Le sommet des BRICS, qui se tiendra du 22 et 24 à Johannesburg, changera-t-il la structure financière et économique du monde ? Serat- il un tournant pour le bloc, vu l’expansion économique et géopolitique qu’il présage ? Sommes-nous face à un courant qui tente de contrer la domination occidentale sur l’économie mondiale, un ordre multipolaire de commerce ? Le slogan du prochain sommet selon le site du bloc est de « soutenir le développement des pays africains et ceux de l’hémisphère sud (appelés sud global), et la coopération Sud-Sud au lendemain de la guerre russo-ukrainienne ». En effet, le contexte économique des BRICS, 14 ans après la création de ce groupe, n’est pas à négliger (voir encadré historique). Selon Sky News Arabia, le bloc a connu une ascension et a battu des records, s’accaparant ainsi le tiers de l’activité économique globale avec une contribution au PNB mondial de 31,5 % contre 30°% au Groupe des sept pays les plus industrialisés (G7). Les récents chiffres de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2022 indiquent que le volume du commerce des BRICS par rapport au commerce mondial est de 19°%. Leurs importations ont dépassé les 4 trillions de dollars et leurs exportations 5,6 trillions. Au même moment, les exportations du G7 ont enregistré 6,9 trillions de dollars et leurs importations 8,8 trillions. D’après la lecture analytique de l’experte en économie régionale Qamar Mohamed, un surplus de la balance commerciale des BRICS, alors que celle du G7 est déficitaire, veut dire que le monde a besoin de ce bloc et que son expansion est certes bénéfique à l’économie mondiale et aux pays membres.
Interdépendance et diversité font la force
Ce qui marque le sommet de cette année est que 22 pays sont candidats au bloc, dont l’Egypte, l’Arabie saoudite et le Nigeria. Les principaux critères d’adhésion sont d’ordre économique. Pour Mohamed Shadi, macro-analyste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, seront pris en compte le taux de croissance des pays et l’indice du développement humain, ainsi que les facteurs démographiques et ceux de richesse économique. « Si le scénario de l’intégration économique aboutit au moyen terme, nous serons au seuil de ce qu’on appelle globalisation II. Il s’agira de blocs diversifiés sur les deux rives de l’océan Atlantique. L’impact sera considérable sur l’économie mondiale », analyse Shadi. Il reprend que malgré les disparités géographiques, les différences dans les modèles économiques et la valeur des monnaies locales, les facteurs de réussite ne sont pas moindres et résident dans l’interdépendance et la diversité. Même raisonnement du directeur du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Mohamed Fayez Farahat, qui voit que les BRICS ont besoin de cette diversité pour se doter d’un poids à la fois économique et politique.
C’est à cette fin que le président russe, Vladimir Poutine, a donné une impulsion à l’élargissement du bloc et à l’intégration lorsqu’il a déclaré il y a quelques jours qu’il était prêt à fournir aux pays des BRICS, ainsi qu’à ceux se trouvant en dehors du bloc, leurs besoins alimentaires. « Les pays membres admettent les divergences entre eux, ou plus précisément la diversité, et les considèrent comme un atout, car ils vont profiter des ressources de chaque Etat », explique Shadi. Et de poursuivre que les exemples de complémentarité sont nombreux : les pays producteurs de pétrole, comme l’Arabie saoudite et l’Iran, « produisent à eux seuls 48 % du pétrole mondial. Pour l’Egypte, elle est le deuxième pays africain dans la production du gaz et est deuxième exportateur arabe etquatrième exportateur mondial de gaz liquéfié à l’Europe. Il s’agirait ainsi d’une carte de pression sur l’Europe. En plus de l’emplacement stratégique du pays et de la présence du Canal de Suez », note l’analyste. Il a énuméré d’autres atouts, comme la Chine qui est le plus grand fabricant mondial, la Russie, un gros producteur d’énergie et de gaz, le Brésil, producteur de matières premières et alimentaires, l’Inde, productrice de technologie de l’information, l’Afrique du Sud, connue pour ses ressources minières, tels le fer, le diamant et le lithium. En plus, l’Inde et le Brésil possèdent les matériaux qui entrent dans les productions de masse de la Russie et de la Chine. En outre, les 5 pays des BRICS exportent le tiers des céréales au monde.
Présenter un modèle financier plus équitable
L’adhésion aux BRICS est une manière pour les 22 pays candidats de faire entendre leur voix contre le système financier mondial dominé par l’Occident, dont les institutions sont le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), explique Shadi. Il note la politique interventionniste des deux institutions financières jumelles dans les affaires internes des Etats, ainsi que les décisions d’octroi des crédits basées sur le système de quotas des membres. Plus le pays membre fait des donations, plus il a un pouvoir économique ou même politique. Des conditions qui, selon lui, sont très inégales et vétustes.
En revanche, les BRICS ont développé leur structure financière, ainsi que leurs outils, même s’ils ne sont pas encore suffisants. Il s’agit de la Nouvelle Banque de Développement (New Development Bank, NBD), créée en 2009 à Shanghai avec un capital de 50 milliards de dollars, qui a dépassé aujourd’hui 100 milliards de dollars. Il existe aussi le Conseil des affaires des BRICS, qui offre des consultations aux pays membres sur l’investissement étranger direct et enfin l’accord sur les réserves conditionnelles (Contingent Reserve Arrangement), qui apporte des liquidités à court terme aux pays membres, renforçant la stabilité financière et atténuant les crises des balances des paiements.
Afin de mettre un terme à l’hégémonie du dollar, les BRICS ont renforcé l’usage des monnaies locales.
Afin de mettre un terme à l’hégémonie du dollar, le bloc a renforcé l’usage des monnaies locales entre les membres. 75 % des échanges commerciaux entre Pékin et Moscou se font en monnaies locales. Récemment, le bloc a annoncé son intention de créer une monnaie unifiée pour ses membres. Cependant, Shadi admet que l’adoption d’une monnaie unifiée ne sera pas aisée car les risques sur certaines monnaies locales sont primordiaux. Il n’existe pas de liens géographiques entre les Etats qui utilisent tous des systèmes bancaires tout à fait différents. Les transactions et les transferts se font sur des bases radicalement différentes. « Un problème qui sera réglé sur le long ou le moyen terme selon les volontés des Etats membres », dit-il. Avis qui n’est pas partagé par Qamar Mohamed qui estime que les discours sur la monnaie unifiée veulent dire que nous sommes à la phase qui précède l’entrée en vigueur de l’intégration. « Cette monnaie, ont-ils déclaré, sera libellée en or, en diamant et les autres minéraux, surtout le lithium qui se trouve en abondance en Afrique du Sud et en Iran. Elle sera très solide et capable d’entrer en compétition avec le dollar », ajoute l’économiste.
Néanmoins, elle clarifie que les Etats membres ont parlé d’une alternative au dollar ou aux monnaies locales et non pas d’une monnaie de remplacement, ce qui est impossible car les dettes de ces pays sont pour la plupart libellées en dollar. Et de conclure : « Par exemple pour la Chine qui est le pays n°1 mondial investissant dans les bons de Trésor gouvernementaux américains, le dollar ne sera pas éliminé, mais une force compétitive au billet vert sera créée. Les pays des BRICS auront ainsi, en cas de sanctions, des alternatives. Les circonstances politiques que vivent la Russie et la Chine sont les motifs derrière les actions des BRICS ».
Les thèmes du sommet
Selon le site officiel du Sommet des BRICS 2023, 5 principaux thèmes seront discutés :
1. Développer une transition équitable.
2. Transformer l’éducation et développer les compétences pour l’avenir.
3. Débloquer les opportunités grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine.
4. Renforcer l’établissement socioéconomique postpandémie et réaliser le Programme de développement durable 2030.
5. Renforcer le multilatéralisme, la bonne gouvernance des institutions et la participation des femmes dans le processus de paix.
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