Au Soudan, alors que les affrontements font rage depuis plus de 2 mois, le nombre de personnes fuyant à travers les frontières de ce pays ne cesse de croître. Selon les dernières données de l’Organisation Internationale pour les Migrations de l’Onu (OIM), plus de 2,8 millions de personnes ont été déplacées par le conflit, dont 644 861 réfugiés dans les pays voisins. L’Egypte accueille le plus grand nombre, avec plus de 250 000 réfugiés soudanais, suivie par le Tchad (180 000), le Soudan du Sud (135 000), la République centrafricaine (15 300) et l’Ethiopie (plus de 15 000). « En raison de l’intensité du conflit, les personnes vulnérables qui sont contraintes de se déplacer n’ont d’autre choix que de s’enfuir dans des conditions extrêmement dangereuses et difficiles, risquant de subir des violences physiques, des vols ou des actes de banditisme et, dans certains cas, de se voir refuser la possibilité de quitter les zones de conflit et d’être ainsi à nouveau exposées au danger », souligne le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) dans son dernier rapport sur la situation des réfugiés soudanais, avant de souligner que « les besoins humanitaires ne cessent de croître en raison de la crise au Soudan, alors même que le nombre de personnes déracinées continue d’augmenter et que l’acheminement de l’aide reste fortement entravé par l’insécurité, les difficultés d’accès et les problèmes de financement ».
Par ailleurs, selon beaucoup d’analystes, les répercussions de la crise au Soudan dépassent les frontières soudanaises pour devenir une véritable « bombe à retardement régionale ». Le troisième plus grand pays d’Afrique est situé déjà dans une région instable bordée par la mer Rouge, la région du Sahel et la Corne de l’Afrique. Le Soudan partage des frontières avec 7 pays africains, à savoir l’Egypte, la Libye, l’Ethiopie, l’Erythrée, le Soudan du Sud, l’Afrique centrale et le Tchad. « Alors que les affrontements au Soudan entrent dans leur troisième mois, aucun espoir de règlement ne semble se dessiner à l’horizon. Et le conflit continue de s’enliser. C’est pourquoi les pays voisins du Soudan craignent plus que jamais un exode massif vers leurs territoires », affirme Samar Al-Bagouri, professeure adjointe au département d’économie à la faculté des études supérieures africaines de l’Université du Caire.
Préoccupations grandissantes
L’Egypte est la principale destination accessible par route pour plus de la moitié des Soudanais qui fuient la guerre dans leur pays. L’Egypte accueille déjà plus de 9 millions de migrants et de réfugiés, dont environ 5 millions de Soudanais. Quant à la Libye, ce pays qui souffre encore de profondes divisions internes, elle suit avec une grande préoccupation les développements de la situation au Soudan. En effet, les mercenaires soudanais ont joué un rôle actif dans le conflit inter-libyen après 2011. Le Soudan représente en outre un point de départ et de transit pour les migrants à destination de l’Europe via la Libye.
Par ailleurs, le Tchad voisin accueillait déjà avant le déclenchement du conflit le plus grand nombre de réfugiés en Afrique centrale, dont 60 % de Soudanais. Le 24 juin, le Tchad a réclamé une « aide massive » à la communauté internationale, qu’il accuse de le « laisser presque seul » face à une crise humanitaire « sans précédent ». Plusieurs milliers de Soudanais ont également traversé la frontière vers l’Ethiopie. Ce pays voisin a connu d’intenses conflits ces dernières années, notamment avec la guerre civile au Tigré depuis 2020. Ce conflit a poussé plus de 50 000 réfugiés éthiopiens à fuir hors du pays pour s’installer dans la région soudanaise d’Al-Fachqa. L’Ethiopie craint aujourd’hui que le conflit au Soudan ne mène au retour des Tigréens fuyant le conflit éthiopien, ce qui laisse entrevoir la possibilité de nouveaux affrontements au Tigré. Les préoccupations sécuritaires du Soudan du Sud, qui s’est séparé du Soudan en 2011 après une guerre civile de plusieurs décennies, sont également énormes. Le Soudan accueille 800 000 réfugiés sud-soudanais, et le retour massif de ces réfugiés pourrait exercer une pression croissante sur l’infrastructure déjà fragile de ce pays.
Fardeau économique
Le conflit au Soudan intervient à un moment où les pays africains cherchent à réduire les conséquences de la guerre en Ukraine et à se remettre du choc de la pandémie, ce qui « impose un nouveau fardeau aux économies africaines déjà épuisées et aggrave davantage des besoins humanitaires déjà très importants », explique Samar Al-Bagouri. Le Soudan se trouve au milieu d’une région où les niveaux d’insécurité alimentaire sont élevés. Les Nations-Unies estiment que près de 72 millions de personnes en Afrique de l’Est, qui accueille déjà un grand nombre de réfugiés, ont besoin d’une aide humanitaire cette année en raison de l’échec des cinq saisons des pluies, des conflits et des inondations. Cela survient à un moment où le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a annoncé que les rations alimentaires destinées aux réfugiés seraient réduites de moitié en raison d’un manque de financement.
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