Al-Ahram Hebdo : Comment voyez-vous l’importance de la présidence égyptienne de l’Agence de développement de l’Union africaine-NEPAD au cours des deux prochaines années ?
Gamal Bayoumi: Le NEPAD, qui rassemble plus de 30 pays, vise à saisir les opportunités, à relever les défis et à dessiner une feuille de route pour affronter les divers obstacles face au développement, notamment à un moment où le monde souffre de nombreuses crises, dont la guerre en Ukraine. Les objectifs du NEPAD sont importants, et s’ils sont sérieusement mis en place, ils assureront la stabilité dans tout le continent. Je crois que la présidence égyptienne sera efficace, compte tenu de son expertise, de ses capacités et de sa compétence. L’Egypte jouera également un rôle central et fondamental dans le processus de développement durable au sein du continent et l’activation de la zone de libre-échange africaine réunissant plus de 50 pays. C’est ce qu’elle a déjà fait, pendant et après la présidence de l’Union Africaine (UA). En outre, le choix de l’Egypte pour présider le NEPAD témoigne de la confiance des pays africains envers l’Egypte.
— Selon vous, quels sont les défis de développement en Afrique ?
— L’enjeu est de taille. Les fonds qui sortent de l’Afrique pour rembourser ses dettes ou pour payer ses importations sont supérieurs à ceux qui rentrent. Ce phénomène doit être traité, et c’est l’une des priorités de l’Egypte à la tête du NEPAD. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a souligné la nécessité de rectifier cette situation en faveur de l’Afrique. Il existe d’autres défis qui empêchent le continent d’attirer les investissements. Les infrastructures doivent être développées. L’efficacité des ports africains doit être augmentée. L’Afrique a un grave déficit en infrastructures, communications, routes, ponts et compagnies aériennes qui ne couvrent pas toutes les capitales africaines. Il est de même important d’ouvrir de grandes banques qui fournissent les crédits nécessaires aux investisseurs. Un autre grand défi est la bureaucratie dont souffrent les pays africains.
— Le président Sissi a fixé un ensemble de priorités, notamment l’intensification de la coopération avec les partenaires internationaux et les institutions financières internationales, pour combler le déficit de financement des projets de développement durable. Qu’en pensez-vous ?
— Le président Sissi a abordé de nombreuses questions importantes, dont la mobilisation des ressources financières nécessaires pour financer les projets de développement, en particulier les infrastructures dans le continent africain, le fait de s’assurer que la zone de libre-échange africaine, qui comprend tous les pays du continent, entre en vigueur, ainsi que la transformation industrielle. Autre priorité majeure: le président a également appelé à attirer des financements et des aides au continent à travers des pays qui financent comme la Chine, le Japon ou l’Union européenne, et la réforme des infrastructures. Sans oublier la nécessité de renforcer la coordination afro-africaine, afin de voir quelles opportunités nous saisissons et quels sont les défis qui nous entravent, afin de les relever et les supprimer.
— Selon vous, comment parvenir à un modèle de partenariat de coopération gagnant-gagnant avec les partenariats internationaux ?
— L’Egypte est l’un des pays les plus efficaces dans l’utilisation de l’aide au développement allouée par les pays, qu’ils soient européens, américains ou autres, du fait qu’elle s’acquitte de ses obligations et qu’elle améliore l’utilisation des fonds. Partant de cet exemple, les pays africains peuvent suivre l’exemple de l’Egypte et prouver aux partenaires de développement qu’ils amélioreront l’utilisation du financement ou de l’aide, qu’ils le dépenseront dans le développement de projets et qu’ils rempliront tous les engagements.
— Comment voyez-vous la concurrence que se livrent les grandes puissances en Afrique ?
— Ces pays fonctionnent comme des entreprises monopolistiques qui absorbent les ressources du continent, à savoir les matières premières, qu’ils exportent et revendent au continent. C’est pourquoi je considère cette présence comme une sorte de « colonialisme économique » si le continent n’arrive pas à tirer profit de cet intérêt pour soutenir son développement. Il est supposé que la zone de libre-échange règle ce problème et nous apprendra à comment traiter les uns avec les autres en tant qu’Africains, pour que la production du continent revienne à son peuple et que personne ne vienne l’exploiter. J’estime que le NEPAD est l’une des initiatives qui conduiront à plus de connaissances et de coopération économique entre les pays africains.
— Pour ce qui est du rôle égyptien, comment a-t-il évolué au sein du continent africain au cours de ces dernières années ?
— Au cours des 7 dernières années, l’Egypte s’est retournée vers l’Afrique, après un temps d’absence, suite à la tentative d’assassinat de l’ancien président Hosni Moubarak à Addis-Abeba. L’Egypte commence à retrouver sa place, grâce à « la diplomatie présidentielle » qui a donné une impulsion aux relations extérieures en général et aux relations africaines en particulier. Ce qui était bien évident lors de la présidence égyptienne de l’Union africaine, de la représentation de l’Afrique au Conseil de sécurité, et actuellement la présidence du NEPAD. Je m’attends à ce que nous commencions à investir dans le continent africain par le biais du Fonds égyptien pour la coopération en Afrique et à élargir le volume des petites entreprises. En fait, l’Afrique a un grand potentiel pour les industries simples et n’a pas besoin d’énormes capitaux, citons des exemples simples: les boîtes de conserve, l’industrie du bois, etc.
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