Alors que Netanyahu insiste à tout prix à mener son opération dans la ville de Rafah, la tension est à son comble aussi à la frontière avec le Liban, où les bombardements se sont intensifiés ces derniers jours. Cette escalade est considérée comme la plus dangereuse depuis le début de la guerre à Gaza il y a plus de quatre mois. L’armée d’occupation israélienne a lancé, à la fin de la semaine dernière, une vaste vague de raids violents sur plusieurs zones du sud du Liban à un rythme et une simultanéité sans précédent. Cette escalade sans précédent a conduit à la mort de 7 civils et de 10 membres du Hezbollah en 24 heures, en plus de 3 combattants du mouvement Amal, ce qui a élevé le plafond des menaces du Hezbollah et d’Israël. Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a promis qu’Israël paierait le prix du sang des civils tués au cours des dernières heures, menaçant que son parti était capable de cibler Eilat, dans le sud de l’Etat hébreu, et que « le prix du sang civil sera le sang, et non les sites militaires, les appareils d’espionnage et les véhicules ».
En Israël, un sondage d’opinion réalisé par le journal hébreu Maariv a montré que la majorité des Israéliens (71 %) estiment qu’Israël devrait lancer une opération militaire à grande échelle contre le Liban à la frontière nord. Ce sondage fait suite aux déclarations du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, dans lesquelles il a exprimé la volonté d’Israël d’intensifier les opérations contre le Hezbollah. La question qui se pose alors est : Israël est-il capable d’ouvrir un autre front de guerre avec le Hezbollah ?
Deux fronts différents
Selon Dr Ayman Omar, un universitaire libanais, professeur à l’Université de Tripoli, le Hezbollah est beaucoup plus fort que le Hamas et constitue une menace sérieuse pour Israël. « Ce qui fait que la guerre sur le front nord sera plus difficile. Les menaces israéliennes d’étendre la guerre ne sont rien d’autre qu’une tentative de dissuasion du Hezbollah. La capacité d’Israël de faire la guerre est faible », explique Omar. Selon le spécialiste, Israël cherche à stopper la croissance de la puissance du Hezbollah en ciblant ses entrepôts et ses lignes d’approvisionnement. Il s’est également concentré sur l’assassinat des personnalités actives dans ce projet, notamment Sayyed Radhi Mousavi, l’un des hauts généraux des Gardiens de la révolution iraniens, assassiné à Damas le mois dernier, suivi de l’assassinat du responsable des renseignements de la Force Al-Qods, Haj Sadiq, et de son adjoint lors d’un raid israélien contre un immeuble résidentiel du quartier Mezzeh à Damas.
Mais il semble que cette stratégie n’ait pas encore empêché le Hezbollah de développer ses capacités, comme l’explique Omar, qui estime que dès les débuts des opérations militaires, le front nord du Sud-Liban s’est présenté en tant que « front de soutien ». Selon le spécialiste, « les deux fronts de Gaza et du Sud-Liban diffèrent à plusieurs égards. La première est que le front libanais est saisi à l’intérieur de certaines limites géographiques définies par les plafonds internationaux. En d’autres termes, il y a des lignes rouges internationales mises en place et qui sont limitées jusqu’à maintenant au Sud-Liban. Le front de Gaza est un front ouvert, où une invasion terrestre a eu lieu, tandis que le sud du Liban a été bombardé à distance. L’objectif déclaré d’Israël à Gaza est de liquider le Hamas et de reconfigurer une nouvelle autorité principalement fidèle à l’entité israélienne. Bien que les deux fronts semblent séparés l’un de l’autre, cela n’empêche pas le front libanais de devenir lui-même un front séparé », explique Ayman Omar.
Ainsi, l’échec des efforts diplomatiques soulève la possibilité de lancer une opération militaire à l’intérieur du Liban pour réduire le niveau de menace posée par le Hezbollah, tout en risquant que la situation ne se détériore et dégénère en une guerre plus large. « La crise interne que traversent Netanyahu, son gouvernement et les dirigeants de l’armée d’occupation pourrait les pousser à prendre des mesures imprudentes qui, selon eux, pourraient compenser leur échec à Gaza », explique Omar, avant d’ajouter : « L’attaque militaire terrestre contre Rafah entraînerait des massacres et de lourdes pertes parmi les rangs des déplacés ; en d’autres termes, l’armée israélienne lancerait une guerre contre le Liban pour dissimuler les répercussions de l’opération terrestre à Rafah et attirer l’attention sur la situation. Netanyahu veut rester au pouvoir. Il a besoin de cette escalade et l’armée israélienne veut obtenir quelque chose à offrir à la société israélienne. Par conséquent, Israël est déterminé à étendre la guerre avec le Hezbollah libanais parce qu’il a des objectifs immédiats et stratégiques qui servent ses intérêts ». Dans un document de recherche intitulé « Le lendemain de la guerre », l’Institut israélien d’études sur la sécurité nationale estime que cette confrontation imposerait de nouveaux défis, plus difficiles que ceux qu’elle a connus dans sa guerre en cours contre Gaza, ou lors des confrontations précédentes avec le Hezbollah.
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