« Un nouveau choc pour l’économie mondiale ». Bloomberg tire la sonnette d’alarme dans une étude publiée la semaine dernière sur les répercussions attendues de la guerre à Gaza sur l’économie mondiale. Puisque selon l’agence, la poursuite des opérations militaires pourrait coûter 1 000 milliards de dollars à l’économie mondiale. « Le conflit au Moyen-Orient pourrait avoir des répercussions à l’échelle mondiale, car la région est considérée comme un fournisseur vital d’énergie et un important corridor de transport maritime. L’exemple le plus évident était la guerre israélo-arabe de 1973, qui a conduit à un embargo pétrolier et provoqué des années de stagflation dans les économies industrialisées », note le rapport publié par Bloomberg, la célèbre plateforme fournissant des actualités et des données financières en temps réel. Et d’ajouter : « Le conflit risque aussi d’impliquer d’autres pays du Moyen-Orient (Liban, Syrie, Iran) et pourrait potentiellement alimenter une nouvelle poussée de pressions inflationnistes et même faire basculer l’économie mondiale dans une récession ».
Selon Bloomberg, l’impact probable sur la croissance mondiale et l’inflation dépendent de la manière dont la guerre évoluera dans les semaines ou les mois à venir. Trois scénarios sont donc prévus : un conflit confiné à Gaza et à Israël, une extension de la guerre aux pays voisins, une confrontation directe entre les deux ennemis régionaux : Israéliens et Iraniens. « Plus le conflit s’étend, plus son impact devient mondial plutôt que régional ».
De la hausse du prix du pétrole à une récession mondiale
En 2014, l’enlèvement et le meurtre de trois Israéliens par le Hamas ont été le déclencheur d’une invasion terrestre de Gaza qui a fait plus de 2 000 morts. Les combats ne se sont pas étendus au-delà du territoire palestinien et leur impact sur les prix du pétrole, et sur l’économie mondiale, a été atténué.
Dans le premier scénario, la guerre reste largement confinée dans Gaza et Israël. L’une des trajectoires possibles serait essentiellement combinée à une application plus stricte des sanctions américaines sur le pétrole de l’Iran qui a augmenté sa production de pétrole de 700 000 barils/jour cette année. Bloomberg estime que les prix du pétrole augmenteraient de 3 à 4 dollars. L’impact sur l’économie mondiale dans ce scénario serait minime, surtout si l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis compensaient la perte de barils iraniens en utilisant leur capacité inutilisée.
Et si le conflit n’est pas maîtrisé ? Si le conflit s’étendait aux pays voisins, le Liban et la Syrie, où l’Iran soutient également des groupes armés, il se transformerait effectivement en une guerre par procuration entre l’Iran et Israël — et le coût économique augmenterait. Une escalade dans ce sens augmenterait la probabilité d’un conflit direct entre Israël et l’Iran, ce qui ferait probablement monter les prix du pétrole.
Lors de la courte mais sanglante guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006, le prix du brut a bondi de 5 dollars le baril. Ce deuxième scénario pourrait faire grimper le prix du baril de pétrole de 10 % pour atteindre environ 94 dollars et entraîner une perte de 0,3 point de pourcentage de la croissance mondiale l’année prochaine, soit une perte de 300 milliards de dollars de production économique.
Le troisième scénario implique une escalade menant à une guerre directe entre les deux principaux ennemis régionaux, l’Iran et Israël. Ce scénario est peu probable, mais dangereux. Cela pourrait être le déclencheur d’une récession mondiale. La flambée des prix du pétrole et la chute des actifs à risque porteraient un coup dur à la croissance et feraient grimper l’inflation d’un cran. Selon Bloomberg, dans une confrontation Israël-Iran, Téhéran chercherait probablement à activer l’ensemble de son réseau de mandataires et de partenaires en Syrie, en Iraq, au Yémen et à Bahreïn. Ce réseau disposerait d’une longue liste de cibles occidentales dures et souples dans la région.
Dans ce scénario, les tensions accrues entre les grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie) s’ajouteraient à la situation volatile. Les Occidentaux se disent préoccupés par le fait que la Chine et la Russie exploitent le conflit pour détourner l’attention et les ressources militaires d’autres parties du monde. Avec environ un cinquième de l’approvisionnement mondial en pétrole provenant de la région du Golfe, les prix monteraient en flèche. Une répétition de la frappe contre les installations d’Aramco par des militants pro-iraniens en 2019, qui a mis hors ligne près de la moitié de l’approvisionnement en pétrole saoudien, n’est pas exclue. Mais si Israël et l’Iran se tirent des missiles, les prix du pétrole pourraient augmenter conformément à ce qui s’est produit après l’invasion du Koweït par l’Iraq en 1990. Avec un point de départ beaucoup plus élevé aujourd’hui. Et les prix du pétrole pourraient grimper jusqu’à 150 dollars. Les capacités de production inutilisées de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis pourraient ne pas sauver la situation si l’Iran décidait de fermer le détroit d’Ormuz, par lequel passe un cinquième des approvisionnements quotidiens en pétrole de la planète. Bloomberg prévoit également en ce cas une baisse de 1 point de pourcentage de la croissance mondiale, pour atteindre 1,7 % en 2024. Un choc pétrolier d’une telle ampleur ferait également dérailler les efforts mondiaux visant à maîtriser les prix et réduire l’inflation mondiale à 6,7 % en 2024.
Bloomberg conclut : « La région fait face à une nouvelle conflagration, alors que le conflit en Ukraine, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine et les tensions croissantes à propos de Taïwan montrent que la géopolitique est de nouveau un moteur des résultats économiques et commerciaux. Au Moyen-Orient, cela n’a jamais vraiment disparu ».
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