L’eau et le changement climatique sont intrinsèquement liés. C’est le principal message de la 5e Semaine de l’eau du Caire, tenue du 16 au 19 octobre dans la capitale égyptienne. Sous le titre « L’eau au coeur de l’action climatique », cet événement annuel, qui intervient à moins d’un mois de la COP27, a accueilli plus de 1 000 participants de 70 pays, 66 organisations internationales et 16 délégations ministérielles pour discuter des problèmes, politiques et plans d’action liés aux défis de l’eau-climat.
« La Semaine de l’eau du Caire, organisée chaque année par l’Egypte, est devenue une plateforme régionale et internationale pour renforcer le dialogue sur les questions de l’eau, et ce, dans le cadre des efforts visant à renforcer la paix internationale et le développement durable ». C’est avec ces mots que le président Abdel-Fattah Al- Sissi a inauguré la 5e Semaine de l’eau du Caire.
Quelle est la relation entre l’eau et le climat ? A quel point le stress hydrique inquiète le monde ? Et comment y faire face ? Ces questions étaient au centre des discussions. Selon de nombreux observateurs, l’eau est la grande oubliée du débat sur le changement climatique. Celuici est généralement associé aux émissions à effet de serre. Pour agir positivement sur le climat, il faut y intégrer la question de l’eau, de même qu’il faut intégrer le climat aux politiques de gestion des ressources en eau. L’eau est très peu prise en compte dans les politiques climatiques, alors que les politiques hydriques ne tiennent pas suffisamment compte des changements climatiques.
Tempêtes, sécheresses et inondations, c’est à travers l’eau que se manifeste le plus important impact du changement climatique sur la planète. Selon les derniers chiffres de l’Onu, 2,3 milliards de personnes vivent dans des pays en situation de stress hydrique, alors que 1,2 milliard, soit environ un sixième de la population mondiale, vivent dans des zones agricoles à forte pénurie d’eau. « Le spectre de la famine menace 22 millions de personnes dans la Corne de l’Afrique, après une série de sécheresses », a précisé Abdel-Hakim El-Waer, représentant régional de la FAO pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, au cours de son intervention, soulignant que la tenue de la Semaine de l’eau du Caire coïncide cette année avec la présidence égyptienne de la COP27. Il est donc important de « placer le dossier de l’eau au centre de l’agenda de la Conférence sur le climat ».
L’approche globale de l’Egypte
Selon Abbas Sharaky, expert hydrique, cette rencontre annuelle, qui regroupe ministres, délégations officielles, scientifiques, organisations internationales et institutions financières, est une occasion pour l’Egypte d’exposer ses plans d’action pour une gestion plus efficace des ressources en eau. « La sécurité alimentaire ne peut être garantie que si elle est accompagnée de la sécurité en eau. Le changement climatique a exacerbé davantage ce double défi, en particulier dans les pays qui souffrent d’une pénurie d’eau, ce qui engendre des répercussions négatives sur la paix et la sécurité, aux niveaux régional et international », a souligné le président dans son discours, avant d’ajouter : « Le destin de l’Egypte était de tomber au coeur de ces trois défis entremêlés : les enjeux de la sécurité hydrique, alimentaire et le changement climatique. L’Egypte est l’un des pays les plus secs du monde et dépend du Nil, presque exclusivement, pour ses ressources en eau, dont environ 80 % vont au secteur agricole, nécessaire pour la subsistance de plus de 60 millions de personnes, soit la moitié de la population égyptienne ». Selon le président, à cause de la rareté de l’eau en Egypte, les ressources en eau sont « incapables de subvenir aux besoins des habitants », et ce, malgré les politiques de rationalisation de la consommation et le recyclage de l’eau de l’irrigation, dont le taux est l’un des plus élevés en Afrique. En fait, les ressources totales disponibles en eau douce en Egypte sont estimées à environ 60 milliards de m3 d’eau par an, alors que ses besoins s’élèvent à environ 114 milliards de m3, soit un déficit annuel de 54 milliards de m3. « Pour faire face à ce triple défi, l’eau, le climat et l’alimentation, l’Egypte a adopté une approche globale de gestion de l’eau. Au niveau national, le pays a adopté la Stratégie nationale de gestion des ressources en eau qui vise à fournir l’eau potable, à améliorer sa qualité et à rationaliser et développer les ressources en eau par tous les moyens possibles. Au niveau régional, l’Egypte s’est engagée à faire tout son possible pour résoudre le problème du barrage éthiopien d’une manière qui serve les intérêts de toutes les parties concernées », a déclaré le président Abdel-Fattah Al-Sissi, avant d’appeler la communauté internationale à « consolider les efforts nécessaires pour atteindre cet objectif équitable ».
Sur un autre volet, l’Egypte entend lancer une initiative mondiale au cours de la COP27 pour « adapter le secteur de l’eau aux effets du changement climatique », en coopération avec des partenaires internationaux, notamment l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM).
C’est ce qu’a dévoilé Sameh Choukri, ministre des Affaires étrangères et président désigné de la COP27. Cette initiative vise à lier les politiques hydriques à l’action climatique au niveau national dans chaque pays et à améliorer les systèmes d’alerte précoce pour prévenir les catastrophes. Par ailleurs, les préparatifs vont bon train en Egypte pour créer le Centre africain d’adaptation à l’eau et au climat, afin de soutenir les efforts africains dans ce domaine important, a souligné Hani Sweilam, ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques, lors de la session d’inauguration, avant de passer en revue les efforts de l’Egypte pour faire face aux changements climatiques en réhabilitant les canaux et en mettant en oeuvre de grands projets dans le domaine du traitement et du recyclage de l’eau, comme la station d’épuration de Bahr Al-Baqar, dont le but est de transformer les terres dans le nord et le centre du Sinaï en terres agricoles. La coopération régionale dans le domaine des eaux transfrontalières, notamment avec les pays du bassin du Nil, « est l’une des priorités de l’Etat égyptien dans la gestion de ses ressources en eau », a ajouté Sweilam.
Promouvoir la technologie et les investissements
Le programme de cette nouvelle édition a été riche et varié. Pendant 4 jours, 5 thèmes ont été abordés : la sécurité de l’eau, la protection des deltas, les adaptations liées à l’eau, la coopération future et la préparation et la gestion des catastrophes. La technologie était au centre de la session intitulée « Applications technologiques pour améliorer la gestion des ressources en eau ». Le secteur agricole consomme 85 % de la quantité d’eau disponible dans les pays arabes, a précisé Dr Mahmoud Abou-Zeid, président du Conseil arabe de l’eau, dans son discours, en soulignant l’importance de recourir aux technologies, notamment les systèmes de télédétection et les systèmes d’alerte précoce, pour améliorer la gestion de l’eau dans les pays arabes. « Les investissements pour le développement des ressources en eau ne profitent pas seulement au secteur de l’eau, mais aussi au développement socioéconomique en général », a souligné Martin Roberto, conseiller économique sur la question de l’eau à l’Union Pour la Méditerranée (UPM), dans son intervention, en appelant à « fixer un budget spécifique pour soutenir les investissements dans le domaine de l’eau ». Pour sa part, Marcus Wishart, spécialiste des ressources en eau à la Banque mondiale, a appelé à « la nécessité d’adopter des stratégies proactives pour maîtriser la gestion des risques liés à l’eau ».
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