La victoire du 6 Octobre 1973 n’était pas seulement un triomphe sur le plan militaire et diplomatique, mais aussi un tournant décisif pour l’Egypte au niveau du tourisme. C’était, en fait, le premier pas pour mettre l’Egypte sur la carte touristique mondiale. Selon Magdi Sélim, ancien vice-ministre du Tourisme, la guerre du 6 Octobre était la clé de la paix historique entre l’Egypte et Israël, permettant ainsi au pays des pharaons de se concentrer sur le développement dans tous les domaines, y compris le développement touristique. Après les accords de Camp David en 1978 et le traité de paix israélo-égyptien de 1979, l’Egypte a récupéré le Sinaï et la situation géopolitique de la région a commencé à changer, permettant le développement des sites balnéaires du Sinaï. Sélim souligne que le taux de croissance du trafic touristique et du développement touristique en Egypte a commencé à augmenter après la paix avec Israël. Avant la guerre d’Octobre 1973 et jusqu’à la signature du traité de paix en 1979, le nombre de touristes arrivant en Egypte n’était que de quelques centaines ou quelques milliers. Et d’ajouter qu’avec la paix et la stabilité dans la région, les chiffres ont régulièrement et rapidement augmenté, et un processus de développement global a eu lieu dans plusieurs régions, soit à Charm Al-Cheikh, à Dahab, à Noweibaa ou à Taba, et aussi dans la région de la mer Rouge, à Hurghada, Marsa Alam et Sahl Hachich, et jusqu’à Bérénis.
« Ces chiffres ont augmenté à un million et demi de touristes en 1983 et ont bondi au fil des années pour atteindre leur apogée en 2010 avec près de 15 millions d’arrivées touristiques », se félicite Sélim. Il ajoute qu’au fil des années, le gouvernement égyptien a reconnu le potentiel touristique des destinations balnéaires du Sinaï et a massivement investi dans le développement de ses infrastructures.
L’hôtel Hilton Taba juste après la récupération de Taba.
Des hôtels de luxe, des complexes touristiques, un bon réseau routier, des aéroports modernes, ainsi que d’autres infrastructures ont été établis pour attirer les touristes internationaux vers cette région dotée des plus belles plages au monde avec ses eaux cristallines, ses récifs coralliens incomparables, ses montagnes et son désert, ainsi que d’autres sites historiques et naturels. C’est dans les années 1990 que l’Egypte a commencé à promouvoir ses destinations touristiques, notamment celles balnéaires, auprès des marchés occidentaux, soit par des campagnes publicitaires, par la participation dans les foires touristiques, ou à travers les bureaux de promotion du tourisme égyptien ouverts à cette époque. « Ces efforts de développement et de promotion ont été fructueux. Ainsi, le tourisme est devenu une source majeure de revenus et a contribué de manière significative à l’économie égyptienne. Des milliers d’emplois ont été créés grâce à cette industrie », commente Sélim.
Le développement des infrastructures
Pour sa part, le général Mohamed Réda, président d’une agence de voyage, assure que sans la guerre du 6 Octobre, il n’y aurait pas eu de tourisme balnéaire en Egypte pour de nombreuses raisons, y compris que le gouvernorat de la mer Rouge était un gouvernorat frontalier et le fait de se rendre à Hurghada ou à Charm Al-Cheikh n’était pas du tout facile, cela exigeait la permission des gardes-frontières. En outre, les infrastructures étaient complètement absentes.
En fait, les villes du Sinaï étaient des régions désertiques où habitaient des bédouins et des pêcheurs. « Il n’y avait ni bonnes routes, ni aéroports, les réseaux d’électricité étaient modestes et il n’y avait pas d’eau potable. En outre, il n’y avait que quelques hôtels que les Israéliens avaient construits entre 1968 et 1973 », raconte Réda. Juste après la victoire du 6 Octobre, le Sinaï a été libéré et les rives est et ouest du golfe de Suez ont été ouvertes. Les forces armées ont dégagé les mines restantes de la guerre sur la côte. Elles ont permis à l’aviation civile d’utiliser une partie de l’aéroport de guerre d’Hurghada, et l’aéroport de Charm Al-Cheikh a été créé en coopération avec les autorités de l’aviation civile. Même les communications téléphoniques, ce sont les forces armées qui ont coopéré avec le ministère des Télécommunications pour fournir les câbles téléphoniques.
Le développement touristique a vu son essor à Charm Al-Cheikh vers la fin des années 1990.
« A cette époque, il n’y avait pas d’hôtels à Hurghada, à l’exception d’un seul, Sheraton Hurghada, qui comptait 110 chambres et 10 chalets. Il ne fonctionnait pas, puisqu’après la guerre de 1967, la zone était devenue militaire et interdite. Personne ne se rendait à la mer Rouge pour faire du tourisme », se souvient Réda. Il ajoute que c’était le même cas pour le Sud-Sinaï qui n’abritait que 3 hôtels à Charm Al-Cheikh : Marina Charm, Cliff Top et Aqua Marina et un à Taba : Hilton Taba, construits par les Israéliens au moment de l’occupation. En fait, ce sont les Israéliens qui ont commencé à s’intéresser aux beautés balnéaires de la ville de Charm Al-Cheikh qu’ils ont nommée Ofeira.
A cette époque, l’Etat avait pris conscience de l’importance du tourisme dans ces zones autant riches que vierges. Raison pour laquelle il a creusé le tunnel du martyr Ahmad Hamdi, reliant les deux rives du Canal de Suez pour faciliter l’accès aux régions du Sud-Sinaï. Avant le creusement du tunnel, les gens avaient recours à des ferrys (traversiers) où ils restaient pendant des heures pour traverser entre les deux rives.
Ces infrastructures installées dans les sites balnéaires de la mer Rouge se sont rapidement développées et ont gagné une bonne réputation dans le monde, surtout après la tenue de la Conférence internationale de la paix à Charm Al-Cheikh en 1996 qui avait rassemblé les dirigeants du monde pour l’établissement de la paix au Moyen-Orient, d’où la nomination de Charm Al-Cheikh ville de la paix.
« Mais on ne doit pas oublier aussi qu’il y avait de graves difficultés pour les investisseurs à l’époque, et ce sont eux, en coopération avec l’Etat, qui ont porté le fardeau de l’investissement et du développement dans ces régions encore vierges souffrant de la rareté de l’eau et de l’électricité », assure Réda, qui rend hommage aux hommes qui ont joué un grand rôle dans le développement de la mer Rouge, tels que le général Youssef Afifi, premier gouverneur de la région après la guerre, et les premiers investisseurs comme Hicham Ali, Atef Al-Wassif, Saïd Sakhut et d’autres qui ont rencontré de graves difficultés. « Sans la guerre du 6 Octobre, la victoire de l’Egypte et la libération du Sinaï, il n’y aurait pas eu d’essor touristique en Egypte. Celle-ci a indirectement façonné l’évolution du tourisme au Sinaï. Après une période d’instabilité et de conflit, les accords de paix ont permis le développement de cette région en tant que destination touristique de premier plan », conclut Réda.
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