Des retrouvailles, et de fortes émotions ...
Scènes de liesse, youyous, feux d’artifice, klaxons … La libération des premiers prisonniers palestiniens en vertu de l’accord d’échange de détenus entre Israël et le Hamas a été célébrée dans la joie en Cisjordanie, malgré la tragédie que vit toujours la bande de Gaza. Selon l’accord, 150 Palestiniens devraient être libérés. Le ministère israélien de la justice a publié une liste de 300 noms de personnes susceptibles d’être libérées. Y figurent les noms de 33 femmes et adolescentes, et 267 jeunes hommes condamnés ou en attente d’un jugement. 124 des 300 personnes inscrites dans ce document ont moins de 18 ans et 5 d’entre elles n’ont que 14 ans. La plupart sont originaires de la Cisjordanie, un tiers de Jérusalem-Est et une dizaine seulement de Gaza. Leurs chefs d’inculpation vont d’une simple « participation à un rassemblement interdit » ou d’un « jet de pierres sur des policiers » au « soutien au terrorisme », à la « tentative de meurtre » ou à l’« atteinte à la sécurité de l’Etat ».
Comme toujours, les personnes libérées sont célébrées en héros. Car pour les Palestiniens, ou dans presque chaque famille, un membre a connu l’incarcération, la question des prisonniers est centrale. Selon les estimations palestiniennes, environ 70 % des familles palestiniennes ont eu un ou plusieurs membres de la famille incarcérés dans les prisons israéliennes. Ces prisonniers seraient, d’après les ONG, entre 7 000 et 10 000. Sans compter ceux qui ont été arrêtés depuis le début de la guerre à Gaza, le 7 octobre, quelque 3 000 d’après la Société des prisonniers palestiniens.
Des années sans jugement
La majorité des prisonniers sont en détention administrative. En Israël, la détention administrative est d’une durée de 6 mois renouvelables de manière indéfinie, sans inculpation ni procès. Le dernier décompte de l’ONG israélienne HaMoked recense 2 313 prisonniers condamnés, 2 321 prévenus et 2 070 détenus administratifs, placés en détention sans procès. Des chiffres qui reflètent la condition carcérale des Palestiniens en Israël. Dans un rapport publié le 8 novembre, Amnesty International affirme : « Les autorités israéliennes ont considérablement accru leur recours à la détention administrative, une forme de détention arbitraire, contre des Palestiniens et Palestiniennes en Cisjordanie occupée, ont renouvelé les mesures d’urgence favorisant les traitements inhumains et dégradants de détenus et n’ont mené aucune enquête sur les cas de torture et les morts en détention au cours des 4 dernières semaines ». « La détention administrative est l’un des outils-clés employés par Israël pour appliquer son système d’apartheid contre la population palestinienne », estime Amnesty International.
En plus des prisonniers « sécuritaires », 4 000 travailleurs gazaouis sont actuellement détenus par Israël, affirme l’Onu. Ces travailleurs font partie des 18 500 résidents palestiniens, originaires de Gaza, qui détenaient des permis de travail délivrés par les autorités israéliennes et travaillaient en territoire israélien. Or, ils se sont vu révoquer ces autorisations en question à la suite de l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier. Cette révocation a fait de ces travailleurs gazaouis des « étrangers illégaux » sur le territoire israélien. Dès lors, 4 000 d’entre eux ont depuis été arrêtés par l’armée israélienne et placés dans des centres de détention en Israël et en Cisjordanie occupée.
« Les pratiques carcérales illégales d’Israël équivalent à des crimes internationaux qui justifient une enquête urgente du procureur de la Cour pénale internationale », a déclaré en juillet dernier Francesca Albanese, rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, alors qu’elle présentait devant le Conseil des droits de l’homme son premier rapport, axé sur la privation arbitraire de liberté dans les territoires palestiniens occupés. Selon elle, l’application de la privation de liberté des Palestiniens dans les territoires occupés repose entre les mains de « l’armée israélienne qui écrit, applique et révise ces lois martiales qui ne s’appliquent qu’aux Palestiniens » ; le droit interne israélien s’applique aux colons juifs israéliens qui y résident illégalement, a-t-elle ajouté. « Ce double système juridique est le pilier du régime d’apartheid d’Israël », a-t-elle déclaré.
Bref, la question des prisonniers reste un enjeu brûlant non seulement dans cette guerre, mais aussi dans l’ensemble des relations israélo-palestiniennes. Dans les territoires occupés, l’expérience carcérale est l’une des plus partagées : selon l’ONG palestinienne Addameer, entre 800 000 et un million de Palestiniens sont passés dans les prisons israéliennes depuis la guerre israélo-arabe de juin 1967 et le début de l’occupation des territoires palestiniens. Soit environ 20 % de la population totale et 40 % de la population masculine.
Lien court: