force déséquilibré

Ola Hamdi , Mercredi, 11 septembre 2024

Dr Diaa Helmy El-Feqi, membre du Comité des affaires asiatiques au Conseil égyptien des affaires étrangères et fondateur de la Chambre de commerce égypto-chinoise, revient sur l’importance du FOCAC comme une plateforme oeuvrant à renforcer le partenariat sino-africain et les enjeux de l’accroissement de l’influence chinoise en Afrique.

Diaa Helmy El-Feqi

Al-Ahram Hebdo : Comment évaluez-vous le bilan du Forum Chine-Afrique 2024 qui a eu lieu à Pékin du 4 au 6 septembre ? Et quelle est l’importance de la participation de l’Egypte ?

Dr Diaa Helmy El-Feqi : Le forum a adopté la Déclaration de Pékin appelant à « la construction conjointe d’une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de tout temps à l’ère nouvelle » et définissant un plan d’action pour les trois prochaines années. Adoptant un modèle de coopération gagnant-gagnant et respectant la non-ingérence dans les affaires internes, la Chine a investi près de 50 millions de dollars en Afrique au cours des dix dernières années. La participation du premier ministre, Mostafa Madbouly, au forum comme représentant de l’Egypte parmi 50 dirigeants africains est d’une grande importance. Ce forum offre une plateforme pour renforcer le partenariat entre Pékin et les pays africains, échanger des informations, attirer des investissements et mettre en valeur les opportunités économiques de l’Egypte au sein du triangle Chine-Egypte-Afrique. Les relations égypto-chinoises ont évolué de manière sans précédent au cours des dix dernières années grâce à un partenariat stratégique mis en place en 2014. Cette évolution des relations est due principalement à la présence d’une volonté politique et populaire entre les deux pays. J’insiste sur le fait que les relations solides entre l’Egypte et la Chine ne sont pas contre un tiers et ne visent pas un affrontement avec un autre pays. Dans un contexte marqué par de multiples crises, l’Egypte préfère adopter toujours une politique étrangère équilibrée.

— La Chine est devenue le principal partenaire commercial du continent. Quels sont les enjeux de la montée de l’influence chinoise en Afrique ?

— Dès l’an 2000, la Chine a radicalement modifié sa carte économique et politique. Elle s’est intéressée à l’Afrique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’Afrique est le continent qui possède la plus grande richesse minière dans le sous-sol et les montagnes. Ensuite, il s’agit d’un vaste marché pour des millions de personnes qui ont besoin de différents types de produits. La Chine a intensifié sa présence dans le continent en 2000, profitant du vide créé par la Guerre froide entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Elle a créé le premier Forum afro-chinois. Ce fut le début de l’intérêt chinois pour l’Afrique. L’Europe et les Etats-Unis ont pris conscience après que la Chine a pénétré le marché africain. Le volume du commerce actuel entre la Chine et l’Afrique a atteint 282 milliards de dollars, alors qu’il était de 1,89 milliard de dollars en 1999. Et enfin, la Chine se projette à l’horizon 2050, qui se profile avec une crise alimentaire mondiale que le monde craint, accompagnée de la pénurie d’eau et de terres agricoles. C’est pourquoi elle a prêté attention à l’Afrique, qui possède environ 60 % des terres agricoles du monde.

— Dans quelle mesure le partenariat Chine-Afrique est-il gagnant-gagnant ?

— La nouvelle politique mondiale adopte une approche transparente. « Qu’attendons-nous mutuellement ? ». C’est la base sur laquelle se reposent les relations sino-africaines. L’Afrique aspire à un développement durable, notamment après des siècles de l’exploitation de l’Occident des richesses du continent, surtout par l’Europe. Les peuples africains se sont réveillés et ont rejeté l’exploitation européenne des mines d’or et de métaux précieux. La Chine a fourni à l’Afrique d’immenses projets et de l’infrastructure, notamment des routes, des ponts, des ports et des installations. En chiffres, en 10 ans, la Chine a construit plus de 10 000 kilomètres de voies ferrées entre les pays africains, 100 000 kilomètres d’autoroutes modernisées, plus de 1 000 ponts et plus d’un millier de ports et d’infrastructures pour l’Afrique. La Chine a donc agi avec professionnalisme et n’a pas acheté la volonté africaine. Le président de la Sierra Leone a même déclaré récemment : « L’Afrique a volontairement coopéré avec la Chine ». La Chine a également mis l’accent sur la collaboration avec l’Afrique afin de promouvoir le label « Fabriqué en Afrique » qui est conforme avec la Vision de l’Afrique 2063. Avant la Chine, le continent africain était sous-investi, notamment en raison d’un endettement élevé envers les créanciers occidentaux qui absorbait environ 80 % des revenus des pays africains. L’Afrique veut également bénéficier de l’expertise chinoise en matière de technologie et d’industrie moderne.

— Les projets de l’initiative de La Ceinture et la Route gagnent du terrain en Afrique. Quels sont les principaux objectifs de la Chine : accroître son influence ou maximiser ses investissements ?

— D’après mon étude de la personnalité du président chinois Xi Jinping, des déclarations du Parti communiste chinois et de la structure de la civilisation chinoise, la Chine n’envisage pas une nouvelle occupation. Historiquement, la Chine n’a jamais eu pour politique de conquérir d’autres pays. Certes, son influence gagne du terrain en Afrique, mais indirectement. Elle s’exerce par le biais d’investissements et de coopération avec les pays africains dans de nombreux domaines de la coopération économique, commerciale, agricole et industrielle. Cette coopération crée naturellement une influence. Il ne s’agit pas d’influence négative comme l’imaginaient les pays occidentaux. En effet, la Chine aide le continent africain, mais en fin de compte, elle paie, accorde des subventions et des prêts, conclut des accords économiques et cherche à investir en Afrique. La question qui se pose est : cette coopération économique donne-t-elle des privilèges à la Chine ? Oui, elle lui octroie les mêmes privilèges qu’à un ami, dans une relation gagnant-gagnant. Il ne s’agit pas d’un rapport de force déséquilibré comme en témoignent les chiffres. Les investissements de la Chine au cours des dix dernières années sont bien supérieurs à ceux de l’Europe et des Etats-Unis sur deux siècles. En bref, les approches chinoises et occidentales en matière de coopération diffèrent sur le continent africain.

— Comment estimez-vous le regard de l’Occident envers la Chine : concurrence ou hostilité ?

— Il n’y a ni d’ami permanent ni d’ennemi permanent, mais plutôt des intérêts communs qui évoluent comme on le dit. L’Occident regarde avec méfiance tout rapprochement du monde arabe et de l’Afrique avec la Chine. Les pays occidentaux et les Etats-Unis considèrent la Chine comme un ennemi et un danger stratégique. De son côté, la Chine leur dit : vous avez été les premiers à appeler à la mondialisation, au libre marché, et le consommateur achète ce qu’il veut. Mais l’Occident rejette le libre-échange lorsque la Chine en bénéfice en l’accusant de vol des propriétés intellectuelles. L’Occident voit l’accroissement du commerce chinois comme un véritable défi.

— Dans quelle mesure les pays de la région peuvent-ils bénéficier de la concurrence sino-américano-européenne ?

— Cette situation présente un avantage considérable, car comme le dit le proverbe : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ». La concurrence sino-occidentale, notamment sino-américaine, crée un contexte favorable. Nous pouvons tirer profit de cette concurrence en matière de transfert de technologie, d’octroi de prêts de développement et de réalisation de grands projets avec la Chine. L’Egypte a adopté une politique de diversification des partenariats. Cependant, je pense que cette concurrence profite largement à la Chine, qui est devenue plus généreuse en matière de transfert d’expertise, de technologie et de projets.

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