La nouvelle année universitaire 2022-2023, qui a débuté le 1er octobre, a vu l’ouverture de 7 nouvelles universités technologiques et de 12 universités non gouvernementales issues des universités publiques (ahliya). Ces nouvelles filières fournissent une formation à la fois académique et technique: énergies renouvelables, génie nucléaire, technologie de l’espace, intelligence artificielle, biotechnologie et nanotechnologie. Une question se pose: comment relever le défi de l’emploi des jeunes? L’expansion du secteur universitaire, notamment technologique, peut-elle réduire le fossé entre les diplômés et les exigences du marché du travail? Comment changer le regard de la société envers l’enseignement technique ? Et comment encourager les bacheliers eux-mêmes à s’orienter vers ces nouvelles filières? Selon l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS), les jeunes diplômés constituaient 33,3% des chômeurs recensés en 2021, tandis que les analphabètes représentaient 3,1%. « Avec le début de la nouvelle année, le nombre d’universités technologiques en Egypte a atteint 10 universités », affirme Ayman Achour, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Il explique que l’objectif des universités technologiques est de « fournir des cadres techniques bien formés de façon à répondre aux exigences du marché du travail». Et d’ajouter: « Pour améliorer les compétences des jeunes, les universités technologiques ont conclu des partenariats avec des universités internationales ayant une grande expérience dans ce domaine et ont signé des protocoles de coopération avec des institutions industrielles, des entreprises et des usines ».
En fait, la création des universités technologiques est au coeur de la stratégie de l’Etat visant à renforcer le secteur de l’enseignement technique, étant donné que les ressources humaines sont considérées comme le vecteur principal du développement. Selon l’article 20 de la Constitution, l’Etat s’engage à « encourager l’enseignement professionnel et technique, ainsi que la formation professionnelle selon les normes internationales de qualité et en fonction des besoins du marché du travail ». Alors que le huitième Objectif de Développement Durable (ODD8) reconnaît l’importance d’une croissance économique soutenue, partagée et durable, afin d’offrir à chacun un emploi décent et de qualité.
La quatrième révolution industrielle
Pourquoi encourager les nouveaux bacheliers à choisir une filière technique ? Les progrès technologiques engendrés par la quatrième révolution industrielle ont remodelé l’économie mondiale, les relations entre les pays ont fondamentalement changé notre façon de vivre et de travailler. Selon des estimations, 18 % des emplois actuels sont voués à disparaître, alors que 32% des emplois exigent plus de compétences. C’est pourquoi les jeunes d’aujourd’hui doivent faire évoluer leurs compétences pour réussir dans le monde futur du travail comme l’explique Hassan Shehata, professeur de programmes d’études à l’Université de Aïn-Chams. « Il faut se débarrasser du concept des facultés prestigieuses comme la médecine, l’ingénierie et la pharmacie. Le regard de la société sur l’enseignement technique doit changer », souligne Hassan Shehata. Et d’ajouter: « Il faut également sensibiliser les nouveaux bacheliers aux nouvelles filières et leur importance sur le marché de l’emploi. De nombreux étudiants se tournent vers les facultés théoriques sans se demander si ces facultés les aideront à décrocher un emploi. Ce qui augmente le taux de chômage parmi les jeunes diplômés de manière exagérée et cause un déséquilibre entre les facultés théoriques et pratiques ». Avant le lancement de l’année universitaire, une série de séminaires sous le titre « Choisis ton université » a été organisée pour mieux guider les choix des jeunes vers les filières prometteuses.
Le secteur privé joue un rôle-clé dans l’amélioration des compétences technologiques des jeunes. « Les universités créées par l’Etat ne suffisent pas. Le secteur privé est appelé à investir dans les universités technologiques », affirme Achour. Et d’ajouter: « Le ministère de l’Enseignement supérieur a formé une unité chargée d’examiner les demandes présentées par le secteur privé pour investir dans les universités technologiques ».
Une stratégie à multiples dimensions
C’est dans ce contexte que l’Etat s’active sur plusieurs fronts pour renforcer le secteur de l’enseignement technique, afin de faciliter la transition entre l’environnement universitaire et les exigences du marché du travail.
Le nombre d’écoles technologiques est passé de 3 en 2018 à 42 en 2022, dans 15 gouvernorats. Les programmes de formation dans ces écoles suivent l’approche allemande d’un apprentissage académique combiné à une formation sur place dans les usines. L’objectif du ministère de l’Education est d’introduire 10 écoles de technologie appliquée chaque année, afin que le nombre total de ces écoles atteigne 100 d’ici 2030. « L’enseignement technique est la locomotive du développement. A titre d’exemple, dans les pays développés comme l’Allemagne, l’enseignement général ne représente que 10 à 15 %, et le reste est consacré à l’enseignement technique. Notre école de technologie appliquée, Al-Araby, tente d’appliquer cette vision. Nous gérons l’école comme un partenaire industriel qui connaît bien le marché du travail », explique l’ingénieur Sami Sorour, directeur exécutif de l’école Al-Araby.
Et d’ajouter : « C’est pourquoi nous avons signé, en 2018, un partenariat avec la JICA sous la tutelle du ministère de l’Education. Nous avons commencé par 3 sections : la climatisation, la réfrigération, la mécanique et l’électricité. Cette année, nous avons ajouté une nouvelle section : la logistique. Nous avons 21 classes avec une moyenne de 24 élèves par classe. L’élève étudie 3 jours à l’école et passe 2 jours de travail pratique dans les usines d’Al-Araby ». En fait, ces écoles fonctionnent en vertu d’un accord entre le ministère de l’Education, le secteur privé et un partenaire étranger pour adopter des méthodes d’évaluation des élèves et renforcer les capacités et les compétences de la nouvelle génération d’innovateurs, en vue de fonder une économie basée sur la connaissance.
« L’Etat coordonne entre les écoles de technologie appliquée et les nouvelles universités technologiques, afin de faciliter l’accès rapide au marché du travail », affirme Adel Abdel- Ghaffar, porte-parole du ministère de l’Enseignement supérieur. Sur un autre volet, le ministère de l’Enseignement supérieur travaille en vue de multiplier les programmes d’études interdisciplinaires dans les universités publiques, qui permettent à l’étudiant d’étudier plus d’une spécialisation en même temps, afin de lui offrir de multiples opportunités d’emploi.
Ce programme intitulé STEM est fondé sur l’idée d’éduquer les jeunes dans quatre disciplines, à savoir la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, selon une approche interdisciplinaire et appliquée. Par ailleurs, pour améliorer la qualité de l’enseignement universitaire et réduire l’émigration des jeunes pour étudier à l’étranger, de nouvelles branches des universités internationales ont ouvert leurs portes ces dernières années à la Nouvelle Capitale administrative. Selon Abdel- Ghaffar, « le nombre d’étudiants qui voyagent à l’étranger pour étudier a diminué de 70 %, et cela est dû à la grande disponibilité des universités et des spécialisations ». Le ministère de la Main-d’oeuvre est en train d’élaborer, selon Hassan Shehata, « la stratégie nationale de l’emploi », en consultant l’ensemble des acteurs concernés par l’emploi, afin de dresser un diagnostic des défis du marché du travail. Selon beaucoup d’observateurs, la stratégie nationale de l’emploi doit répondre à plusieurs questions : Dans quelles filières trouve-t-on plus de diplômés chômeurs ? Quelles sont les compétences requises ? Comment parvenir à la stabilité du marché du travail ? Et comment éviter les déséquilibres sociaux ?.
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