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Un procès symbolique, mais significatif

Amira Samir , Mercredi, 10 janvier 2024

La Cour internationale de justice tient cette semaine ses premières audiences sur la plainte déposée par l’Afrique du Sud accusant Israël de génocide dans la bande de Gaza. Un procès historique aux conséquences toutefois incertaines.

Un procès symbolique, mais significatif

Israël s’apprête à comparaître devant la Cour Internationale de Justice (CIJ) ces jeudi 11 et vendredi 12 janvier. Au cours de ces deux jours, la CIJ devrait tenir des audiences publiques dans son siège au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas), dans l’instance introduite par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide contre les Palestiniens dans la bande de Gaza. Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud a déposé une plainte auprès du plus haut tribunal des Nations-Unies, alléguant que la campagne militaire israélienne à Gaza équivaut à un génocide. Dans sa requête, l’Afrique du Sud affirme que « les actes et omissions d’Israël revêtent un caractère génocidaire, car ils s’accompagnent de l’intention spécifique requise de détruire les Palestiniens de Gaza en tant que partie du groupe national, racial et ethnique plus large des Palestiniens » et que « par son comportement, Israël manque aux obligations qui lui incombent au titre de la convention contre le génocide ».

La CIJ est l’organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). Instituée en juin 1945 par la Charte des Nations-Unies, la CIJ est composée de 15 juges, élus pour un mandat de neuf ans par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. La CIJ a une double mission : régler, conformément au droit international, les différends juridiques dont elle est saisie par les Etats et donner des avis consultatifs sur les questions juridiques qui lui sont soumises par les organes de l’ONU et ses agences spécialisées.

Mais que peut-elle faire dans ce cas précis ? La requête sud-africaine constitue un document de 84 pages soigneusement rédigé par des experts internationaux dans le domaine du génocide. Le document renferme un grand nombre de preuves d’actes délibérés de génocide répartis en sept catégories principales. Parmi celles-ci, l’ampleur des massacres, (plus de 23 000 morts jusqu’à présent dont 70 % de femmes et d’enfants), le traitement cruel et inhumain de grands nombres de civils, le refus d’accès à la nourriture et à l’eau, ainsi que l’attaque au système de santé, laissant seulement 13 hôpitaux sur 36 fonctionner partiellement.

Le procès intenté par l’Afrique du Sud se base notamment sur des déclarations de responsables israéliens. Parmi lesquels le ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu, qui a écrit sur son compte Facebook : « Le nord de la bande de Gaza est plus beau que jamais. Tout est détruit et rasé, c’est juste un bonheur pour les yeux. Nous devrions parler du lendemain ». Ou encore le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, qui a dit sur la plateforme X : « L’ensemble de la population civile de Gaza a reçu l’ordre de partir immédiatement. Nous gagnerons. Pas une goutte d’eau, pas même une seule batterie ne leur parviendra. Quittez le monde ».

Des preuves flagrantes, mais …

Pour Mohamed Mahran, professeur de droit international et expert en conflits internationaux, « les attaques délibérées de l’occupation contre des installations civiles et des infrastructures vitales, telles que les écoles et les hôpitaux, constituent des violations flagrantes des lois et des coutumes de la guerre et nécessitent que leurs auteurs soient poursuivis et punis devant la justice internationale ».

Mais tout cela est-il suffisant pour condamner Israël ? Mahran a évoqué la possibilité d’une condamnation d’Israël par la CIJ sur la base d’un certain nombre de textes juridiques internationaux, dont l’article 9 de la Convention de 1948 pour la prévention du crime de génocide, qui stipule que la Cour est compétente dans de tels cas, le génocide étant défini par la Convention de 1948 comme des actes tels que des meurtres « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

« Cette affaire représentera un véritable test de la crédibilité de la justice internationale dans la responsabilisation des pays qui violent les règles du droit international. Tout échec à cet égard affaiblira la confiance du public dans le rôle de la Cour », souligne Mahran, en appelant à activer l’article 8 de l’accord, qui stipule que toutes les parties contractantes peuvent demander aux organes compétents des Nations-Unies de prendre, conformément à la Charte de l’Onu, les mesures qu’elles jugent appropriées pour prévenir et réprimer les actes de génocide.

Comme prévu, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, s’est empressé de balayer les accusations sud-africaines, affirmant cyniquement que la guerre contre Gaza était « d’une moralité sans équivalent ». Selon le journal Haaretz, le professeur britannique Malcolm Shaw, expert en litiges territoriaux, présentera la défense d’Israël. Il plaidera évidemment non coupable.

Selon les experts, l’affaire risque de durer des années. La Cour a déjà statué sur Israël une fois, en 2004, lorsqu’elle a jugé que la barrière construite par Israël dans et autour de la Cisjordanie occupée était illégale et contraire au droit international, en vain. Car la CIJ ne dispose d’aucun pouvoir coercitif.

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