Al-Ahram Hebdo : C’est la 3e fois que l’Egypte participe au Sommet du G20. Comment voyez-vous l’importance de la participation égyptienne cette année ?
Dr Ashraf Singer : La relation égypto-indienne est stratégique. Ce qui a incité l’Inde à inviter le président Sissi à participer au Sommet du G20. Une invitation qui confirme l’importance du rôle égyptien qui se renforce notamment après que l’Union Africaine (UA) est devenue le 21e membre du groupe du G20 pour représenter la voix du Sud. Par ailleurs, les relations égypto-indiennes progressent au rythme souhaité, car l’Inde est le modèle le plus proche de l’Egypte. Les deux pays sont d’accord sur la nécessité d’adopter un certain équilibre et une neutralité face au nouvel ordre mondial qui commence à prendre forme. De même, l’Inde a annoncé que l’objectif du sommet est de faire entendre la voix des pays du Sud, une démarche qui est tout à fait en accord avec la vision égyptienne. En outre, le Sommet du G20 est une réunion annuelle qui aborde des questions importantes pour l’Egypte et le monde entier. Ce rassemblement a pour objectif de discuter les problèmes auxquels est confrontée l’économie mondiale, les défis climatiques, la dette et les questions du développement durable.
— Comment voyez-vous l’importance du timing du Sommet de G20 qui intervient dans le contexte de crises multiples ?
— Le système international est en pleine reconfiguration à cause de la guerre russo-ukrainienne et l’escalade des tensions américanochinoises. L’économie mondiale paie actuellement la facture de ces conflits, alors que les politiques internationales s’éloignent peu à peu de l’action collective. La réunion de cette année a montré des divisions larges et claires entre les intérêts des blocs qui forment ce groupe. Ce qui a été révélé notamment par l’absence de la Chine et de la Russie, deux poids lourds au sein du G20. La Chine est le numéro 2 après les Etats-Unis en termes de Produit National Brut (PNB) avec environ 18 000 milliards de dollars. Quant à la Russie, le président Poutine aurait pu y assister, car l’Inde n’est pas signataire de la Convention de Rome de la Cour pénale internationale, mais il était absent par crainte de critiques envers la guerre russoukrainienne.
— Que gagne l’Afrique avec l’adhésion de l’UA au G20 ?
— C’est une démarche très importante pour donner l’occasion de mettre les priorités et les enjeux du développement en Afrique à l’ordre du jour mondial. L’Afrique bénéficiera de sa présence au sein de ce groupe en traitant avec les pays riches, car ils contrôlent le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, les subventions et les prêts, ainsi que les institutions économiques mondiales. Cette adhésion met l’accent sur l’importance de faire entendre la voix et les demandes des pays du Sud à l’heure actuelle. Au sein de ce groupe, l’UA, formée de 55 pays, est désormais le représentant des pays du Sud qui souffrent tous des enjeux du développement, des prêts, des dettes et d’une faible croissance du produit national en raison des conflits.
— Expliquez-nous le concept de pays du Sud et de pays du Nord ...
— Les pays du Nord et les pays du Sud sont deux désignations utilisées pour différencier les pays développés des pays en développement. Ces termes ont commencé à être employés au début des années 1970. Ils ont un sens opposé, mais ils montrent la contradiction et la différence entre les pays du Nord et les pays du Sud, du fait que le monde parle depuis longtemps du Sud pauvre et du Nord riche. Ces concepts ne sont pas nouveaux dans les divisions de l’économie mondiale ou de la politique internationale. Le bloc nordique existe au sein de l’Union européenne et est connu sous le nom de bloc des pays du Nord industrialisés, dont l’appartenance est mesurée soit par le volume du PNB, soit par le pourcentage par habitant du PNB. Parmi ces 20 pays, commençons par les Etats- Unis avec le PNB le plus élevé, soit 63 000 dollars par an par citoyen, pour finir avec l’Inde, avec 7 000 ou 6 000 dollars par an par citoyen.
— Comment trouvezvous l’importance du repositionnement des pays du Sud sur la scène internationale ?
— Bien entendu, l’entrée de l’UA dans le G20 en tant que membre à part entière donnera une plus grande représentation aux pays en développement. Il est très important que les pays du Sud aient une seule voix face aux défis climatiques ou aux dégâts causés par les grands pays industrialisés, y compris les pays du G20, d’autant plus que leurs paiements pour résoudre les problèmes internationaux ou mondiaux sont faibles, incomplets et non unifiés, mais les dégâts affectent grandement les pays du Sud. La présence des pays du Sud dans l’élaboration des politiques au niveau mondial est devenue absolument indispensable.
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