Le Caire et Addis-Abeba se sont récemment livrés à une guerre des mots à la suite d’une résolution de la Ligue arabe soutenant l’Egypte et le Soudan dans leur conflit avec l’Ethiopie sur les eaux du Nil. Une récente déclaration du ministère éthiopien des Affaires étrangères a été vivement critiquée par l’Egypte, la qualifiant de « trompeuse, pleine de faussetés et déformant les faits ». Selon Ahmad Abou-Zeid, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, l’Ethiopie prétend à tort qu’un accord a déjà été conclu entre les trois pays sur le volume d’eau à stocker et la période de remplissage du barrage. « Les négociations sont restées infructueuses pendant plus d’une décennie », a-t-il ajouté, soulignant le manque d’engagement ou de considération pour les pays en aval du Nil dans l’approche de l’Ethiopie.
Deux jours plus tôt, les autorités éthiopiennes s’étaient livrées à une attaque contre Le Caire, suite à une résolution adoptée lors du récent sommet de la Ligue arabe, affirmant que le texte « reprenait la rhétorique hostile de l’Egypte à l’égard du GERD ».
Lors de leur sommet annuel à Djeddah il y a deux semaines, les pays arabes avaient exprimé leurs préoccupations quant à l’absence de progrès dans les négociations sur le barrage en raison de l’intransigeance de l’Ethiopie.
Dans une déclaration du ministère éthiopien des Affaires étrangères, Addis-Abeba a accusé l’Egypte d’exercer une pression en utilisant la Ligue arabe et en s’accrochant à des « accords coloniaux et à une position basée sur une mentalité coloniale ». « Les détails du remplissage du barrage, y compris le volume et la durée, ont été convenus entre les experts des trois pays », a-t-il prétendu, ce que Le Caire a réfuté.
Les origines du différend remontent à la signature de la Déclaration de principes en 2015, qui visait à établir un dialogue et engager des négociations afin de résoudre les problèmes liés au barrage.
Cependant, les cycles de négociation ultérieurs n’ont pas abouti à un accord global sur le remplissage et le fonctionnement du barrage. L’Ethiopie a procédé à des remplissages unilatéraux, en achevant deux étapes et en lançant une troisième, avec un quatrième remplissage prévu en juillet prochain. Une action en totale contradiction avec la position de l’Egypte exigeant que le barrage ne soit pas rempli avant un accord juridiquement contraignant.
« Nous sommes pris dans un cercle vicieux sans nouveaux développement depuis plus de 3 ans », affirme Salah Halima, ancien ministre adjoint des Affaires étrangères. « L’Ethiopie continue de considérer le Nil bleu comme un fleuve interne », ajoute Halima, qui a été l’envoyé de la Ligue arabe au Soudan et au Soudan du Sud.
La position officielle de l’Egypte, qui ne cache pas sa frustration, semble se concentrer désormais sur « l’encouragement de l’Ethiopie à accepter ce qui a déjà été convenu, plutôt que d’entamer de nouvelles discussions », selon des sources bien informées. Cela explique pourquoi l’Egypte, qui a eu recours trois fois au Conseil de sécurité des Nations-Unies au cours des trois dernières années, a déclaré en mai qu’elle n’avait pas l’intention de porter à nouveau la question au Conseil de sécurité. Le Caire estime que les négociations ont déjà progressé, mais que l’Ethiopie « revient sur les termes convenus collectivement, notamment sur l’abstention d’actions unilatérales ».
A ce stade, Le Caire adopte une approche attentiste. Selon Halima, « si la direction politique égyptienne perçoit une menace, elle prendra des mesures pour prévenir ce préjudice ». Il ajoute que « l’Egypte dispose des moyens et du droit de se défendre conformément à la Charte des Nations-Unies ».
Le Caire ne cesse, en effet, de condamner les actions unilatérales éthiopiennes comme violation des engagements juridiques, et a réaffirmé son droit à se défendre en cas de menace réelle.
La question qui revient régulièrement est la suivante : l’Ethiopie sera-t-elle disposée à libérer suffisamment d’eau du réservoir pour atténuer une éventuelle sécheresse en aval ?
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