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L’eau, une problématique à multiples dimensions

Aliaa Al-Korachi , Jeudi, 30 mars 2023

C’est dans un contexte de multiples crises liées à l’eau que s’est tenue la Conférence des Nations-Unies sur l’eau, le premier sommet du genre depuis près de 50 ans. Pour l’Egypte, une coopération transfrontalière efficace figure en tête des priorités.

L’eau, une problématique à multiples dimensions

« L’eau est notre avenir commun. Il est essentiel d’agir ensemble pour la partager équitablement et la gérer durablement ». C’est la recommandation essentielle issue de la Conférence des Nations-Unies sur l’eau qui s’est tenue au siège de l’Onu à New York, du 22 au 24 mars 2023. Cette conférence, qui coïncide avec la Journée mondiale de l’eau, est la première grande réunion dédiée à la gestion de l’eau douce depuis 46 ans. La dernière conférence onusienne sur l’eau était celle tenue en Argentine en 1977, dans la ville de Mar del Plata où la notion de « besoins essentiels en eau » a été énoncée pour la première fois.

En effet, cet événement intervient au moment où des crises sans précédent liées à l’eau se multiplient : le réchauffement climatique provoque des sécheresses et des inondations de plus en plus intenses ; l’agriculture industrielle, l’exploitation minière, les combustibles fossiles, le ciment et d’autres industries utilisent et polluent des ressources en eau de plus en plus rares ; et 10 % de l’augmentation de la migration mondiale forcée est liée au manque d’eau.

Réunir le puzzle

L’accès à l’eau potable et à l’assainissement a été reconnu comme un droit humain en 2010. Toutefois, les indicateurs montrent que la réalisation des cibles des ODD6 n’est pas sur la bonne voie. Le rythme de mise en oeuvre doit être multiplié par quatre, voire plus. C’est ce que vient de dévoiler l’édition 2023 du Rapport mondial des Nations-Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, publié à la veille de l’ouverture de la conférence. Intitulé « Partenariats et coopération pour l’eau », ce rapport a averti que « les pénuries d’eau se généralisent, avec un risque imminent de crise mondiale ». Les chiffres sont choquants.

26 % de la population mondiale n’ont pas accès à l’eau potable, alors que 46 % n’ont pas accès à un assainissement de base. Entre 100 et 200 km³ des réserves d’eau souterraine sont épuisées chaque année. Quant à l’utilisation de l’eau, elle a augmenté à l’échelle mondiale d’environ 1 % par an au cours des 40 dernières années, « et devrait croître à un rythme similaire jusqu’en 2050, sous l’effet combiné de la croissance démographique, du développement socioéconomique et de l’évolution des modes de consommation », alors que le coût estimé pour atteindre les objectifs se situe entre 600 et 1 000 milliards de dollars par an. « La pénurie saisonnière d’eau augmentera dans les régions où elle est actuellement abondante à cause du réchauffement climatique, notamment en Afrique centrale, l’Asie de l’Est et certaines parties de l’Amérique du Sud — et elle s’aggravera dans les régions où l’eau est déjà rare, comme le Moyen-Orient et le Sahara en Afrique », précise le rapport, qui souligne que « la coopération et le partenariat » sont le seul moyen d’éviter une crise mondiale de l’eau dans les décennies à venir. « Assurer notre sécurité alimentaire, hydrique et énergétique grâce une gestion durable des ressources en eau, garantir un accès universel aux services de distribution d’eau et d’assainissement, atténuer les effets du changement climatique de même que préserver et restaurer les écosystèmes forment les pièces d’un gigantesque et complexe puzzle. Pour qu’en soient assemblés tous les morceaux, nous n’avons d’autre choix que d’établir des partenariats et de coopérer. Dans cette entreprise, chacun a un rôle jouer », note le rapport.

Les priorités de l’Egypte

Quelles sont donc les priorités de l’Egypte alors qu’elle fait face à des défis complexes résultant du changement climatique et de la rareté de l’eau ? « Le monde d’aujourd’hui est confronté à des défis croissants pour répondre aux besoins en eau et assurer sa durabilité. Il est donc essentiel pour relever ces défis, notamment avec le développement humain et la croissance démographique rapide, de ne pas traiter l’eau comme un bien économique. L’eau, comme l’air, est indispensable à la survie humaine ». C’est avec ces mots que le ministre Hani Soweilam, ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, a inauguré le discours de l’Egypte à la tribune de l’Onu. « L’Egypte souffre d’une situation de pénurie d’eau unique au monde. D’un côté, elle arrive en tête de liste des pays arides en enregistrant le taux de pluie le plus faible au monde. De l’autre, la part d’eau par habitant en Egypte a diminué pour atteindre 560 m3 par an, ce qui représente près de la moitié du seuil mondial de pauvreté en eau, fixé par les Nations-Unies à 1 000 m3 », souligne Soweilam, avant d’ajouter que « l’Egypte a injecté des investissements qui ont dépassé les 10 milliards de dollars pour augmenter l’efficacité de son système d’approvisionnement en eau lors du précédent plan quinquennal ».

Dans ce contexte, le ministre de l’Irrigation a également mis l’accent sur l’importance « d’une coopération transfrontalière efficace dans le domaine de l’eau ». « Les pratiques unilatérales de l’Ethiopie violent le droit international, y compris la Déclaration de principes de 2015. Elles constituent également une menace existentielle pour 150 millions de citoyens », a déclaré Hani Soweilam. Et d’ajouter : « La poursuite de telles pratiques non coopératives dans l’exploitation de ce barrage, dont la taille est exagérée, peuvent avoir un effet désastreux, notamment dans le cas où elles se poursuivraient parallèlement à une période de sécheresse prolongée. Ce qui pourrait entraîner la sortie de plus de 1,1 million de personnes du marché du travail. Et la perte d’environ 15 % de la surface agricole en Egypte ».

Pour promouvoir l’agenda international de l’eau, l’Egypte s’active dans le cadre de sa stratégie de coopération pour maximiser les gains possibles de l’interdépendance entre les questions de l’eau, de l’alimentation, de l’énergie et du climat sur plusieurs volets : national, régional et international, comme l’a souligné le ministre de l’Irrigation dans son discours. Au niveau national, l’Egypte a adopté une politique de l’eau fondée sur l’utilisation rationnelle et efficace de ses ressources en eau renouvelables, en s’appuyant de plus en plus sur les ressources en eau non traditionnelles. Au niveau régional, l’Egypte travaillera également, durant sa présidence actuelle du Conseil des ministres africains chargés de l’eau (AMCOW), pour mobiliser les financements nécessaires, afin de renforcer les infrastructures africaines et promouvoir la coopération continentale pour une gestion efficace de l’eau. A l’échelle internationale, l’Egypte a réussi à intégrer l’eau dans l’action climatique, en lançant l’initiative AWARe, « l’adaptation dans le secteur de l’eau » lors de la COP27.

« Tous les espoirs de l’humanité pour l’avenir dépendent, d’une certaine manière, de la possibilité de tracer une nouvelle voie pour gérer et conserver durablement l’eau », a déclaré Antonio Guterres, secrétaire général des Nations-Unies en clôturant cet événement qui s’est conclu par la création d’un nouvel envoyé des Nations-Unies pour l’eau et des centaines d’engagements.

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