« Notre monde est abîmé par la guerre, frappé par le chaos climatique, meurtri par la haine, couvert de honte par la pauvreté et les inégalités ». Ce tableau apocalyptique ou plutôt ce signal d’alarme est signé du secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres. Un sombre message adressé aux 150 dirigeants du monde qui participent, cette semaine à New York, à la 77e session de l’Assemblée générale des Nations-Unies. C’est, en effet, dans un contexte marqué par de nombreuses crises à travers le monde que se tient cette session. A commencer par la guerre en Ukraine. Cette crise a pris le dessus sur toutes les autres, car tout simplement, elle constitue la préoccupation majeure des Occidentaux. Les grands de la planète continuent d’avoir les yeux rivés sur l’invasion russe en Ukraine. Pourtant, il y a d’autres crises ailleurs. Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, l’a lui-même reconnu, citant notamment l’Afghanistan, la République démocratique du Congo, la Corne de l’Afrique, l’Ethiopie, Haïti, la Libye, l’Iraq, la Palestine, le Myanmar, le Sahel et la Syrie. Mais il y a aussi la crise alimentaire, les inégalités, l’urgence climatique, le terrorisme … Autant de crises qui attendent des solutions, tout comme la guerre en Ukraine qui, bien qu’elle soit au centre de tant d’intérêt, n’est pas près d’être réglée.
Une crise, des crises
Le monde va mal. S’il y a unanimité sur quelque chose, c’est sur ce constat. « Et pourtant, nous sommes bloqués par un énorme dysfonctionnement mondial », affirme Guterres. « Dysfonctionnement », le mot est lâché par le maître de l’Onu en personne. S’agit-il là d’une reconnaissance des limites de l’organisation, voire de son incapacité à accomplir le rôle pour lequel elle a été créée, à savoir maintenir la paix mondiale ? Ou bien Guterres espère-t-il replacer les Nations-Unies au centre du jeu politique international, à l’heure où son rôle semble de plus en plus limité ?
En effet, cette année, un thème s’est invité aux débats de l’Assemblée générale : la réforme de l’Onu, et en particulier de son Conseil de sécurité. Et la guerre en Ukraine n’est pas sans lien avec les appels à la réforme. Depuis la naissance des Nations- Unies il y a près de 80 ans, en octobre 1945, le schéma est immuable : les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité, véritable gouvernement de l’ordre mondial, font office de tête pensante, avec leur fameux droit de veto. Une formule qui ne fonctionne plus. Le système du Conseil de sécurité est né des vestiges de la Seconde Guerre mondiale, et les cinq pays choisis pour siéger de façon permanente étaient les vainqueurs de cette guerre : les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine. Comme si, depuis la fin de la guerre, le monde n’avait pas changé et devait être éternellement régi par les pays ayant vaincu l’Allemagne nazie. Tout le monde reconnaît que le système du Conseil de sécurité est devenu archaïque. Une formule caduque, qui exclut des pays comme l’Allemagne ou le Japon, ne tient pas compte de l’existence de l’Union européenne, n’inclut pas un continent entier, l’Afrique, et qui conduit à d’innombrables blocages compte tenu d’un puissant droit de veto dont disposent les cinq membres permanents. Une formule qui plaisait bien aux grands de ce monde, jusqu’à la guerre en Ukraine …
Le fameux droit de veto
Un important appel au changement avait été lancé en 2005 pour les 60 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Brésil, Allemagne, Inde et Japon avaient alors conjointement déposé leurs candidatures à un siège permanent. Dix-sept ans plus tard, rien n’a bougé. Et aujourd’hui, l’appel vient paradoxalement d’ailleurs. Car face à la guerre en Ukraine, l’Onu est impuissante : la Russie fait partie des cinq. Une fois n’est pas coutume, ce sont donc les Etats-Unis eux-mêmes qui ont appelé à une réforme. Exaspéré par l’utilisation russe du droit de veto après le déclenchement de la guerre, Washington, qui en a bien souvent fait usage, appelle à présent à un gros dépoussiérage. « Le temps est venu où cette institution doit devenir plus inclusive, afin de mieux répondre aux besoins du monde d’aujourd’hui. Les membres du Conseil de sécurité de l’Onu, les Etats-Unis y compris, doivent systématiquement soutenir et défendre la Charte des Nations-Unies, et s’abstenir de faire usage de leur droit de veto, sauf dans des situations rares et extraordinaires, afin de garantir que le Conseil reste crédible et efficace. C’est aussi pourquoi les Etats-Unis soutiennent l’augmentation du nombre de représentants permanents et non permanents du Conseil. Cela implique des sièges permanents pour des nations que nous soutenons depuis longtemps et des sièges permanents pour des pays d’Afrique, d’Amérique latine et des Caraïbes », a déclaré le président des Etats-Unis, Joe Biden, dans son discours à la tribune de l’Assemblée générale. Même son de cloche chez le président français, Emmanuel Macron. « Je souhaite que nous engagions enfin la réforme du Conseil de sécurité », a-t-il dit, estimant que ce conseil devait être plus représentatif. Lui aussi a dit souhaiter limiter le recours au droit de veto en « cas de crime de masse ». Des appels qui font suite à de nombreuses utilisations du droit de veto de la Russie lors du vote de résolution concernant la guerre en Ukraine.
C’est sans doute la première fois depuis la création de l’Onu que le Conseil de sécurité est pris au piège de son propre système. Mais la réforme se fait urgente, il reste à savoir de quelle réforme il s’agira.
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