« L’assassinat délibéré des Palestiniens non armés dévoile le manque de volonté politique d’Israël pour mettre fin à la guerre à Gaza », a affirmé cette semaine le ministère égyptien des Affaires étrangères dans un communiqué publié à quelques jours d’une probable reprise des négociations visant à parvenir à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Cette déclaration intervient après l’annonce que plus de 100 Palestiniens avaient été tués et des dizaines d’autres blessés lors d’un raid israélien contre une école abritant des personnes déplacées à Gaza.
Ce message de colère adressé aux forces israéliennes vient confirmer la position de l’Egypte et des acteurs mondiaux, qui avaient appelé, quelques heures auparavant, à la nécessité et à l’urgence de revenir à la table des négociations pour tenter de parvenir immédiatement à un accord de cessez-le-feu, comme l’a confirmé l’Egypte à maintes reprises dans ses messages.
L’Egypte a dénoncé les attaques israéliennes continues contre les civils dans la bande de Gaza, considérant cela comme « un mépris sans précédent des dispositions du droit international et du droit international humanitaire », exigeant une position internationale unifiée et efficace qui assure la protection du peuple palestinien dans la bande de Gaza et met fin à la série d’attaques contre des civils sans défense.
Plus tôt, un communiqué conjoint publié par l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis a invité le Hamas et Israël à reprendre leurs discussions le 14 ou le 15 août à Doha ou au Caire « pour régler les différends et conclure sans retard un accord ». « Nous avons travaillé, chacun avec son équipe, pendant des mois pour parvenir à un accord-cadre qui est maintenant sur la table. Il ne manque que quelques détails relatifs à son application », a également assuré le communiqué, qui a obtenu un large soutien mondial, notamment de la part de l’Union européenne, de la France, de la Grande-Bretagne et des Emirats arabes unis, qui estiment également la nécessité urgente d’arriver à un cessez-le-feu immédiat.
Selon les observateurs, les dirigeants des trois pays espèrent qu’un arrêt des combats entre Israël et le Hamas calmera la situation au Moyen-Orient, alors que la tension entre l’Iran et Israël s’accroît également.
La position de l’Egypte
« L’Egypte mène depuis le début de cette guerre, qui a dépassé les 300 jours, une dynamique très active en travaillant sur plusieurs volets en parallèle, notamment politique, sécuritaire, de renseignement et humanitaire », explique le professeur de sciences politiques Tarek Fahmy, soulignant l’importance de ce communiqué et de son timing. Pour lui, le communiqué a été assez « direct et ferme ». Il arrive à un moment crucial en termes d’éclatement des tensions dans la région. Fahmy explique que « la déclaration tripartite a mis l’accent sur les points-clés, notamment la nécessité de lancer des consultations et des négociations pour atteindre l’objectif d’entamer des négociations sur Gaza et arrêter la confrontation régionale de l’autre côté ». Il précise que la déclaration conjointe, comme la plupart des derniers communiqués publiés par l’Egypte, confirme la position égyptienne, voire des parties médiatrices à l’heure actuelle, ainsi que la volonté de ces acteurs d’achever les négociations et de revenir au processus de négociation.
Le professeur de sciences politiques souligne également que « le retour aux négociations évite le scénario alternatif de la confrontation et de la destruction du Moyen-Orient et l’entrée dans de nouvelles tensions entre l’Iran, le Hezbollah et Israël. Un scénario que l’Egypte tente d’éviter par d’énormes efforts de médiation », mais dont le résultat dépend de la volonté des parties prenantes de parvenir à un accord.
Rejet des allégations israéliennes
Sur un autre volet, l’Egypte a fermement démenti les allégations israéliennes selon lesquelles il existerait des tunnels opérationnels à la frontière avec Gaza, soulignant qu’« Israël a recours à ces allégations en raison de son échec à réaliser le moindre résultat dans la bande de Gaza ». Une source égyptienne de haut rang a déclaré qu’« Israël n’a pas fourni de preuve de l’existence de tunnels en activité aux frontières de la bande de Gaza et exploite les tunnels fermés à Gaza pour diffuser de fausses déclarations afin d’atteindre des objectifs politiques. L’échec d’Israël à réaliser des progrès à Gaza l’incite à diffuser des allégations sur l’existence de tunnels pour justifier son agression continue ».
Au cours des derniers mois de la guerre dans la bande de Gaza, l’axe de Philadelphie (voir encadré), situé sur la frontière, a été une source de tension et de désaccord entre l’Egypte et Israël. Les médias israéliens ont évoqué le 11 août « la possibilité de parvenir à une entente concernant l’axe de Philadelphie et le passage de Rafah d’ici jeudi prochain », sans plus de détails. Une assertion qui, selon les observateurs, laisse prévoir une nouvelle opération de marchandage du côté israélien.
Le général Nasser Salem, expert militaire et conseiller auprès de l’Académie militaire Nasser, a déclaré que l’occupant israélien avait l’habitude de rejeter ses erreurs sur les autres, réfutant ses affirmations selon lesquelles il aurait découvert un immense tunnel entre l’Egypte et Gaza. Salem explique : « Le mot tunnel implique la présence de deux ouvertures d’entrée et de sortie, ce qui est bien loin de la réalité. L’Egypte a, en 2018, détruit publiquement tous les tunnels de son côté, dans le principal objectif de protéger sa sécurité nationale. Cela dément totalement les mensonges israéliens ».
L’expert en sécurité explique également que les allégations de l’Etat d’occupation cachent des objectifs politiques. « A travers ses allégations, Benyamin Netanyahu veut justifier sa politique d’agression dans la bande de Gaza et s’assurer une présence prolongée des forces israéliennes dans l’axe de Philadelphie, ce qui contourne les promesses qu’il avait faites au président américain Joe Biden de parvenir à un accord de cessez-le-feu », explique le général, soulignant que « Netanyahu tente de prolonger sa guerre dans la bande de Gaza le plus longtemps possible pour se protéger lui-même de la colère des familles des otages et éviter d’être jugé par la justice internationale ».
Histoire de la zone tampon
L’axe Salah al-Din, connu également sous le nom d’« axe de Philadelphie », s’étend dans la bande de Gaza depuis la mer Méditerranée au nord jusqu’au point de passage de Karm Abou-Salem au sud, le long de la frontière égyptienne, sur une longueur d’environ 14,5 km.
Le traité de paix égypto-israélien, signé en 1979, considérait l’axe de Philadelphie comme une « zone tampon ». Il permettait à Israël et à l’Egypte de déployer des forces limitées en nombre et en équipements, spécifiées en termes d’armes et de véhicules, dans le but de réaliser des patrouilles du côté égyptien de l’axe pour prévenir la contrebande, l’infiltration et d’autres activités. Après l’Accord d’Oslo II en 1995, Israël a accepté de maintenir l’axe le long de la frontière comme zone de sécurité.
En septembre 2005, dans le cadre du retrait israélien de la bande de Gaza, l’Accord de Philadelphie a été signé entre Israël et l’Egypte, prévoyant le déploiement d’un nombre supplémentaire de forces égyptiennes à la frontière séparant la bande de Gaza. Ces forces sont estimées à environ 750 gardes-frontières égyptiens et leur mission est axée sur « la lutte contre le terrorisme, l’infiltration transfrontalière, la contrebande et la détection des tunnels ». L’accord autorise la présence d’une force militaire israélienne limitée, composée de quatre bataillons d’infanterie, de fortifications de campagne et d’observateurs des Nations-Unies. Cette force israélienne ne comprend ni chars, ni artillerie, ni missiles.
En 2007, le mouvement Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza et l’axe de Philadelphie (côté palestinien) est passé sous son contrôle. Israël a imposé un siège strict sur la bande de Gaza et, à la suite du déclenchement de la guerre du 7 octobre, il a encerclé l’enclave. Dans ce cadre, l’axe de Philadelphie est devenu l’une des zones stratégiques ciblées par Israël dans le but d’isoler la bande de Gaza.
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