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Du rêve énergétique à la réalité

Racha Darwich , Mercredi, 29 juin 2022

En l’espace de 9 ans, l’Egypte est parvenue à passer du statut d’importateur de gaz naturel à celui d’exportateur et de hub énergétique régional.

Du rêve énergétique à la réalité

La semaine dernière, l’Egypte a signé avec le Liban et la Syrie un accord pour l’exportation de 650 millions de m3 de Gaz Naturel Liquéfié (GNL) par an pour alimenter la centrale électrique de Deir Ammar au nord du Liban via la Syrie, à travers le gazoduc arabe (voir encadré). Par ailleurs, le ministre égyptien du Pétrole, la ministre israélienne de l’Energie et la commissaire européenne à l’énergie avaient signé, le 15 juin au Caire, un accord-cadre pour l’approvisionnement de l’Union Européenne (UE) en gaz naturel israélien via l’Egypte. L’accord prévoit l’acheminent pendant 3 ans avec une prolongation automatique de 2 ans, du gaz israélien vers l’UE après sa liquéfaction en Egypte.

« Après la Révolution du 30 Juin, l’Egypte s’est fixé un objectif qui semblait impossible pour certains, celui de devenir un hub régional de l’énergie. L’Etat a alors entamé, dès 2016, l’exécution d’un plan ambitieux pour développer le secteur du pétrole et du gaz », explique Mohamed Mansour, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Ce plan s’est rapidement traduit par un développement du secteur pétrolier qui a enregistré, dès l’année 2018-2019, un taux de croissance de 25 %.

Le plan a d’abord commencé par la signature de quelque 99 accords pétroliers pour la prospection offshore de pétrole et de gaz, avec des investissements de 17 milliards de dollars, dans le but de creuser près de 384 puits, dans la période de juillet 2014 à juin 2021. Ce développement contraste avec l’interruption de signature d’accords de prospection de 2010 à octobre 2013. « Cependant, pour pouvoir élargir la prospection de gaz dans la zone économique égyptienne, il était impératif pour l’Egypte de délimiter ses frontières maritimes avec ses voisins en mer Méditerranée », explique Mansour. C’est ainsi que ses frontières ont été délimitées avec Chypre en 2013, avec l’Arabie saoudite en 2016 et avec la Grèce en 2020.

Grâce à ces mesures, la compagnie italienne Eni a annoncé en 2015 la découverte du gisement Zohr, l’un des plus grands gisements de gaz en Méditerranée, avec des réserves prouvées de 30 milliards de m3 de gaz et une production quotidienne de 3,2 milliards de m3. Ce champ est l’une des principales raisons qui ont permis à l’Egypte de réaliser l’autosuffisance en gaz naturel et de commencer les exportations. Les nouvelles découvertes ont également placé l’Egypte sur la liste des 10 premiers pays du monde disposant d’importantes réserves de gaz naturel en eaux profondes, avec des réserves de 18,852 milliards de pieds cubes récupérables alors que la production de gaz naturel a atteint entre 6,5 et 7 milliards de pieds cubes par jour.

Création du Forum du gaz de la Méditerranée

Dans le but de renforcer sa position internationale dans l’industrie gazière, l’Egypte a lancé, en octobre 2018, l’idée de créer le Forum du gaz de la Méditerranée orientale lors du Sommet de Crète entre les dirigeants de l’Egypte, de Chypre et de la Grèce. La charte du forum a été signée en septembre 2020 et est entrée en vigueur en mars 2021, en vertu de laquelle il est devenu une organisation intergouvernementale. Celle-ci est composée de 7 Etats membres : l’Egypte, la Grèce, Chypre, la Palestine, Israël, la Jordanie et l’Italie, ainsi que la France qui les a rejoints plus tard en plus des Etats-Unis, de l’UE et de la Banque mondiale en tant qu’observateurs. « L’importance du Forum du gaz de la Méditerranée orientale s’avère dans la consolidation de la coopération régionale et le développement des ressources gazières dans les pays de la région, afin de contribuer à assurer les besoins de leur population en gaz naturel. Il s’agit également d’assurer une partie des besoins de l’Europe et de l’Asie de ce combustible qui est le plus important dans cette phase de transition vers l’énergie propre, et qui continuera à avoir une grande importance pendant des décennies dans le bouquet énergétique mondial », explique Ossama Mobarez, secrétaire général du forum.

Selon un rapport publié par le Conseil des ministres, un autre facteur important a contribué à transformer l’Egypte en un pays exportateur de GNL: la capacité de production des usines de liquéfaction d’Edkou et de Damiette qui a atteint 12 millions de tonnes par an grâce au retour de l’usine de Damiette à l’exportation pour la première fois an mars 2021 après un arrêt de 8 ans. Le fait qui a permis la croissance des exportations de GNL à 6,7 millions de tonnes en 2021 contre 3 millions en 2013. Le rapport révèle aussi que l’Egypte a réussi à ouvrir de nouveaux marchés pour le GNL égyptien, précisant que 20 pays ont importé du gaz égyptien depuis le début de l’exportation, dont 4 nouveaux marchés qui sont la Turquie, l’Ukraine, le Pakistan et le Bangladesh (voir infographie).

Grâce aux efforts déployés par le gouvernement dans le secteur du gaz, l’Egypte a occupé, en 2020, la 14e place mondiale, la 5e régionale et la seconde africaine dans la production du gaz, avec une production annuelle de 58,5 milliards de m3, selon les chiffres de British Petroleum. Elle a réussi à préserver ses niveaux de production et d’exportation malgré la crise de Covid-19. C’est ainsi que sa production a atteint 66,2 milliards de m3 en 2020-2021, alors que les chiffres du ministère du Pétrole ont révélé que les exportations égyptiennes de GNL avaient enregistré en 2021 une hausse record de 768,2% par rapport à l’année précédente, pour atteindre 3,959 milliards de dollars contre 456 millions en 2020. Un autre record: les exportations au cours du premier trimestre 2022 seulement ont atteint 3,892 milliards de dollars, soit presque la même valeur que toute l’année 2021. L’agence internationale de notation financière, Fitch Ratings, avait estimé que 2022 serait l’année de pointe pour la production de gaz naturel en Egypte. De son côté, l’Agence internationale de l’énergie a confirmé que l’Egypte est le deuxième plus grand contributeur à la croissance des exportations de GNL dans le monde, de janvier à août 2021.

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