Préserver « l’Etat-Nation ». Telle est la mission-clé au coeur de l’intense activité diplomatique de l’Egypte ces derniers jours. « La stabilité de chaque pays arabe est la stabilité de l’Egypte », a souligné le président Abdel-Fattah Al-Sissi, lors de son discours à la 5e conférence du Parlement arabe tenue le 11 février au Caire. De la Palestine au Soudan, en passant par la Libye, Le Caire a accueilli cette semaine plusieurs réunions visant à préserver la stabilité de la région. Il y a eu d’abord la conférence « Jérusalem : Résilience et développement » tenue au siège de la Ligue arabe au Caire, le 12 février. Le président a affirmé que « la question de Jérusalem demeure en tête des priorités pour l’Egypte et les Arabes », en soulignant « la position constante de l’Egypte rejetant et condamnant toute mesure israélienne visant à changer le statut historique et juridique de la ville ». Cette conférence vise à présenter à l’opinion publique internationale les violations et les tentatives israéliennes en cours dans le but de judaïser la mosquée d’Al-Aqsa. Les craintes d’une nouvelle escalade dans les territoires occupés ont augmenté après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahu qui a franchi toutes les lignes rouges. Ce sommet intervient donc alors que l’Egypte, médiateur incontournable dans le conflit israélo-palestinien, utilise tous les canaux pour restaurer le calme dans les Territoires palestiniens et contraindre le gouvernement israélien à cesser les actes de provocations à Jérusalem. Dans un communiqué publié par le ministère des Affaires étrangères le 13 février, l’Egypte condamne « dans les termes les plus fermes » la décision du gouvernement israélien de légaliser 9 colonies en Cisjordanie occupée, en soulignant que cette décision constitue « une violation flagrante des résolutions onusiennes et des règles du droit international », et « un acte de provocation inacceptable qui coïncide avec la convocation de la conférence de soutien à Jérusalem au Caire ».
Libye, la responsabilité régionale de l’Egypte
Outre la Palestine, Le Caire a accueilli en une journée deux dialogues inter-soudanais et inter-libyens dans le but d’accélérer le processus politique dans ces deux pays limitrophes. Le 7 février, les réunions du Comité militaire mixte libyen 5+5 ont commencé au Caire après une période d’interruption, sous les auspices d’Abdoulaye Bathily, envoyé de l’Onu pour la Libye, et avec la participation des représentants des pays voisins de la Libye (Soudan, Tchad, Niger). La réunion du Caire a clôturé ses travaux en réalisant « une percée importante dans le dossier du mercenariat », explique Shady Mohsen, spécialiste des affaires régionales au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Après deux jours de discussions, le Comité 5+5 a adopté « un mécanisme de collecte et d’échange de données sur les mercenaires et les combattants étrangers dans le pays ». « C’est un développement positif dans les efforts visant à promouvoir une paix durable en Libye et dans la région en général, et à créer un climat favorable au processus politique et à la tenue d’élections en 2023 », a déclaré Bathily, en saluant l’atmosphère de coopération qui a régné lors de la réunion, ainsi que le rôle constructif de l’Egypte dans le règlement de la crise libyenne, en particulier les volets constitutionnel et économique. L’Egypte a accueilli, au cours de la dernière période, plusieurs réunions successives pour promouvoir le processus constitutionnel en Libye. La plus récente était en janvier dernier au siège du parlement égyptien, au Caire. La réunion a rassemblé le président de la Chambre des représentants, Aguila Saleh, le président du Haut Conseil d’Etat, Khaled Mechri, ainsi que le président du parlement égyptien, Hanafi Guébali. Selon Shady Mohsen, la vision de l’Egypte est une vision stratégique constante qui ne change pas. Elle vise à mettre fin à toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures du pays. « La présence de combattants étrangers est une question épineuse qui continue à peser lourdement sur les efforts visant à dénouer la crise politique libyenne, et aussi les autres crises dans la région arabe, que ce soit au Yémen, en Syrie ou en Iraq », souligne Mohsen. Lors de sa rencontre cette semaine avec Bathily, Sameh Choukri, chef de la diplomatie égyptienne, a affirmé que « certaines parties externes doivent cesser leurs tentatives de détourner le processus politique libyen en fonction de leurs intérêts, alors qu’il incombe à tous les partenaires de la Libye d’apporter leur soutien aux frères libyens pour qu’ils parviennent seuls, et de leur propre gré, au consensus requis ».
Le Caire à égale distance des parties soudanaises
« La clé de la solution est aux mains des Soudanais ». C’est le message lancé par l’Egypte en proposant d’arbitrer le dialogue soudano-soudanais. Le Soudan a signé fin 2022 un accord-cadre visant à sortir de l’impasse qui perdure depuis un an et demi. Le Caire, qui se positionne à égale distance de toutes les parties soudanaises, a exprimé son plein soutien à cet accord. Dans le cadre de ses efforts visant à atteindre un accord définitif qui réalise les aspirations du peuple soudanais, l’Egypte a accueilli le dialogue soudano-soudanais du 2 au 7 février 2023 dans la Nouvelle Capitale administrative. Cet atelier intitulé « Perspectives de transition démocratique vers un Soudan pour tous » a réuni 85 participants de 35 organisations et entités soudanaises. Les participants ont été répartis en 12 commissions pour discuter les questions soulevées sur la scène politique soudanaise, notamment la transition démocratique et la situation dans l’Est du Soudan. L’atelier s’est conclu par une série de recommandations importantes et la proposition de publier un « document national directeur de la période de transition » de 38 pages qui servira de feuille de route pour surmonter la crise politique (voir page 4). Mubarak Al-Fadil Al-Mahdi, chef du parti Oumma pour la réforme et le renouveau, a confirmé, lors de la conférence de presse, que « le dialogue a réalisé un bond en avant. Maintenant, nous sommes devenus un bloc uni, et il y a un accord sur toutes les questions qui préoccupent une grande partie du peuple soudanais ». Selon Shady Mohsen, le lancement des dialogues politiques libyens et soudanais au Caire confirme le rôle central et actif de la diplomatie égyptienne au cours des dernières années. « Il reflète également le souci de l’Egypte d’apporter un soutien politique à ces pays pour les aider à surmonter la phase de transition », assure-t-il. Et de conclure : « Ces démarches émanent de la responsabilité régionale de l’Egypte et de sa capacité d’intervenir sur des questions brûlantes, de proposer des initiatives et des mécanismes et d’apporter des solutions aux problèmes ».
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