Du Soudan à l’Ukraine, les conflits ne cessent de déraciner les personnes de leurs terres. Le nombre de réfugiés et de déplacés dans le monde a atteint le chiffre record de 110 millions, soit 19,1 millions de personnes de plus qu’à la fin de l’année 2021. Il s’agit de la plus importante augmentation sur un an jamais enregistrée. C’est ce que vient de dévoiler le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR) dans son rapport annuel publié en mai dernier. « Jamais le nombre total des personnes ayant quitté leur pays ou ayant été déplacées à l’intérieur de leur pays n’avait atteint un tel niveau », s’alarme l’Onu, en appelant à « une mobilisation collective face au déplacement forcé ». « C’est un véritable constat d’échec pour notre monde », a déclaré Filippo Grandi, haut-commissaire des Nations- Unies pour les réfugiés. Pourquoi la crise mondiale des réfugiés s’aggrave-t-elle jour après jour ? « La crise des réfugiés est un défi humanitaire permanent qui suit le rythme de l’évolution de l’humanité. Malheureusement, elle va à son encontre », explique Dr Ayman Zohry, expert des études démographiques et migratoires, et membre du Conseil national des droits de l’homme en Egypte. Et d’ajouter : « La crise des réfugiés a commencé après la Seconde Guerre mondiale. En 1951, l’Onu a établi une convention pour protéger les droits des réfugiés en Europe au lendemain de la guerre. Et ce n’est qu’en 1967 que la promulgation du Protocole relatif au statut des réfugiés est venue élargir la notion de réfugiés et étendre le champ d’application de la Convention de 1951 qui aborde désormais les déplacements à n’importe quel endroit au monde ». En vertu du droit international, les réfugiés sont des personnes qui sont contraintes de fuir leur pays d’origine pour échapper aux conflits, à la persécution ou à une grave menace pour leur vie, leur intégrité physique ou leur liberté. En effet, lorsque la Convention sur les réfugiés est née, il n’y avait que 2,1 millions de réfugiés dans le monde. En 1980, le nombre de réfugiés recensés par l’Onu a dépassé, pour la première fois, le seuil des 10 millions. Les guerres en Afghanistan et en Ethiopie dans les années 1980 ont doublé le nombre de réfugiés qui sont au nombre de 20 millions en 1990. Le nombre de réfugiés est resté constant au cours des deux décennies suivantes. Cependant, l’invasion américaine de l’Afghanistan en 2001 et de l’Iraq en 2003, ainsi que les guerres civiles au Soudan du Sud et en Syrie ont entraîné une augmentation significative du nombre de réfugiés. Celui-ci a franchi la barre des 30 millions fin 2021.
Nouvelles crises, nouveaux défis
Dans son dernier rapport, le HCR indique que l’ampleur et le rythme des déplacements forcés à travers le monde restent à la hausse en 2023. Et ce, à cause, en grande partie, de la crise au Soudan, la dernière d’une longue série de crises ayant conduit à ce chiffre record. La crise soudanaise a causé le déplacement, depuis le 15 avril dernier, de plus de 2,8 millions de personnes. En effet, le conflit au Soudan a aggravé une situation déjà dramatique depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. Celleci a provoqué le mouvement de réfugiés le plus rapide jamais enregistré depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais encore « les conflits et l’insécurité dans d’autres régions du monde, notamment en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Syrie et au Myanmar, ont tous contribué à cette augmentation record en 2023 », selon le rapport du HCR, qui souligne également que « la fréquence croissante des catastrophes dues au changement climatique, notamment les sécheresses et les inondations, a entraîné des déplacements de population d’une ampleur sans précédent ».
Répartition inégale des responsabilités Cependant, la crise des réfugiés ne se limite pas au nombre croissant de personnes essayant de sortir des zones de conflit, car il faut encore trouver une destination vers laquelle s’enfuir. Le défi réside encore dans le fait que 76 % des réfugiés vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, alors que 70 % sont accueillis dans des pays voisins. Ce qui montre, selon beaucoup d’analystes, qu’il existe un problème structurel dans le partage des responsabilités en matière de réfugiés et que cette répartition inégale exerce une pression sur les ressources intérieures des pays d’accueil.
Autre enjeu : « L’enfant réfugié ». C’est un autre phénomène qui prend de l’ampleur. La composition démographique des réfugiés dans le monde montre que 41 % des personnes faisant l’objet de déplacement forcé sont des enfants. 1,9 million d’enfants sont nés en tant que réfugiés entre 2018 et 2022, selon les estimations du HCR. Alors que 48 % des enfants réfugiés ne sont pas scolarisés. La Méditerranée est considérée comme l’une des zones les plus meurtrières empruntées par les migrants et les réfugiés dans le monde. Plus de 26 000 migrants se sont noyés ou ont été portés disparus en Méditerranée depuis 2014. Le dernier incident tragique était le naufrage fin juin d’un bateau de migrants transportant plus de 600 personnes au large de la Grèce. En outre, les trois solutions traditionnelles à la question des réfugiés, à savoir l’intégration dans le pays d’asile, la réinstallation dans un pays tiers ou le retour volontaire dans le pays d’origine, « ne sont pas encore des options viables », explique Dr Ayman Zohry.
Quelles solutions ?
En effet, tous ces défis interviennent au moment où le financement international de l’aide humanitaire et du développement est en baisse. Le HCR est confronté à un déficit budgétaire sans précédent en 2023. Selon l’Onu, « la situation économique mondiale et l’inflation ont durement affecté les appels aux dons ». Pour le Soudan par exemple, le HCR ne dispose que de 16 % de l’argent dont il estime avoir besoin pour fournir l’aide aux réfugiés dans les pays d’accueil. Comment inverser la tendance ? Selon beaucoup d’analystes, la question de l’asile a besoin d’une volonté mondiale pour la résoudre. Il faut trouver une approche nouvelle et bien plus globale pour mettre fin aux conflits et préserver les droits des réfugiés et ceux des communautés d’accueil.
D’où viennent les réfugiés et où vont-ils ?
Selon le rapport du HCR, plus de la moitié (52 %) de tous les réfugiés viennent de trois pays seulement : la Syrie (6,5 millions), l’Ukraine (5,7 millions) et l’Afghanistan (5,7 millions). La Turquie, l’Iran, la Colombie, l’Allemagne, le Pakistan et l’Ouganda ont accueilli plus d’un tiers de tous les réfugiés.
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