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L’histoire mouvementée de l’industrie égyptienne

May Atta , Mercredi, 21 août 2024

« De l’aiguille au missile », « De l’Egyptien à l’Egyptien » … D’anciens slogans patriotiques qui tracent le parcours de l’histoire moderne de l’industrie égyptienne. Une histoire de défis et de succès.

L’histoire mouvementée de l’industrie égyptienne

C’est par une longue histoire de lutte pour le développement qu’est marquée la volonté d’implanter une industrie nationale en Egypte. Et ce, dès l’Egypte Ancienne, où l’agriculture organisée commence vers 6000 av. J.-C. et où l’industrie se développe à peu près à la même époque, notamment l’extraction de métaux tels que le cuivre, l’argent et l’or. Les artefacts exposés dans les musées témoignent de la précision du travail des artisans égyptiens anciens.

A l’époque moderne, l’industrie égyptienne a commencé à se développer sous le règne de Mohamad Ali, premier non-Mamelouk à diriger l’Egypte en 1805 après plus de cinq siècles. Il nationalise toutes les terres agricoles égyptiennes pour financer avec les profits la construction d’une armée et d’une base industrielle, notamment l’industrie textile, le sucre, l’huile et le riz, avec l’objectif de concurrencer l’Europe.

Mais l’occupation britannique de 1882 fait de l’Egypte un pays à vocation agricole et complètement dépendant des produits étrangers pour une longue durée. L’économie égyptienne durant cette période est largement dominée par le secteur agricole absorbant soit 68 % de la population active et 70 % de l’investissement brut total. Durant la Première Guerre mondiale, les puissances coloniales empêchent les grands propriétaires terriens de tirer des bénéfices importants de la culture du coton. Elles réduisent ainsi son prix. Face à cette situation, certains grands propriétaires terriens décident de commencer à investir dans le secteur industriel.

C’est ainsi que naît l’idée de la création de la Banque Misr en 1920 par Mohamad Talaat pacha, avec un capital entièrement égyptien, pour devenir ainsi la première banque égyptienne destinée à soutenir les investissements industriels, sous le slogan « De l’Egyptien à l’Egyptien ».

Grâce à ces efforts, la période post-Seconde Guerre mondiale est marquée par des progrès tangibles dans les investissements industriels. Cependant, la structure industrielle égyptienne est restée fragile jusqu’à la Révolution de 1952. Dans son livre A qui appartient l’Egypte, la chercheuse Samia Saeed explique que jusqu’à 1952, la structure industrielle égyptienne était dominée par des industries de biens de consommation favorisées par le secteur privé qui préfère le bénéfice rapide, telles que l’industrie alimentaire (27 %), l’industrie du tabac (16,4 %) et l’industrie textile (24,4 %).

Nationalisation du Canal de Suez : Nouvelle ère

Après la Révolution de 1952, l’histoire de l’industrie égyptienne passe par plusieurs étapes. Au départ, le nouveau régime ne change pas radicalement la politique industrielle en vigueur sous la monarchie. Mais la situation n’est plus la même après 1956 ; lorsqu’une crise majeure oppose l’Egypte au bloc occidental, à cause du refus des Etats-Unis de financer la construction du Haut-Barrage d’Assouan. En réponse, le président Gamal Abdel-Nasser décide de nationaliser la principale société concessionnaire anglo-française, la Société du Canal de Suez. L’annonce de la nationalisation du Canal de Suez, le 26 juillet 1956, déclenche l’agression tripartite (israélo-franco-britannique) contre l’Egypte. L’Egypte fait face également au blocus économique imposé par le bloc occidental. Ce blocus change le destin de l’Egypte qui passe d’un pays à vocation agricole seulement à un pays à vocation agricole et industrielle, d’autant plus que les Occidentaux empêchaient l’Egypte d’acquérir beaucoup de produits, y compris les médicaments. Ainsi, du blocus est né l’espoir de fabriquer les produits auparavant importés de l’Occident.

Pour Nasser, l’industrialisation est une étape vers une indépendance totale. Cette tendance a suscité le même espoir d’un jeune ingénieur égyptien tout juste de retour des Etats-Unis, titulaire d’un doctorat dont la thèse portait sur l’industrialisation de l’Egypte. Il s’agit de Aziz Sedqi, devenu ministre de l’Industrialisation en 1956.

Le rêve de l’autosuffisance

Le rêve de Nasser l’encourage à lancer le slogan « De l’aiguille au missile » afin d’atteindre l’autosuffisance de l’Egypte dans tous les domaines. Nasser partage son rêve avec le peuple. Le peuple sent pour la première fois qu’il est partenaire du régime pour réaliser ce progrès. La gratuité de l’éducation, la construction des écoles et la formation professionnelle sont les piliers de l’industrialisation et des grandes réformes socialistes et économiques des années 1950 et 1960.

Malgré les enjeux majeurs de cette transformation, l’Egypte parvient, dans un délai relativement court de 15 ans, à se hisser au rang de pays industriel. L’Egypte a pu construire environ 1 200 usines dans les industries du fer et de l’acier, du coke, du ciment, du sucre, des produits chimiques, des médicaments et la construction du matériel ferroviaire. Elle fabrique en même temps des automobiles, des camions, des autobus, des réfrigérateurs, des équipements mécaniques, des pneus, des engrais, et tout cela s’ajoute à la traditionnelle industrie textile égyptienne connue dans le monde entier. En ce qui concerne les industries de défense, la première balle égyptienne est produite le 23 octobre 1954 à l’usine militaire 27.

Selon Aly El Gretly, ancien professeur de sciences économiques à l’Université d’Alexandrie, les indicateurs économiques de la période allant de 1952 à 1966 montrent une croissance remarquable. Les revenus de l’industrie passent de 127 millions de L.E. en 1952-1953 à 376 millions en 1962-1963, alors que le capital des entreprises industrielles passe de 33 millions de L.E. en 1952 à 100 millions en 1960. Entre 1952 et 1962, le volume des produits manufacturés importés diminue de 26 % à 12 % du total des importations, tandis que le volume des matières premières industrielles, des biens intermédiaires et des machines augmente de 24 à 40 %.

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