La décision d’augmenter les intérêts bancaires de 6 % a dépassé toutes les prévisions des clients des banques. La Banque Centrale d’Egypte (BCE) a augmenté ses taux directeurs sur les dépôts et sur l’emprunt de 6 % pour atteindre respectivement 27,25 % et 28,25 %. Il s’agit d’une décision importante qui aide la livre égyptienne à retrouver sa valeur face aux autres devises tel que le billet vert. Le gouverneur de la BCE, Hassan Abdallah, a attribué cette hausse des intérêts bancaires à la nécessité de contrer l’inflation en premier lieu. « Notre objectif suprême est de lutter contre l’inflation qui est la pire maladie pour l’économie et de la placer sur la courbe descendante afin d’arriver à un taux à un seul chiffre à moyen terme », a déclaré le gouverneur de la BCE lors de sa première conférence de presse le 6 mars, à la veille de la signature du nouvel accord avec le Fonds Monétaire International (FMI). Il a ajouté que les citoyens avaient abandonné dans le passé l’investissement dans les dépôts en monnaie nationale pour acquérir des biens en raison de la valeur négative de la livre égyptienne (résultant de la différence entre le taux d’intérêt officiel et le taux d’inflation) et de la flambée continuelle des prix des marchandises. « Donc, nous avons mis en place des intérêts élevés sur la livre égyptienne afin de la rendre plus attractive à l’investissement », a assuré le gouverneur.
Au cours des deux dernières années, la BCE a augmenté ses taux directeurs sur les dépôts et les emprunts de 13 %, passant ainsi de 9,25 % et 10,25 % en mars 2022 à 21,25 % et 22,25 % en février 2024. Malgré cette grande hausse, le taux d’intérêt réel de la monnaie nationale est resté négatif en raison de l’accélération de l’inflation annuelle qui est passée de 10,5 % en mars 2022 à 34 % en décembre 2023.
Pour réaliser l’objectif gouvernemental de ralentir l’inflation et de baisser la demande sur les marchandises, les deux grandes banques publiques (la Banque nationale d’Egypte NBE et la Banque Misr) ont émis, le jour de l’augmentation des intérêts bancaires, de nouveaux certificats de dépôt avec des taux d’intérêt décroissants et variables compris entre 26 et 30 % selon la nature de rendement (voir tableau). De même, les deux banques ont augmenté leurs intérêts sur les certificats de dépôt d’une durée de trois ans (Platinum et Al-Qimma) à 21,5 % versés annuellement pour les nouvelles émissions à compter du 6 mars 2024, au lieu de 19 % versés mensuellement pour les anciennes émissions. « La demande sur les certificats de dépôt de 30 % et sur ceux de 21,5 % a connu une grande hausse au cours des deux premiers jours d’émission », a annoncé le président de la Banque Misr, Mohammed El-Etreby, le 8 mars, sans donner plus de détails sur le montant des investissements des clients dans les deux certificats.
Une hausse qui dépasse les prévisions
La hausse des intérêts bancaires sur les dépôts et l’emprunt dépasse de loin les prévisions des banques d’investissements étrangères et égyptiennes. La banque américaine Goldman Sachs avait prévu une hausse des intérêts bancaires de 2 à 3 % seulement. Même chose pour la maison de courtage Arab African International Securities. « 6 % est un chiffre qui dépasse nos estimations. Nous nous attendions à une hausse des taux d’intérêt comprise entre 3 et 5 % vu l’impact de cette hausse sur l’activité économique. Mais la BCE a jugé que cette hausse était nécessaire pour inciter les particuliers à déposer leur argent dans les banques afin de bénéficier des taux d’intérêt élevés, ce qui permettra de réduire la demande sur les marchandises. Avec la chute de la demande, l’inflation va ralentir, ce qui aura un impact indirect sur la monnaie nationale car les producteurs vont aussi réduire la pression sur le dollar pour l’importation des matières premières et des produits finaux », explique à l’Hebdo Mahmoud Gad, président du département des recherches au sein de la maison de courtage Arab African International Securities.
L’économiste Farouk Soussa indique dans une note envoyée à l’Hebdo que la hausse de 6 % de la BCE sera de courte durée. Il justifie son opinion par le fait que la trajectoire modérée de l’inflation permettra aux taux d’intérêt de se rétracter rapidement. « De même, le retour des investisseurs sur le marché local et le recul des emprunts gouvernementaux après le versement à l’Etat de presque la moitié des recettes du projet de Ras Al-Hekma permettront de réduire les taux d’intérêt à nouveau au cours de la prochaine période », affirme Soussa. Quelle que soit la durée pendant laquelle les intérêts resteront élevés, la hausse du coût de l’endettement va peser lourdement sur les milieux d’affaires.
Le responsable des cartes de crédit au sein d’une banque publique explique à l’Hebdo que la hausse des intérêts sur l’emprunt se limitera aux prêts et qu’il n’y aura pas d’augmentation des frais imposés sur les cartes de crédit. « Les intérêts sur les prêts s’élèveront à 30 %, contre 24 % avant la dernière hausse », explique-t-il. Mohamed Gad s’attend à un ralentissement de la croissance des crédits au cours de la prochaine période. « Les entreprises vont arrêter leurs plans d’expansion en raison de la hausse du coût de l’emprunt et ne vont recourir aux crédits qu’en cas d’extrême nécessité. Quant aux ménages, ils vont reporter les achats d’actifs comme les voitures et l’immobilier jusqu’à ce que les intérêts bancaires baissent », conclut Gad.
Moody’s relève la note de l’Egypte de négative à positive
L’agence de notation Moody’s a relevé la perspective de l’Egypte de négative à positive, confirmant la note Caa1, au lendemain de la dévaluation. L’agence a cité l’injection de 35 milliards de dollars d’investissement dans le projet de Ras Al-Hekma et les récentes mesures politiques prises par la Banque Centrale d’Egypte (BCE) qui ont aidé le pays à accéder à une rallonge de financement du Fonds Monétaire International (FMI). Moody’s estime que les devises provenant de l’accord de Ras Al-Hekma couvriront le déficit de financement extérieur du pays jusqu’à l’exercice 2025-2026 et renforceront le rééquilibrage macroéconomique. « Les décisions de la BCE de dévaluer la livre égyptienne et d’augmenter les taux d’intérêt de 600 points de base vont, selon Moody’s, réduire le risque d’une nouvelle accumulation des déséquilibres extérieurs et renforceront la résilience de l’économie aux chocs », a souligné Moody’s. L’agence de notation a cependant mis en garde contre un niveau d’endettement élevé. « La persistance de la faible abordabilité de la dette sape la confiance dans la capacité du gouvernement à assurer le service de la dette en monnaie locale, ce qui pourrait conduire à de nouvelles pénuries de devises ». Moody’s avait abaissé en janvier la perspective de crédit de l’Egypte de stable à négative.
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