Un continent en marche. C’est sous le thème « Le parcours de l’Afrique en 60 ans : de l’indépendance à l’intégration » que l’Egypte a célébré, dimanche, la Journée de l’Afrique. La date de cet événement coïncide, cette année, avec le 60e anniversaire du premier Sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) tenu au Caire du 17 au 21 juillet 1964. La cérémonie a été organisée par le ministère des Affaires étrangères en collaboration avec le secrétariat général de la Ligue arabe et le groupe des ambassadeurs africains au Caire, au siège de la Ligue arabe, dans la salle qui a accueilli le Sommet de 1964. En effet, l’Egypte a joué un rôle central dans la création de l’OUA. L’histoire de l’OUA a commencé avec la première conférence des Etats africains organisée par le premier ministre du Ghana, Kwame Nkrumah, le 15 avril 1958, à Accra. La conférence a réuni des représentants d’Egypte, d’Ethiopie, du Liberia, de Libye, du Maroc, du Soudan, de Tunisie et du Cameroun. Le 25 mai 1963, dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba, 32 Etats africains indépendants ont signé la charte constitutive de l’OUA qui a jeté les bases de la coopération et de l’unité africaines. « Nous avons tous lutté, par un moyen ou un autre, pour l’indépendance, et nous y sommes tous parvenus d’une manière ou d’une autre. Mais au moment de la victoire, nous avons découvert que la fin à laquelle nous étions parvenus n’était que le début du véritable défi de la liberté et de la vie », a dit le président Gamal Abdel-Nasser, lors de son discours inaugural au Sommet du Caire 1964. En effet, l’Egypte a joué un rôle important dans la création de l’OUA, devenue l’Union Africaine (UA) en 2002.
« Soucieuse de son identité africaine, l’Egypte s’engage à poursuivre ses efforts pour concrétiser les priorités africaines en s’appuyant sur son mandat actuel au sein du Conseil de paix et de sécurité, le leadership du président Abdel Fattah Al-Sissi dans le domaine de la reconstruction et du développement post-conflit en Afrique et sa présidence du comité directeur des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Agence de développement de l’UA (NEPAD) », peut-on lire dans le communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères, à l’occasion de cette journée.
Pour une Afrique pacifiée et intégrée
« L’Afrique, c’est l’avenir qui commence maintenant », une expression qui a une signification de plus en plus grande. La Journée de l’Afrique revêt une importance double : elle commémore la libération du continent, mais également souligne la responsabilité de l’Afrique de penser par elle-même à son développement, afin d’activer l’accord de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) et de devenir une entité économique intégrée. L’intégration économique régionale en Afrique est essentielle pour la croissance économique durable des pays du continent. C’est ce qu’explique Sally Farid, spécialiste de l’économie africaine, avant de souligner que « la célébration de la Journée de l’Afrique intervient dans des circonstances extrêmement difficiles. Le monde traverse une période d’instabilité qui a touché tous les pays, même ceux qui possèdent des économies fortes, et les pays africains ne font pas exception à la règle. Ces problèmes économiques ont commencé avec la pandémie de Covid-19, suivie par la guerre en Ukraine, puis l’agression israélienne dans la bande de Gaza ». Selon la spécialiste, la majorité des pays africains s’efforcent de faire face à ces problèmes, notamment les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et le durcissement des conditions de financement mondiales.
« Après l’indépendance, les puissances coloniales ont imposé aux pays africains un modèle qui place le fardeau de la production et de l’exportation des matières premières vers les pays industriels développés sur les pays africains, qu’il s’agisse de produits agricoles, de pétrole ou de minerais. En revanche, l’Afrique importe les biens manufacturés des pays développés. Ce modèle a empêché l’Afrique de tirer profit des accords de libre-échange internationaux », ajoute Sally Farid.
En effet, les tentatives d’intégration économique africaine ont débuté au niveau régional suite à l’accession à l’indépendance politique après 1960. L’UA reconnaît aujourd’hui un certain nombre de blocs économiques régionaux : COMESA, CEDEAO, SADC, IGAD. Au niveau continental, l’intégration a commencé à prendre un élan après le lancement du plan d’action de Lagos en 1980, une initiative de l’OUA visant à mettre en oeuvre un programme d’intégration économique régionale. Par la suite, le traité d’Abuja a été adopté en 1991, visant à créer une intégration économique à l’échelle du continent en six étapes successives sur une période de 34 ans. Enfin, l’accord de libre-échange continental africain (ZLECAf), dont les négociations ont débuté en 2015, est entré en phase opérationnelle en 2017. Celui-ci vise à changer les règles du jeu économique régional pour un niveau continental plus inclusif. Cependant, le commerce intra-africain est le plus bas de toutes les régions du monde, représentant seulement environ 12,65 % du commerce africain total, contre 68,49 % pour l’Union européenne, 58,51 % pour l’Asie et 30,41 % pour l’Amérique du Nord.
Avantages et enjeux
Le Dr Gehan Abdel-Salam, économiste, affirme dans son étude publiée par le Centre d’information dépendant du Conseil des ministres que « l’intégration régionale entre les pays du continent africain présente de nombreux avantages économiques, d’autant plus que l’Afrique est une vaste terre vierge avec une population de plus de 1,4 milliard d’habitants et un Produit Intérieur Brut (PIB) supérieur à 3,1 trillions de dollars américains en 2023. Elle possède également d’immenses ressources naturelles, notamment le pétrole, le gaz, les minerais et les terres fertiles ». Ainsi, 60 ans après l’indépendance, l’enjeu pour les pays africains est d’adopter une nouvelle approche de développement qui leur permet de tirer parti du potentiel du continent. Quelles sont donc les options pour le continent ? Pour plusieurs analystes, accélérer l’industrialisation est la solution-clé. « L’industrialisation est l’option fondamentale pour l’Afrique afin de réaliser le développement économique. Les avantages concurrentiels dont bénéficie le continent africain sont sa structure démographique et l’abondance des ressources naturelles. Ces avantages permettent au continent de se doter de capacités industrielles. Avec l’abondance de la main-d’oeuvre bon marché, cela signifie de grandes opportunités pour l’implantation d’industries à forte intensité de main-d’oeuvre et la transformation des matières premières locales, telles que les minerais et les matières premières agricoles, en biens manufacturés qui rapportent une bonne valeur ajoutée », explique Gehan Abdel-Salam. Enfin, les occasions offertes par la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) peuvent accélérer le processus d’intégration régionale. Créée en mars 2018, la ZLECAf augmentera, selon les estimations, le commerce intra-africain des biens de 53 % et le commerce extérieur de 15 %, ce qui entraînerait une augmentation de plus de 10 % du PIB réel par habitant en moyenne pour les pays africains.
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