La reprise des relations entre la Syrie et les pays arabes aura d’une part un impact positif sur l’économie syrienne, en proie à des difficultés, et contribuera d’autre part à la complémentarité arabe. « Le retour de Damas dans le giron arabe apportera des gains économiques importants, notamment pour la Syrie, dont l’économie souffre d’une inflation galopante et de graves pénuries de carburant, alors que la livre syrienne a atteint son plus bas niveau (7 000 livres pour un dollar) sur le marché noir la semaine dernière, parallèlement à la décision du gouvernement d’augmenter les prix de l’essence et du diesel », explique Bassant Gamal, chercheuse au Centre égyptien pour la pensée et les études stratégiques. En fait, les relations commerciales entre la Syrie et le monde arabe n’ont jamais cessé, mais ont connu un énorme recul.
Selon les chiffres officiels, les importations syriennes en provenance des pays arabes au cours des neuf premiers mois de 2021 ont atteint 460 millions d’euros, alors qu’elles dépassaient les 2,5 milliards de dollars en 2010. Quant aux exportations syriennes vers les pays arabes, elles se sont élevées à 367,8 millions d’euros au cours de la même période de 2021, contre 4,9 milliards de dollars en 2010. « La reprise des relations entre le monde arabe et la Syrie permettra à Damas d’augmenter ses exportations, ce qui signifie plus de devises étrangères et moins de pression sur les taux de change, sans compter l’importation des matériaux nécessaires à certaines industries locales, ce qui fournira plus de produits sur les marchés syriens », explique Bassant Gamal.
Coopération et complémentarité agricole
La Syrie a signé, le 27 mars dernier avec la Jordanie, l’Iraq et le Liban, un protocole d’accord au terme de la réunion des ministres de l’Agriculture des quatre pays à Damas, organisée sous le titre : « Vers l’intégration économique agricole régionale ». Cette réunion est la quatrième d’une série de réunions tenues l’année dernière. La première a eu lieu en février en Iraq, la seconde en juillet au Liban et la troisième en septembre en Jordanie. L’accord permettra de renforcer les échanges commerciaux, de faciliter la circulation des produits agricoles, d’échanger les compétences et de développer la coopération technique dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la gestion des réserves. L’accord porte également sur la coopération dans le domaine de la lutte contre les incendies, du changement climatique, du développement rural, de la vulgarisation agricole, de la production, de la santé animale et des médicaments vétérinaires. « Grâce à l’accord, des projets d’investissement seront lancés dans le domaine de l’élevage et de la production du fourrage. Cet accord quadripartite est un premier pas. Tous les pays arabes sont invités à y adhérer », a déclaré le ministre syrien de l’Agriculture, Mohammed Hassan Qatana. Le ministre iraqien de l’Agriculture, Abbas Al-Alaoui, a souligné que cet accord représentait un point de départ pour un travail conjoint et une coopération dans le secteur agricole, dont dépend la plupart des peuples arabes. « La reprise des relations arabo-syriennes peut renforcer le secteur agricole, tant végétal qu’animal, en soutenant des projets stratégiques et en renforçant les intérêts communs. Ce qui aura un impact positif sur le développement économique et social des pays arabes », commente Bassant Gamal.
Les ministres de l’Agriculture de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et de l’Iraq lors de la signature du mémorandum d’entente sur la coopération agricole.
En fait, ces quatre pays souffrent de mauvaises conjonctures agricoles, en particulier la Syrie et l’Iraq, qui sont confrontés à une pénurie d’eau à cause de la baisse du niveau de l’Euphrate et l’incapacité des deux pays à obtenir leur part légale d’eau face à l’intransigeance turque. Sans oublier l’instabilité et l’insécurité qu’ont vécues ces deux pays à cause de la guerre, fait qui a épuisé l’économie à tel point de menacer la sécurité alimentaire des habitants. En effet, la Syrie, autrefois prospère sur le plan agricole (l’agriculture représentait 28 % du PIB), est devenu un pays dont 60 % des habitants souffrent d’insécurité alimentaire.
Energie : Renforcer les investissements
« Le dossier énergétique occupe une place prépondérante dans les relations arabosyriennes. Un gazoduc arabe traverse la Syrie à partir de l’Egypte et de la Jordanie vers le Liban, et les Emirats arabes unis ont mis en place une centrale solaire dans le pays », précise Bassant Gamal.
En effet, en juillet dernier, l’Egypte avait signé avec la Syrie et le Liban un accord pour l’acheminement du gaz égyptien vers le Liban à travers la Syrie via le gazoduc arabe pour générer l’électricité. Mais l’accord n’est pas encore entré en vigueur bien que la Syrie, tout comme le Liban, souffre d’une énorme pénurie d’électricité. « Avant 2010, la Syrie possédait un excédent d’électricité de près de 1 050 mégawatts qu’elle exportait à son voisin libanais. Mais les centrales électriques ont été fort endommagées pendant la guerre. Près de 80 % des lignes de transfert du carburant ne fonctionnent plus à cause des actes de sabotage. Aujourd’hui, la Syrie est plongée dans le noir, l’électricité ne vient qu’une heure ou deux par jour. D’où l’importance des projets de raccordement électrique arabe qui visent à créer un grand marché arabe commun de l’électricité », explique Dr Ahmed Sultan, expert des questions énergétiques.
Fin 2021, des compagnies émiraties ont signé avec le ministère syrien de l’Electricité un accord de coopération pour la création d’une centrale photovoltaïque d’une capacité de 300 mégawatts à Rif Damas. L’accord stipule la construction d’une centrale-clé en main avec des facilités de paiement sur 10 ans.
« Cependant, la réalisation de ces gains dépend de la levée des sanctions contre la Syrie en raison des craintes des investisseurs internationaux de s’engager dans des projets d’investissement de peur d’être soumis à des sanctions. Le manque de garanties pour les investisseurs et les craintes d’être soumis aux sanctions occidentales sont, en effet, les deux principales raisons de la faiblesse des projets d’investissement privés en Syrie », conclut Bassant Gamal.
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